Pourquoi l'étude américaine qui souligne les bons résultats de la France en termes de coût du travail passe largement à côté du problème<!-- --> | Atlantico.fr
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Le coût horaire du travail était de 35,67 dollars par heure dans le secteur manufacturier en 2012 aux Etats-Unis.
Le coût horaire du travail était de 35,67 dollars par heure dans le secteur manufacturier en 2012 aux Etats-Unis.
©Reuters

L'arbre qui cache la forêt

Selon le Bureau of Labour Statistics des Etats-Unis, le coût horaire du travail était de 35,67 dollars par heure dans le secteur manufacturier en 2012 aux Etats-Unis, inférieur aux 45,79 dollars d’Allemagne et aux 39,81 dollars de France.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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En premier lieu, il faut se dire cinq vérités, au-delà des lectures partielles et des simplifications :

1 - Dans l’industrie : le coût du travail est plus bas en France par heure qu’en Allemagne,
2 - Dans les services : le coût du travail est bien plus élevé en France qu’en Allemagne,
3 - Industrie et surtout services : il y a beaucoup plus de salariés à temps partiel en Allemagne qu’en France,
4 -  Industrie : l’Allemagne importe beaucoup de produits fabriqués chez ses voisins, qui sont des zones à bas salaires par rapport à elle,
5 - Dans l’industrie et dans les services, l’Allemagne reçoit une importante population immigrée, notamment de l’Est, avec les salaires et conditions horaires des pays d’origine – en liaison avec les règles de la construction européenne sur la mobilité de la main d’œuvre.

Ce catalogue permet de remettre à leur juste valeur des données publiées le 9 août par le Bureau of Labour Statistics des Etats-Unis, où il apparaissait que le coût horaire était de 35,67 dollars par heure dans le secteur manufacturier en 2012 américain, inférieur aux 45,79 dollars d’Allemagne et aux 39,81 dollars de France. Ce qui se passe, et il faut toujours voir les sources dans les statistiques, c’est que les comparaisons concernent l’industrie hors les travailleurs à temps partiel en Allemagne et, en France, toutes les entreprises. En réalité, les salariés allemands dans le secteur manufacturier ont des salaires élevés en liaison avec la valeur ajoutée élevée qu’ils produisent : ce ne peut pas être une surprise. Mais pour comprendre plus profondément ce fait, il faut savoir que le système productif allemand est fractionné, ce qui explique ses résultats :

  • A côté de l’élite productive des salariés qui travaille à plein temps du secteur manufacturier (grandes entreprises de l’automobile, de l’électricité, de la mécanique, de la chimie…)
  • Il y a ainsi un ample secteur des services bien moins payé et qui travaille de façon très morcelée,
  • Tandis que le recours à la main d’œuvre des pays de l’Est se développe partout dans les activités de faible qualification (agriculture, abattoirs, services simples…),
  • L’Allemagne sous-traite une part importante de ses activités industrielles.

Dans ce contexte, le coût global horaire français est sans doute voisin de celui de l’Allemagne si on raisonne au total, mais ceci cache deux disparités : celle des productivités (qui dépasse 10 % en faveur de l’Allemagne) et donc celle, symétrique, de la profitabilité, en défaveur de la France.
Au fond, l’organisation du travail entre France et Allemagne soutient des entreprises allemandes plus rentables avec des salariés mieux payés parce qu’elles ont gagné des parts de marché et renforcé leur image de marque en haut de gamme. Pour aller dans ce domaine, il faut que la France s’engage dans une stratégie de renforcement de sa compétitivité, quantitative et qualitative, avec moins de prélèvements fiscaux et sociaux et plus de formation, avec une discussion sur l’immigration et sur le travail qui peut venir des autres pays européens.
C’est donc un débat social compliqué qu’il faut mener en France. Il doit être de qualité, autrement dit de vérité… et étudier de près les sources statistiques et les systèmes productifs, économiques, fiscaux, de formation, qui font, à la fois, la compétitivité et l’emploi.

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