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Les secrets de la combativité de NKM aux dernières législatives
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Bonnes feuilles

Son visage s'impose dans l'imaginaire des Français, mais connaît-on vraiment Nathalie Kosciusko-Morizet ? Les auteurs Olivier Faye et Gaspard Dhellemmes retracent le parcours de celle qui a su s'imposer en moins d'une dizaine d'années comme l'une des rares femmes en mesure de conquérir un jour l'Elysée. Extrait de "NKM, la femme de premier rang" (1/2).

Le 6 mai 2012, le président sortant est défait mais obtient 51 % des suffrages dans la circonscription, avec une forte participation, supérieure à 84 %. L’écart avec la gauche est ténu. Il va falloir mobiliser les électeurs de droite, déçus par l’élection de François Hollande et certainement tentés de rester à la maison un mois plus tard pour les législatives. Dès le lendemain, sans s’appesantir sur cette défaite, Nathalie Kosciusko-Morizet réunit ses équipes à Longjumeau. Finie l’exposition médiatique à tous crins, les caméras et les micros : la campagne doit à tout prix se détacher du contexte national. Il ne faudrait surtout pas que son adversaire socialiste, Olivier Thomas, profite de l’effet Hollande. Le contact direct avec la population est privilégié et la presse parisienne est snobée.

Là où l’Essonnien va, elle va aussi. Sur les marchés, aux entrées des centres commerciaux, aux feux rouges de la nationale 20, cette route sans cesse embouteillée au sud de Paris où elle vient régulièrement tracter au milieu des gaz d’échappement. Comme en 2008, les chenilles du bulldozer NKM labourent les terres du département. Dans la continuité de la campagne du second tour de la présidentielle, elle place au rang de ses priorités des thèmes droitiers : l’opposition au droit de vote des étrangers et la nécessité de lutter contre la fraude aux prestations sociales apparaissent en première ligne sur son tract. Face à elle, le maire de Marcoussis aborde l’élection avec optimisme. Olivier Thomas est un militant de la gauche du PS, ancien compagnon de route de Jean- Luc Mélenchon, comme beaucoup de socialistes dans l’Essonne. Il a perdu une première fois en 2002 comme suppléant contre le tandem Wiltzer-Kosciusko, puis une deuxième dans les grandes largeurs en 2007 face à la future ministre. « Cette troisième fois, ce sera la bonne, assure-t-il au Parisien. L'élection de Hollande crée une dynamique. Il y a un vrai coup à jouer. »(25) Ce quinquagénaire au cheveu blanc et à la barbe hirsute a de quoi positiver. Le nouveau président est arrivé en tête dans trois des plus grosses villes de la circonscription, dont Longjumeau, avec 55 % des voix. Pour le soutenir, Thomas convoque un ballet d’éléphants et d’éléphanteaux socialistes : Manuel Valls, Benoît Hamon, François Lamy, se succèdent tout au long de la campagne avec l’espoir de participer à la chute de l’étoile sarkozyste Kosciusko. La défaite de l’ancienne porte-parole de Nicolas Sarkozy constituerait un symbole important pour la gauche revenue au pouvoir.

Depuis des années, Olivier Thomas et Nathalie Kosciusko-Morizet entretiennent des rapports cordiaux. Les deux adversaires se font la bise, et Thomas a régulièrement été convié à dîner au ministère. Mais, cette fois, l’élection se déroule sous un jour bien plus acrimonieux. Un sondage publié dans le JDD le 27 mai donne les deux adversaires à égalité, 50-50, pour le second tour. Plus que jamais se dessine pour NKM la perspective de passer cinq ans loin de Paris et de son exposition médiatique. A 39 ans, le coup d’arrêt serait terrible dans sa carrière jusque-là fulgurante qui, en dix ans, l’a vu passer du statut de simple conseillère technique à celui de numéro quatre du gouvernement et porte-parole de la campagne d’un président de la République. « Vous avez été fous d’y aller », s’entendent répéter les collaborateurs de la jeune femme.

Marine le Pen contre la « duchesse de l’Essonne »

Dès le 22 avril au soir, Marine Le Pen sait que, avec sa troisième place à l’élection présidentielle, les 18 % d’électeurs qu’elle vient de convaincre vont être au centre de l’attention dans les prochaines semaines. Jamais le Front national n’a été aussi fort dans les urnes, et sa présidente se prend à rêver d’une vague « bleue marine » à l’occasion des élections législatives. Toutes les circonscriptions ne sont pas atteignables pour le FN, mais elle entend peser dans le duel entre le PS et l’UMP partout où cela lui est possible. En particulier dans les territoires où le FN a des comptes personnels à régler… Le dimanche 3 juin, à une semaine du premier tour des législatives, Marine Le Pen arpente le marché de Limours en compagnie de sa candidate locale, Brigitte Dupin. Le soleil brille, la patronne du FN affiche un franc sourire. Elle est venue faire campagne contre « la duchesse de l’Essonne », surnom qu’elle donne à Nathalie Kosciusko-Morizet, l’auteure de ce pamphlet anti-FN qui lui reste encore en travers de la gorge. « Vous ne trouvez pas étonnant que cette femme ait été porte-parole unique d’une campagne qui était résolument tournée vers les idées du Front national, tout en appelant à voter PS en cas de duel entre le rassemblement bleu marine et les socialistes ? », demande-t-elle à un journaliste de France 2. Un quart d’heure plus tard, la principale intéressée, habillée sombrement, passe sur le même marché. « Vous vous sentez menacée dans cette législative ? », lui demande le journaliste. Pas de réponse, ni de regard tourné vers la caméra. NKM reste pour l’instant fidèle à sa stratégie consistant à éviter les médias nationaux.

Le soir du premier tour, l’ancienne porte-parole de Nicolas Sarkozy est mise en ballotage défavorable par Olivier Thomas. Elle a beau arriver en tête, avec 39,5 % des voix, contre 36 % pour son opposant, la faible participation (62 %) incite peu à l’optimisme : les réserves de voix sont en théorie plus importantes pour le socialiste. Dès le lendemain, Marine Le Pen dresse à l’occasion d’une conférence de presse une « liste noire » des personnalités – droite et gauche confondues – à battre lors du second tour. Elle appelle notamment les électeurs frontistes à voter contre Kosciusko, au titre de la « réciprocité » suite à la publication du Front antinational. Un tract, distribué par le FN dans la quatrième circonscription de l’Essonne, annonce clairement la couleur : « Faites barrage à NKM. Votez PS avec le Front national ».

Il n’y a dès lors plus lieu de tergiverser. Les équipes de NKM poussent la candidate à changer de braquet : passer « au national » pour dénoncer « l’incongruité du soutien du FN au PS », et diaboliser Olivier Thomas. Elle s’exécute le soir-même sur le plateau du 20 heures de France 2. C’est une candidate extrêmement nerveuse, au débit de mitraillette, que David Pujadas retrouve face à lui. Son message s’adresse clairement aux électeurs de droite qui ne se sont pas déplacés lors du premier tour. « Marine Le Pen propose de mélanger les voix du Front national avec, autour d’un candidat socialiste, le parti communiste et l’extrême- gauche, dénonce Kosciusko. Elle propose de voter pour le droit de vote des étrangers, pour le laxisme en matière de sécurité et pour le tabassage fiscal », dénonce-t-elle. Puis, elle lâche un direct du droit en direction de son adversaire en Essonne : « Chez moi, dans ma circonscription, le PS accueille même les voix du Front national. Cette semaine, j’ai tous les dignitaires socialistes qui défilent, et pour le moment c’est silence radio, il n’y en a pas un qui a dénoncé le fait que Marine Le Pen appelle à voter socialiste ». Toute la semaine, elle martèle son message, sur les ondes, à la télévision et dans les journaux. « On a un candidat FN-PS, ça ne s'est jamais vu depuis 1940 », avance-t-elle même dans Le Monde. L’ambiance avec Olivier Thomas devient délétère. Les deux concurrents se croisent à plusieurs reprises sur le terrain, dans les cages d’escalier ou entre les étals des marchés, mais s’ignorent ostensiblement. « C’est une méthode de voyou, se plaint le socialiste. Elle sait que je ne suis pas avec le FN mais elle le fait croire pour mobiliser ses électeurs. » Offusqué d’avoir à se justifier, il ne rejettera officiellement le soutien du FN qu’en fin de semaine.

« En mode survie »

Un événement dramatique, survenu quelques jours avant le premier tour, contribue également à alourdir l’ambiance. Le 22 mai, Etienne Kosciusko-Morizet, petit frère de la candidate, âgé de 25 ans, est retrouvé mort à son domicile près de Tours. Le parquet retient l’hypothèse du suicide. « Elle a pris un coup sur la gueule, et est passée en mode survie », explique un conseiller. Malgré la douleur, la campagne se poursuit. Les jours suivants, elle continue de tracter sans rien laisser apparaître. Ses opposants à Longjumeau s’étonnent de la voir continuer à batailler avec autant d’ardeur, y voyant la preuve de sa dureté. Ses partisans, eux, saluent son courage et sa dignité.

Olivier Thomas, de son côté, publie sur son blog un message de condoléances à l’égard de son adversaire. Quelques jours plus tard, NKM, qui, par souci de préserver sa famille déplore que la nouvelle ait été relayée dans la presse, demande au socialiste de le supprimer. Olivier Thomas s’exécute, pensant être quitte avec son adversaire. Mais le 13 juin, en plein entre-deux tours, Kosciusko s’emporte au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC. « Dans ma circonscription, j’ai un opposant qui parle de ma famille. Il a mis un truc sur son blog, j’ai trouvé ça scandaleux, je l’ai appelé d’une voix blanche et je lui ai dit ‘tu retires tout de suite’. » Et poursuit : « Je trouve ça scandaleux que certains essayent d’utiliser ça aux élections législatives, et notamment mon opposant avec une espèce de faux papier de fausses condoléances sur son blog, c’est lamentable. » « Elle instrumentalise la mort de son frère pour expliquer que je suis le pire des salauds, accuse Olivier Thomas. Comment elle est capable d’aller jusque là ? »

La tension ne retombe que le soir des résultats, le 17 juin. Réunis dans la salle du conseil municipal de Longjumeau, les soutiens de la candidate attendent le verdict avec appréhension. De nombreux camions de télévision stationnent dehors, face à l’hôtel de ville. Les duplex s’enchaînent en cette soirée d’été. C’est la première fois que le sort de Nathalie Kosciusko-Morizet passionne autant les médias nationaux. La députée de l’Essonne est finalement réélue avec 51,48 % des voix. Elle est parvenue à mobiliser son électorat, la participation étant – fait rare – plus importante qu’au premier tour. L’épouvantail FN a joué son rôle. « C’est une chance pour elle que le FN et le PS se soient mis ensemble », reconnaît son adjoint à la mairie, Mohamed Bouazzaoui. La pression retombe. Dans un coin, Adeline Hubert de Calan, une de ses collaboratrices de longue date, éclate en sanglots. La grande gagnante prend la parole sous les applaudissements et les « Nathalie présidente » scandés par la foule. « Les électeurs ont massivement rejeté les oukases du Front national, ils se sont comportés en électeurs libres », salue-t-elle.

La mort de son frère, le FN qui la place sur sa liste noire, la menace de perdre son siège de députe. L’adversité a, semble-t-il, galvanisé la candidate, là où beaucoup d’autres auraient baissé les bras. « Comme Nicolas Sarkozy, Nathalie fait partie de ces gens dont les difficultés encouragent la détermination », analyse la sénatrice Fabienne Keller. Olivier Thomas, la défaite amère, livre lui une autre interprétation : « Elle a pété un câble dans cette élection. Avec la peur de perdre, elle était prête à tout ».

Extrait de "NKM, la femme de premier rang", Olivier Faye et Gaspard Dhellemmes (Editions Jacob-Duvernet), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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