Le gouvernement face à la fuite et à la radicalisation de l’électorat jeune<!-- --> | Atlantico.fr
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La plupart des jeunes se préoccupent assez peu des actualités politiques récentes.
La plupart des jeunes se préoccupent assez peu des actualités politiques récentes.
©Reuters

Blasés

Alors que la mobilisation étudiante grossit contre la réforme des retraites, l'entourage de Jean-Marc Ayrault a reconnu qu'il y avait une "inquiétude" sur l'état d'esprit de la jeunesse, thème central de la campagne de François Hollande.

Olivier Galland

Olivier Galland

Olivier Galland est sociologue et directeur de recherche au CNRS. Il est spécialiste des questions sur la jeunesse.

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Atlantico : L'UNEF, l'un des principaux syndicats étudiants, a indiqué qu'ils rejoindraient la CGT, Sud et le FSU dans la grande manifestation contre la réforme des retraites du 10 septembre prochain. Peut-on dire que cette mobilisation traduit plus largement un désenchantement de la jeunesse face aux politiques menées par le gouvernement ?

Olivier Galland : Il y a pour moi deux aspects. Premièrement, sur la réforme des retraites, il est vrai que le gouvernement, en jouant exclusivement sur le curseur de la durée des cotisations, pénalise de fait les jeunes qui font des études longues, ces derniers arrivant plus tardivement sur le marché du travail. Bien que cela puisse mobiliser certains étudiants ainsi qu'une partie des syndicats, il m'apparaît nécessaire de tempérer ce constat en rappelant que ces jeunes appartiennent généralement à des catégories sociales élevées et qu'ils auront une meilleure espérance de vie. Pour ce qui est, plus généralement, du désenchantement des jeunes à l'égard du gouvernement, il s'agit là encore d'une question d'appréciation, la plupart des jeunes se préoccupant assez peu des actualités politiques récentes.

Ce qui est certain, c'est que le candidat Hollande avait promis l'instauration d'une allocation d'autonomie étudiante, et que la mise en œuvre de cette promesse n'est pas vraiment à l'ordre du jour actuellement. Pour ce qui est de la jeunesse dans son ensemble, celle qui ne manifeste pas, on peut effectivement évoquer une certaine déception à l'égard des mesures mises en place. Les emplois aidés représentent certes un palliatif, mais il s'agit là de moyens qui existent depuis une trentaine d'années sans que l'on ait eu de résultats concrets sur le plan du retour à l'emploi. Quant aux contrats de génération, leurs mises en œuvre s'avère être un véritable casse-tête administratif, le gouvernement s'inquiétant avec raison des effets d'aubaine que certains pourraient exploiter. A l'arrivée, cela devrait générer une mesure complexe et peu lisible.

Les jeunes s'étaient prononcés à 57% pour Hollande au deuxième tour de l'élection présidentielle. Cet électorat est-il en train de bouder la gauche aujourd'hui ?

Je commencerai par dire que la jeunesse ne représente pas une réserve électorale traditionnelle de la gauche. Ainsi la victoire de Chirac en 1995 s'explique en bonne partie par ce vote des jeunes. Jean-Marie Le Pen est quant à lui arrivé en tête chez les 18-24 ans (16%) en 2002. Il est vrai que les jeunes ont en moyenne tendance à porter vers la gauche, mais c'est loin d'être systématique. De manière plus large, je ne crois pas que les jeunes, en dehors de petites minorités militantes, aient actuellement des opinions politiques fortement structurées. Le vote des jeunes est relativement volatile, bien que l'on note une nette préférence pour le libéralisme des mœurs. On peut donc dire que la "modernité culturelle" de la gauche est probablement plus proche des aspirations des jeunes, mais les questions économiques et sociales "traditionnelles" ne créent pas de clivages particuliers. Il est en conséquence difficile d'affirmer que les jeunes sont une "clientèle captive" de la gauche.

Faut-il s'attendre au développement du syndrome "tous pourris" qui finirait par profiter au vote Front national ?

Effectivement, et pas seulement chez les jeunes d'ailleurs. On sait effectivement que les électeurs les moins âgés ont une méfiance particulière à l'égard du personnel politique traditionnel, et que cette méfiance ne cesse de s'accroître d'années en années. Il n'est ici pas impossible que les promesses de François Hollande, qui ont probablement été un peu hasardeuses, créeront à terme une déception parmi une partie importante de la jeunesse, en particulier celle qui est peu diplômée et qui attend beaucoup des efforts du gouvernement sur le front économique.

N'assisterons-nous pas finalement à un désengagement politique de plus en plus important parmi cette population ?

C'est certain, mais cette tendance est loin d'être nouvelle. Les jeunes continuent de voter, mais ils votent de manière intermittente. On les retrouve surtout dans les élections majeures (présidentielles, législatives…), comme en 2012, mais on retrouve une forte abstention dans la plupart des échéances. Il est clair que ce désengagement des jeunes va se renforcer à terme, en particulier lorsque l'on voit les divisions qui agitent aujourd'hui l'opposition de droite.  

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