Trois idées fausses sur les heures supplémentaires dont il faut définitivement avoir la peau<!-- --> | Atlantico.fr
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Les heures supplémentaires ne précarisent pas les salariés.
Les heures supplémentaires ne précarisent pas les salariés.
©Flikcr

Oui mais non

Après des rumeurs de retour à la défiscalisation des heures supplémentaires, le gouvernement a démenti l'idée (source : Le Figaro). L'occasion de se débarrasser de quelques idées préconçues qui empoisonnent ce débat.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Une nouvelle fois, c’est l’imbroglio au Parti socialiste et au gouvernement : personne ne comprend plus rien à leur position sur les heures supplémentaires (une marche arrière gouvernementale a été démentie, ndlr. Source : Le Figaro, ici). Alors qu’un député a demandé à ce qu’elles soient de nouveaux (partiellement) défiscalisées, recevant un frémissement de soutien au gouvernement, le président du groupe PS à l’Assemblée Nationale s’y est opposé fermement. Ce débat, aberrant, offre l’occasion de revenir sur quelques erreurs grossières que font les socialistes (et une partie de la droite) en la matière.

Première erreur majeure : les heures supplémentaires tuent l’emploi.

Cette position a été très clairement exprimée par le président de la République en septembre 2012 : « les heures supplémentaires, ce sont des embauches en moins ». La logique (erronée) est simple : « si je travaille plus, c’est que je prends du travail à quelqu’un d’autre ». En réalité, il s’agit ni plus ni moins de la bonne vieille idéologie du « partage du travail » qui avait déjà guidé la mise en œuvre des « 35 heures ».

Il y a une erreur pratique dans ce raisonnement défendu par des gens qui n’ont souvent jamais travaillé en entreprise. Un employeur peut en effet avoir besoin que son salarié effectue un temps de travail supplémentaire de manière ponctuelle, voire répétée, sans que l’addition de ces "extras" ne soit jamais suffisante pour justifier une embauche supplémentaire. Surtout qu’un salarié en plus, cela coûte une fortune (le SMIC étant à plus de 1400 euros, il faut que la nouvelle recrue rapporte au moins plus à l’entreprise) et cela implique une rigidité dangereuse pour l’employeur dont l’activité peut fluctuer (le droit du travail est loin d’être flexible et se séparer du salarié sera périlleux et cher).

Il y a aussi une erreur économique à vouloir partager le travail. Ce raisonnement (qui est celui que mène aussi la droite sur l’immigration) estime que la masse de travail est donnée, intangible et qu’elle doit être répartie entre les salariés. Travailler plus, c’est piquer de l’emploi et donc faire gagner moins à la société. D’où les logiques visant à l’inverse à décourager le travail, comme celles qui cherchent à faire sortir les plus anciens du marché du travail (quand ce n’est pas pour des motifs idéologiques d’abolition du travail qui font que le monde se moque de ce pays où les salariés travaillent moins que leurs enfants).

En somme, moins on travaille, plus on gagne. Intuitivement, chacun voit que le raisonnement est absurde. Travailler moins, cela réduit la croissance (et en plus, cela ne rend pas les gens plus heureux !). En réalité, quand on accroît les facteurs de production, la croissance augmente. Quand on travaille plus, on produit plus, on vend plus, on obtient plus de profits, donc plus de revenus qui sont redistribués par le marché (instrument bien plus efficace que l’Etat) aux salariés, qui les dépensent…

Seconde erreur majeure : les heures supplémentaires précarisent les salariés

Dans la rhétorique de la gauche, les heures supplémentaires sont systématiquement imposées par des patrons tyranniques. Elles seraient donc un exemple supplémentaire de la précarisation du travail imposée par « l’ultralibéralisme ».

Peut-être est ce parfois vrai, en effet : il y a des patrons voyous. A force de décrire le travail comme une souffrance, le discours socialiste semble cependant oublier que la plus grande précarité qui soit, c’est le chômage. Si le gouvernement veut réellement lutter contre la précarisation du travail, il devrait plutôt se préoccuper de favoriser la croissance économique et l’emploi – ce qui passe notamment par l’encouragement des heures supplémentaires au soutien de la production.

Au demeurant, si les députés PS sont aujourd’hui si embarrassés par leur vote de 2012 supprimant les heures supplémentaires défiscalisées, c’est parce qu’ils se rendent bien compte quec’est leur politique qui précarise. Les salariés étaient bien heureux de « travailler plus pour gagner plus ». Même dans l’Education nationale les heures supplémentaires faisaient fureur. Les socialistes les ont privés de précieux compléments de revenus, sans que les embauches n’augmentent pour autant : « travailler plus pour être taxer plus »…

Troisième erreur majeure : généraliser la complexité et la rigidité du travail

Dénonçant une précarisation du travail et un accroissement du chômage générés par la défiscalisation des heures supplémentaires, les socialistes ont trouvé la parade : taxer les heures supplémentaires et, ce faisant, accroître le coût du travail. Raisonnement imparable…

Le président de la République l’expliquait bien en septembre dernier : il a augmenté le coût du travail des salariés pour qu’il ne soit pas moins élevé que celui des étudiants entrant sur le marché. En clair : il a étendu la rigidité plutôt que de généraliser la simplicité.

La logique économique (ou le bon sens commun) aurait dû le conduire à baisser le coût du travail des étudiants : puisque c’est compliqué pour les étudiants, on va leur rendre la vie plus simple. Mais s’engager dans cette voie aurait été un aveu des dysfonctionnements structurels de l’économie française. Monsieur Hollande a donc préféré compliquer la vie de tout le monde : « puisque c’est plus simple pour les salariés qui font des heures supp, rendons leur la vie au moins aussi compliquée que celle des étudiants ». Ce n’est pas la simplicité pour tous et la généralisation de la meilleure solution, mais la rigidité à tous les étages et la complexification des situations. Si quelques uns ne parviennent pas à réussir, alors tout le monde doit souffrir du même handicap. Etrange vision de l’égalité !

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