Le plus grand dysfonctionnement de l’école ? On s’y ennuie à mourir  <!-- --> | Atlantico.fr
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"Tous les sondages et toutes les études confirment que les élèves s’enquiquinent à mourir en classe."
"Tous les sondages et toutes les études confirment que les élèves s’enquiquinent à mourir en classe."
©Reuters

Editorial

La bataille d’arguments sur la prochaine réforme des programmes scolaires sera saignante, mais il est peu probable qu’elle aborde de front ce qui est peut-être le plus grand dysfonctionnement de l’école française : on s’y ennuie.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Dans le jargon journalistique, on appelle ces sujets des marronniers, parce qu’ils refleurissent chaque année à la même époque. Au mois de juin, le dossier sur les régimes pour perdre les kilos superflus avant l’été… En décembre, celui sur les sans-abri qui n’ont bien sûr froid et faim qu’au cœur de l’hiver… Le 1er juillet, l’augmentation du prix du gaz… Et toute l’année, parce que ça fait toujours vendre du papier, le dossier « Spécial Immobilier – Vérifiez que votre maison vaut toujours beaucoup de sous ou que ça va être coton pour pouvoir enfin en acheter une » (ça, c’est parce que j’ai aperçu ce matin la « Une » du Nouvel Obs de cette semaine qui a osé cette ébouriffante audace éditoriale en période de crise syrienne ou de réforme des retraites …)

En ce jour de rentrée des classes, le marronnier est donc tout logiquement le sempiternel Bilan et perspectives des réformes scolaires. 4 500 communes ont adopté cette année le nouveau rythme scolaire voulu par Vincent Peillon, un succès colossal selon les uns, une catastrophe navrante selon les autres et fort peu d’analyses nuancées, tant le sujet de l’école est passionnel dans notre pays. Pour preuve, l’un des prochains sujets de réforme pourrait faire « descendre les gens dans la rue », selon les aveux mêmes du ministre de l’Education nationale qui, comme tous ceux qui sont passés par le poste, se méfie des manifestations étudiantes et ne connaît que trop bien cet adage des hauts fonctionnaires du 110 rue de Grenelle : « Les lycéens, c’est comme le dentifrice : quand ils sont sortis du tube, tu ne peux plus les faire rentrer ».

Ce sujet redouté par Vincent Peillon, c’est celui des programmes scolaires. Le ministre de l’Education nationale s’apprête à relancer le débat entre les « républicains », partisans de programmes centrés sur les fondamentaux que sont l’écriture, la lecture et le calcul à l’instar de ceux mis en place par Xavier Darcos en 2009, et les pédagogistes, adeptes d’une plus grande liberté laissée aux enseignants dans la façon d’organiser leurs cours et dont les excès ont mené dans les années 90 à considérer les gamins qui jouent au ballon dans la cour de récré comme des « apprenants qui appréhendent un référentiel bondissant dans un espace interstitiel de liberté ».La bataille d’arguments sera saignante, mais il est peu probable qu’elle aborde de front ce qui est peut-être le plus grand dysfonctionnement de l’école française : on s’y ennuie.

Année après année, tous les sondages et toutes les études confirment que les élèves s’enquiquinent à mourir en classe, particulièrement au collège et au lycée. Absence de désir d’apprendre, incompréhension de l’intérêt d’acquérir telle ou telle compétence, sentiment d’un empilement sans signification des connaissances : les mômes bayent aux corneilles à s’en décrocher la mâchoire. Contrairement à la violence scolaire ou aux suppressions de postes de profs, ce problème n’a rien de spectaculaire. Les médias n’en parlent jamais. Tout le monde s’est habitué à ce que le cours de grammaire ou d’algèbre soit pénible comme une punition. Ce silence des adultes qui font l’opinion publique s’explique aussi probablement par le fait que cet ennui ne concerne que les enfants et les adolescents, toujours absents lorsque les responsables politiques ou les syndicats d’enseignants discutent de ce que devrait être l’école.

Mais l’ennui n’est pas sans conséquence. Il provoque même parfois de véritables séismes. « La jeunesse s’ennuie » écrivait en mars 1968 le journaliste Pierre Viansson-Ponté dans Le Monde, paraphrasant Lamartine avec un éditorial titré « Quand la France s’ennuie ». C’était six semaines avant les évènements du mois de mai.

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