Nicolas Dupont-Aignan : “On ne peut pas laisser les Américains décider à la place des parlementaires français de l’intervention de notre pays en Syrie”<!-- --> | Atlantico.fr
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"La France s’apprête pour la première fois de son histoire à entrer en guerre pour des effets de communication".
"La France s’apprête pour la première fois de son histoire à entrer en guerre pour des effets de communication".
©Reuters

Décision difficile

Les discussions sur la participation de la France à une intervention militaire en Syrie aux côtés des Américains débutent ce mercredi. Mais rien n'oblige François Hollande à passer par un vote du Parlement, comme l'explique Nicolas Dupont-Aignan.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

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Atlantico : Les discussions sur la possible intervention de la France aux côtés des Américains en Syrie débutent ce mercredi à l’Assemblée nationale. Après le rejet du Parlement britannique et la décision de Barack Obama de demander l’aval du Congrès américain, estimez-vous, en tant que membre de la Commission des Affaires étrangères à l'Assemblée, que François Hollande doit demander l’avis des parlementaires français ?

Nicolas Dupont-Aignan : Le président de la République doit demander l’avis au Parlement pour la simple et bonne raison qu’il a indiqué que l'Armée française n’irait pas seule en Syrie. Dans ce contexte, ce sont de fait les parlementaires américains qui vont décider pour la Nation française. Nous sommes dans un paradoxe saisissant où la France est à la remorque des Américains puisque l’Assemblée nationale a délégué son pouvoir au Congrès américain.

La Vème République laisse le choix au président de demander l’avis ou non au Parlement. Il n’en a aucunement l’obligation. Mais l’exécutif français s’est aujourd’hui lui-même piégé. Il va donc de soi que les députés doivent se prononcer, ce qui ne sera malheureusement pas le cas.

Que savez-vous de l’opinion des parlementaires en l’état actuel des choses ?

Je suis absolument certain que la guerre en Syrie serait refusée par une large majorité à l’Assemblée nationale. Les députés sont sages contrairement à l’exécutif qui s’est laissé emporter par la tyrannie de l’émotion. Jouer avec la vie des soldats français est une affaire sérieuse.

La France s’apprête pour la première fois de son histoire à entrer en guerre pour des effets de communication. C’est une situation tragique. Je rappelle que la Commission des Affaires étrangères n’a toujours pas siégé alors que nous sommes déjà le 4 septembre. C’est une plaisanterie et une humiliation pour les parlementaires...

Si Barack Obama n’avait pas demandé l’avis du Congrès américain et pris sa décision unilatéralement, le président français aurait-il pu alors se passer du vote de l’Assemblée nationale ?

François Hollande n’aurait pas été dans le piège dans lequel il se trouve actuellement. Mais l’affaire n’en reste pas moins gravissime puisque nous engageons la France dans un processus de guerre civile interne à la Syrie avec des atrocités impardonnables des deux côtés du conflit. Je ne suis pas en faveur de Bachar el-Assad, mais faisons également attention à ne pas renforcer la position d’Al-Qaïda dans cette affaire, voire à s’en faire l’allié par défaut.

Le rôle de la France est de servir de trait d’union pour une conférence politique réconciliant la Russie, les Etats-Unis, l’Iran et les pétro-monarchies en vue d’un départ en douceur d’Assad. Les Français et leurs parlementaires sont lucides et réalistes. Les députés britanniques n’ont pas refusé cette intervention par hasard.

Dans le cas d’un vote des parlementaires, y a-t-il un risque à ce que le dossier syrien relève d’une question d’opinion publique plutôt que de “sécurité nationale” ?

Il ne s’agit pas d’un référendum mais d’un vote du Parlement qui est assez compétent pour juger de la pertinence d’une telle intervention. Surtout qu’il ne s’agit pas d’une véritable guerre mais d’une brève intervention aux contour et périmètre assez flous.

Il n’y avait que deux solutions face à la crise syrienne : soit l’occupation de la Syrie avec une intervention terrestre - ce que je ne souhaite pas mais qui, à la rigueur, reste une position cohérente même si l’Occident n’en a plus vraiment les moyens - soit une négociation politique avec la Russie. Ce sont les deux seules options. Nous pouvions être en désaccord avec George Bush sur la guerre en Irak, mais sa position était cohérente bien que la situation ait tourné au drame.

Or, nous nous lançons sur la voie de frappes sans savoir ce que les parties du conflit feront par la suite ni même qui succèdera à Bachar el-Assad. Cette logique défie toute raison, le risque et l’incertitude sont grandes. Une telle opération n’a aucune cohérence puisque nous nous apprêtons à lancer des frappes, accroître le désordre, renforcer la cohésion du peuple syrien autour d’Assad tout en renforçant l’influence de la Russie et de l’Iran dans cette zone du monde.

Il n’y a pas besoin de frappes pour éliminer les stocks d’armes chimiques du régime syrien. Si nous voulions les viser, il fallait le faire avant, ce qui a déjà été en partie le cas puisque les services secrets en auraient déjà fait sortir du territoire.

C’est une affaire compliquée. Il faut désarmer Assad puis entamer une transition politique. Une prise du pouvoir par Al-Qaïda représenterait un danger pour les chrétiens de la région. Notre rôle est de défendre la France et notre intérêt national. Cette intervention - en ajoutant de la complexité à la complexité - y est contraire, tout comme elle l’est pour les Syriens. La meilleure solution afin de bloquer le dictateur syrien aurait été de négocier avec les Russes. L’Occident doit arrêter de se croire être la police du monde.

Les Britanniques ont rejeté l’idée d’une intervention et la France est suspendue au vote du Congrès américain qui ne se réunit que le 9 septembre. Quelle doit être la position de l'hexagone d’ici là ?

La position française doit être simple : rechercher un accord avec la Russie, mettre en place une conférence pour la paix et imposer aux rebelles la participation à cette conférence.

Parallèlement, il faut mettre hors d’état de nuire les armes chimiques présentes en Syrie, armes qui sont partagées entre le régime et les rebelles. Et je ne pense pas que des frappes permettent d’y parvenir.

Si le Congrès américain se prononce en faveur de l’intervention militaire, la France en tirera-t-elle une position diplomatique plus importante dans le monde comme certains le suggère ?

La France a une position secondaire dans ce dossier, sa décision étant soumise au vote des parlementaires américains. Le président de la République s’est mis en position de faiblesse parce qu’il a sur-réagi en raison de l’influence de la communication, de l’image et de l’émotion alors qu’un chef d’Etat doit agir par la raison. Tout le monde a été ému par ces images atroces. Mais la diplomatie de l’image et de la communication peut déboucher sur de très graves erreurs.

Les images déclassifiées par les services de renseignement français lundi soir n'apportent rien. Il faut attendre le rapport de l’ONU. Tout le monde sait que du gaz sarin a été utilisé mais la question est de savoir qui l’a utilisé, comment et pourquoi. Il faut chercher toute la vérité.

Quel est le ressenti des parlementaires dans les couloirs de l’Assemblée ?

Beaucoup de parlementaires sont très inquiets par la tournure prise par les événements. François Hollande avait été exemplaire au Mali. Il est désormais piégé avec la Syrie. Je regrette que l’UMP n’ait pas de position claire sur ce dossier car celui-ci dépasse largement le clivage droite-gauche, la cacophonie est des deux côtés. Cette situation est très inconfortable.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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