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Celles qui le subissent, celles qui le choisissent : les deux modèles de femmes au foyer 2013
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Neo-housewives

D'un statut à part entière, considéré comme évident par la société, être femme au foyer est devenu une condition. Certaines femmes le choisissent pour prendre soin de leur famille, les autres, bien souvent le porte comme un fardeau difficile à assumer socialement.

François  de Singly

François de Singly

Professeur de sociologie à l’université Paris Descartes, François de Singly dirige le Centre de recherches sur les liens sociaux du CNRS. Il a notamment publié Séparée. Vivre l’expérience de la rupture (A. Colin, 2011) et vient de publier En famille à Paris (A. Colin, 2012). 

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Atlantico : Aujourd’hui une femme sur cinq vivant en couple est mère au foyer contre une sur trois en 1991. En 2011, les femmes au foyer sont également plus diplômées qu'il y a vingt ans mais toujours moins que les mères en activité, selon une étude de l’Insee publiée cette semaine (lire ici). Quel est aujourd'hui le profil de ces mères au foyer du XXIème siècle ?

François de Singly : Autrefois, les femmes au foyer s’arrêtaient de travailler après leur mariage. C’était presque un statut. Aujourd’hui, les femmes sont plutôt "mères" au foyer. Très peu de femmes au foyer ne sont pas mères. Deux raisons expliquent l’existence de mères au foyer. La première serait le chômage ou plus largement le travail des femmes qui dans certains cas, une fois le coût de la garde déduit de leur salaire, n’est plus rentable. L’autre type de femme au foyer proviendrait des partisans d’un modèle familial plus traditionnel avec beaucoup d’enfants. Ces femmes au foyer peuvent très bien avoir fait de grandes études. Le premier modèle pourrait être qualifié de social, résultant d’un arbitrage entre des contraintes économiques. Les femmes ne sont pas forcément enchantées par cette situation qu’elles n’ont pas réellement choisie. Le deuxième cas de figure correspond à des femmes qui estiment qu’il s’agit du bon modèle familial. Ce modèle est devenu complètement minoritaire pour une raison simple : même si ce modèle se maintient, du point de vue des femmes l’activité professionnelle est progressivement devenue une évidence.

Jusque dans les années 1970, être femme au foyer correspondait au modèle normal. L’État encourageait même ce modèle par le biais de prestations sociales. Le mari touchait dans ce cas une allocation spéciale, appelée salaire unique.

A termes, y aura-t-il encore des mères au foyer ?

Aujourd’hui, le modèle dominant est celui de la bi-activité, la femme ne faisant pas nécessairement carrière. Alors que pendant un certain temps, nous pensions que le modèle de la femme au foyer allait disparaître, il résiste. Néanmoins, ce statut de femmes au foyer n’est plus désirable. Par exemple, dans les dîners, lorsque vous parlez des enfants, les femmes au foyer se sentent très à l’aise. Mais lorsque chacun parle de soi, les femmes, elles, ne le sont plus car on peut aujourd’hui difficilement se définir sans activité. Femme au foyer n’est aujourd’hui plus un statut. Les femmes vont d’ailleurs généralement s’arrêter de travailler durant quelques années. Mais elles gardent la perspective de reprendre une activité.

En quoi cela modifie-t-il la façon dont elles appréhendent ce rôle ? Le considèrent-elles encore comme un rôle à part entière ?

L’épanouissement de l’enfant est primordial dans la façon dont les femmes appréhendent aujourd’hui ce rôle. Au bout d’un certain temps, les femmes se sentent néanmoins enfermées. Le vrai problème d’une mère au foyer est qu’elle sera cantonnée à son rôle de mère. Pourtant, aujourd’hui nous éprouvons du plaisir à endosser différents rôles sociaux : collègues, ami, etc.

Le monde de la femme au foyer devient trop petit. Très vite, elles vont ressentir le besoin d’avoir un monde à elles. Ce n’est pas forcément le travail qui leur manque. Je me souviens avoir interviewé des mères au foyer travaillant en usine. Leur travail était extrêmement pénible mais elles ne voulaient pourtant pas le quitter. Et ce, non pas à cause du travail mais parce qu’elles avaient des copines "de boulot". Ce n’est pas si facile d’avoir des copines lorsque l’on est chez soi ! S’occuper de ses enfants reste toutefois une tâche valorisée dans notre société car l’enfant y est toujours perçu comme un bien précieux.

Les femmes au foyer profitent-elles aujourd’hui davantage de ce temps pour développer d’autres activités, notamment professionnelles pouvant être réalisées depuis leur domicile ?

Idéalement les femmes souhaiteraient développer d’autres activités mais la réalité n’est pas si simple. Le problème se pose même au niveau conjugal. Une fois qu’une femme est au foyer, l’homme faisant carrière, il aura tendance à penser que parce que vous êtes au foyer, c’est à vous de faire le boulot. D’une certaine façon, trouver du temps pour soi est très compliqué quand on s'occupe de la maison et des enfants. Néanmoins, certains projets s’y prêtent davantage. Il existe même des pères au foyer qui sont artistes. Au début c’est formidable, mais au bout de six mois, cela peut devenir étouffant. C’est un grand changement historique, femme au foyer est une condition et non plus un statut.

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