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Les pays émergents dans le cadre du G20 se sont entendus hier pour créer un fonds de 100 milliards de dollars destiné à lutter contre les effets de change.
Les pays émergents dans le cadre du G20 se sont entendus hier pour créer un fonds de 100 milliards de dollars destiné à lutter contre les effets de change.
©Reuters

Decod'Eco

Alors que l'on pensait que les économies des pays émergents allaient rattraper celles des pays occidentaux, c'est tout l'inverse qui est en train de se produire. Ainsi, aux taux de croissance faiblards observés ces derniers mois sont venus s'ajouter un effondrement des monnaies locales. Par exemple, face à l'euro, le réal brésilien vient de perdre 16,1% depuis le début de l'année.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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La forte croissance des pays émergents est dans leur "ADN".

C'est ce que déclarait à l'Usine Nouvelle en début d'année Olivier Scalabre, membre du Boston Consulting group, à propos d'une étude sur les champions industriels des pays émergents. L'analyste rappelait que les 100 champions que son cabinet avait identifiés avaient créé 1,4 million d'emplois alors que les entreprises du S&P 500 affichaient un zéro pointé. Il pronostiquait également que les groupes comme le Chinois Huawei, le Brésilien Embraer, l'Indien Bajaj ou encore le Thaïlandais CP tendaient à devenir les "égaux" des groupes occidentaux.

Pourtant comme on le constate depuis quelques semaines, le grand rattrapage s'est transformé en grande noyade. Aux taux de croissance faiblards observés ces derniers mois sont venus s'ajouter un effondrement des monnaies locales. Face à l'euro, la lire turque vient de perdre près de 13,4%, le rouble de 9,5%, le réal brésilien 16,1%, le rand sud-africain de 23% et la roupie indienne de 18,1% depuis le début de l'année.

Que s'est-il passé depuis les couronnes de fleurs tressées par le BCG en début d'année ?

La canonnière Bernanke
Tout le monde sait d'où est venu le coup de semonce contre les émergents : De la Fed. En annonçant de retirer la béquille à l'économie américaine, le quantitative easing 3, le patron de la Fed Ben Bernanke a déclenché cette fuite des capitaux. Son annonce portait en filigrane l'annonce d'une remontée des taux américains, rendant inutile pour les investisseurs d'aller chercher à l'autre bout du monde des rendements plus élevés mais plus risqués.
Plus fondamentalement, l'action de la Fed n'a fait qu'assener un énième coup à des économies déjà mal en point. Le coup a été particulièrement rude pour les pays dont la balance des paiements est déficitaire, "car ils ont constamment besoin des capitaux étrangers pour maintenir leur monnaie à flot", explique Jean Médecin, membre du comité d'investissement de Carmignac gestion cité dans Le Monde. Avec le retrait des liquidités occidentales, les banques centrales doivent prendre le relais pour défendre la monnaie.
Au-delà de cette gué-guerre des monnaies, les investisseurs se demandent si les pays émergents n'étaient pas des feux de paille, et les comparaisons avec la crise asiatique de 1997 fleurissent.

Cette fois, c'est différent ?
Pour l'économiste vedette de Natixis Patrick Artus, l'augmentation des déficits extérieurs, la très forte progression du crédit, les effets de change, la sortie de capitaux puis les très fortes dépréciations de certaines monnaies ressemblent au scenario qui a mené à la crise asiatique. D'ailleurs, la croissance de ces pays les années précédentes était déjà en partie portée par les fonds étrangers. L'affaissement des taux américains dans les années 1990 avait déjà conduit les investisseurs à chercher de nouvelles places financières pour mieux rémunérer les capitaux.
Pourtant prédire que le retrait des liquidités étrangères va signer la fin du miracle économique émergent serait ignorer comment s'est fini la crise de 1997. Dès 1999, la croissance était de retour dans les pays asiatiques. Ce tableau du PIB thaïlandais par habitant, pays d'où est partie la crise de 1997, illustre bien la résilience de la croissance du pays.


Titre : PIB par habitant de la Thaïlande, en parité de pouvoir d'achat en dollars



Aujourd'hui, les pays émergents semblent encore mieux préparés pour affronter cette crise.

Des pays émergents plus solides...
"C'est quand la mer se retire que l'on voit ceux qui se baignent nus". Cette citation de Warren Buffett est particulièrement d'actualité aujourd'hui, alors que les investisseurs se retirent des pays émergents. Et les maillots de bains sont ici les réserves de changes accumulées par les banques centrales afin de défendre les monnaies.
Or force est de constater que plusieurs de ces pays sont allés se baigner avec maillots, bouées et brassards. Ils bénéficient d'abord d'une épargne domestique conséquente, et surtout de réserves de changes colossales. C'est ce qui explique que le Brésil a pu lancer un programme d'intervention de 45 milliards d'euros pour défendre le real cette semaine.
Danielle Schweisguth, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, souligne également que l'intégration des économies asiatiques est plus marquée, ce qui les rend moins dépendante des évolutions des pays développés.


... mais confrontés à de nouvelles fragilités
La nouveauté aujourd'hui, c'est que de nouveaux maux économiques sont apparus avec la fuite des capitaux étrangers. Les pays asiatiques, pour reprendre cette région comme exemple, ont construit leur croissance depuis 20 ans sur une main-d'oeuvre peu chère, une régulation faible et une contrainte environnementale laxiste, qui leur ont permis d'être extrêmement compétitifs à l'international en termes de coût. Or ces dernières années on a assisté à une très forte augmentation des salaires, ainsi qu'un début de réglementation, qui sont venus rogner l'avantage compétitif de ces pays.

Tout récemment, le BCG, encore lui, a publié une étude calculant qu'en 2005, le coût moyen d'un ouvrier chinois représentait 22% de celui d'un ouvrier américain. En 2010, il était de 31%. D'ici 2015, il sera de 60%. C'est ce qui explique que les constructeurs comme Honda, Kia, Toyota ou encore General Electric ont délocalisé à nouveau leurs usines de Chine vers les Etats-Unis.
Pour les pays émergents, la seule issue est d'amener la consommation nationale à prendre le relais des exportations pour se protéger des mouvements de capitaux. Or comme le constate John Greenwood, économiste en chef chez Invesco, "les responsables politiques [chinois, indiens et brésiliens] ont toutes les peines à assurer une transition sans heurts vers des modèles de croissance axés sur le marché intérieur".


Mon conseil
Les pays émergents dans le cadre du G20 se sont entendus hier pour créer un fonds de 100 milliards de dollars destiné à lutter contre les effets de change. Cette avancée permettra d'éviter les mouvements de panique. Toutefois pour juger de la solidité des émergents, je vous conseille d'attendre la réunion de la Fed mi-septembre, qui pourrait déboucher sur un calendrier plus précis sur l'arrêt du QE3.

En attendant, voici un petit conseil pour les investisseurs qui ont encore confiance dans ces pays. Les marchés émergents ont souffert dans leur ensemble depuis le début de l'année. L'ETF iShares JPMorgan USD Emerg Markets Bond (EMB : NYSEArca) indexé sur les obligations des pays émergents affiche une baisse de 15% sur l'année. A l'inverse, l'ETF iShares MSCI Emerging Markets Consumer, indexé sur les valeurs liées aux biens de consommation de ces pays, n'est en retrait que de 4%. Voici une comparaison sur un an des deux ETF.



Investir sur les fabricants de chaussures chinois ou sur les groupes multimédias mexicains est peut-être la bonne façon de jouer le futur rebond des pays émergents.

[Pourquoi la hausse du prix des matières premières est inévitable...
Un indice : cela n'a rien à voir avec la spéculation... ni même avec la crise financière... ce n'est pas non plus une question de climat... mais cela pourrait s'avérer plus profitable encore que toutes ces causes réunies !


Tout est expliqué ici...]

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