La baguette n'est plus ce qu'elle était : l'art de vivre à la française est-il en train de disparaître ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Français ne mangent plus autant de pain qu'au début du siècle
Les Français ne mangent plus autant de pain qu'au début du siècle
©REUTERS/Jonathan Ernst (

En français dans le texte

Le New-York Times est inquiet : les Français ne mangent plus autant de pain qu'au début du siècle. Mais entre déclin de l'art de vivre et évolution de la société, la différence est de taille.

Julien Tort

Julien Tort

Julien Tort est bloggueur, photographe, chroniqueur gastronomique et traque l'excellence culinaire. Guide et professeur de cuisine, il se refuse à opposer la santé et le plaisir.

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Les enfants ! Les New-yorkais sont inquiets de la disparition de l’art de vivre a la française. Ou s’en réjouissent, on ne sait pas trop. Il y a dix ans, ils glosaient sur le déclin irrémédiable de notre haute gastronomie. Depuis, ils écument les bistrots parisiens pour transformer d’honnêtes restaurants en destinations pour avocats américains a la retraite, de Frenchie à l’Ami Jean en passant par le Baratin, le Graal du bistrot Parisien, c’est le New York Times. La poule aux œufs d’or, plutôt.

Mais cet été, c’est la baguette qui les inquiète, les pauvrets. Figurez-vous que la plupart d’entre nous ne mangent plus trois baguettes par jour (seulement une demie ! Pourquoi tu manges pas, chéri ?), comme les ouvriers du début du siècle. Il semblerait même que, dans nos vies modernes et dans nos cités, on ne recherche plus, massivement, la bonne baguette à l’ancienne, et on a tendance à forcer sur le pain de mie industriel a la place. Il y avait 54.000 boulangeries en France en 1950, ce temps béni ou les Français voulaient bien être des Français des années 1950, mais seulement 32.000 aujourd'hui (record du monde, bien sûr, mais quand meme…). Au passage, on ne loupe pas les poncifs de la vision américaine de la France : le boulanger qui est tunisien maintenant ; et le gouvernement qui définit la baguette.

Bref, la société française ose évoluer, ce qui menace dangereusement les fantasmes dans l’Upper East Side et à Bocaraton, un art de vivre français fait d’une longue suite de plaisirs et de passions,  une retraite qui commence a la naissance. Ces obsédés du folklore veulent faire passer pour déclin de l’art de vivre ce qui n’est qu’un mélange banal de changements des modes de vie du 20e siècle : sédentarité, urbanisation, augmentation du budget alimentaire et réduction de sa part dans le budget des ménages, immigration, régulation de la consommation.

Ils sont quand meme allé sur “le terrain”, au NYT, c’est-a-dire la où la vrai France vit, chez Amelie Poulain, rue des Martyrs. Ils étaient contents parce qu’on leur a expliqué la différence entre une baguette et une tradition et ça, c’est si rigolo, surtout avec l’accent : dans l’article, il y a les dialogues, mais bien sûr, il faut les lire avec l’accent, peut-être avec une image de de Funès en tête : “Look at all the uneven cavities, the beautiful golden brown crust,” he said of the tradition. “Smell the aroma, sweet and spicy. Every one is made by hand. It’s magnificent!”.

En substance, loin du déclin de la boulangerie, nos journalistes américains ont trouvé que la boulangerie traditionnelle se porte très bien… dans les beaux quartiers. Les boulangeries artisanales de haute volée se multiplient et prospèrent comme les micro-organismes dans la fermentation lente. Les Français qui ne vivent pas dans des cités, qui ont un peu de temps libre et de revenu disponible, adorent le pain plus que jamais.

Ce n’est pas de déclinologie qu’il s’agit ici : c’est de stratification sociale. La société française, comme l’américaine, est de plus en plus clivée : les ventes de baguette tradition et la multiplication des Kayser, des Delmontel, des Landemaine, des Cherriers (quelques boulangers stars d’aujourd’hui) suivent à la vérité les ventes de Porsche et des Mercedes. Les Français aisés et cultivés mangent de mieux en mieux, merci. Voyez un Monoprix de centre ville.

Pour les autres, cet investissement dans les techniques artisanales n’a pas plus de sens économique que les vêtements made in France. Que de chemin parcouru depuis 1789 : le pain n’est plus ce que demande le peuple !

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