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Syrie : Bachar al-Assad 
ne maîtrise pas la situation
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Révolutions arabes

Face aux troubles qui se multiplient depuis plusieurs semaines dans le pays, le pouvoir syrien a annoncé ce mardi 19 avril la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. Basculement ou simple signe d'ouverture du régime ? Le spécialiste de la Syrie Frédéric Pichon analyse pour Atlantico les conséquences de cette décision.

Frédéric Pichon

Frédéric Pichon

Frédéric Pichon est diplômé d’arabe et de sciences-politiques. Docteur en histoire contemporaine,  spécialiste de la Syrie et des minorités, il est chercheur associé au sein de l'équipe EMAM de l'Université François Rabelais (Tours).

 Il est également l'auteur de "Syrie : pourquoi l'Occident s'est trompé" aux éditions du Rocher,  "Voyage chez les Chrétiens d'Orient", "Histoire et identité d'un village chrétien en Syrie" ainsi que "Géopolitique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord".

Il anime en parallèle le site Les yeux sur la Syrie.

Voir la bio »

Atlantico : Quelle est votre réaction à l'annonce par la Syrie de la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 ?

Frédéric Pichon : Nous assistons à une situation un peu cacophonique comme si l’ouverture était graduée, avec plusieurs gestes d’ouverture assez forts. Mise à part la levée de l'état d'urgence, certains problèmes ont été réglés avec la communauté sunnite et la communauté kurde (10 % de la population). Par ailleurs, le niqab a été à nouveau autorisé à l’université et le chef de la police de Banias, où ont eu lieu des troubles, a été limogé. A contrario, un responsable de l’opposition a été arrêté hier soir dans la ville de Homs. Les autorités ont averti : aucune manifestation ne sera tolérée.

Je pense que cette cacophonie est bien réelle et ne relève pas d'une stratégie. Elle révèle la structure du pouvoir : depuis l’arrivée à la tête du pays de Bachar al-Assad, on évoque toujours la vieille garde alaouite, ces officiers qui entouraient son père et qui auraient encore la main sur les fameux moukhabarat (services de renseignements). Bachar al-Assad ne contrôle donc pas tout.


Comment interpréter les accusations du pouvoir syrien sur des complots organisés depuis l'étranger ?

Il est a mon avis incontestable qu’il existe des groupes armées - salafistes, comme le prétend le régime ? -  comme à Banias, où cinq officiers dont un général ont été assassinés. Ces groupes armés s’en prennent aux symboles du pouvoir ou à l’armée.

Bachar al-Assad joue là dessus : il  fait des ouvertures mais a besoin de maintenir la pression. Il s’expose en défenseur des communautés. Les chrétiens ainsi qu'une partie de la bourgeoisie sunnite ont intérêt au maintien du statu quo.
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La Syrie se dirige-t-elle vers un scénario à la tunisienne, à la libyenne, à l’algérienne ou à l’iranienne ?

Il ne faut pas sous estimer la solidité de l’appareil sécuritaire et l'adhésion d’une partie de la population au régime. La situation peut donc durer encore longtemps comme en Iran ou en Algérie. Et contrairement à la Tunisie ou à l'Égypte, l’armée est très marquée communautairement (alaouite) et fait corps avec le régime.

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Comment juger l'attitude des États-Unis vis-à-vis de la Syrie ?

On ne peut pas dire que les États-Unis soutiennent la Syrie : le Washington Post a ainsi révélé que les autorités américaines avaient financé une radio d’immigrés. Ce soutien aux immigrés existe depuis longtemps en Iran et pourtant, depuis 30 ans, il ne s'est rien passé.

A mon avis, seule une immixtion extérieure peut changer la donne et ça, personne n’y a intérêt, surtout pas les États-Unis. Encore moins Israël. 

La frontière syro-israélienne (le Golan) est la frontière la plus sure et la plus pacifique depuis 40 ans. Certes, la Syrie est l’alliée de l’Iran mais l’avantage avec le régime syrien, c'est qu’il est très prévisible. On sait jusqu'où il ira et comment il fonctionne. Si la Syrie reste très éloignée de la démocratie, une sorte de point de non retour a été atteint.
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