Université d'été du PS : les sujets qui intéressent vraiment les Français (mais les socialistes en parleront-ils ?)<!-- --> | Atlantico.fr
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L'université d'été du PS va aussi servir à préparer les deux grands scrutins de 2014 : les municipales et les européennes.
L'université d'été du PS va aussi servir à préparer les deux grands scrutins de 2014 : les municipales et les européennes.
©Reuters

Pas sur la même longueur d'onde

L'université d'été du Parti socialiste démarre ce vendredi jusqu'à dimanche à La Rochelle. Un rendez-vous qui tient plus de la sociabilisation militante que du débat politique.

Christophe Bouillaud et Arnaud Mercier

Christophe Bouillaud et Arnaud Mercier

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université de Lorraine, Metz, responsable de l’Observatoire du webjournalisme (http://obsweb.net) au sein du CREM et chercheur associé au Laboratoire communication et politique (LCP) du CNRS. Il est l'auteur de "La communication politique" (CNRS Editions, 2008) et "Le journalisme" (CNRS Editions, 2009), "Médias et opinion publique" (CNRS éditions, 2012).

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Atlantico : De nombreux sujets, de la lutte contre le FN à la transition écologique, seront abordés par les différents cadres du Parti socialiste à la Rochelle. Quatre thèmes d'importance ont pourtant été visiblement négligés :

La politique fiscale pour l'année 2014

Arnaud Mercier : On peut facilement trouver plusieurs raisons à cette "absence". Il s'agit premièrement d'une mesure impopulaire, et il serait peu judicieux de s'en vanter. Deuxièmement la plupart de ces réformes ont déjà été actées dans le budget 2013 et il serait peu logique de revenir dessus étant donné le faible enthousiasme qu'elles déclenchent dans l'opinion. Enfin il s'agit d'un sujet particulièrement sensible pour le Parti Socialiste et le gouvernement qui avait promis à travers la "grande réforme fiscale", une remise à plat de l'impôt sur le revenu en faveur des classes moyennes. Cette mesure est notamment réclamée par la partie "réformiste" de la gauche, cette dernière estimant qu'elle permettrait plus d'égalité sociale et d'efficacité fiscale, mais cette promesse de l'exécutif n'est pas tenue pour l'instant. Cela peut s'expliquer par la volonté du gouvernement de réduire les déficits en utilisant directement l'augmentation des impôts plutôt que de tabler sur une refonte complexe du système qui pourrait générer un manque à gagner dans les premiers temps. On comprend donc facilement pourquoi le sujet fiscal reste tabou à l'heure actuelle, le couple Hollande-Ayrault ne souhaitant pas rappeler qu’ils sont  trop en retrait sur le sujet, par rapport aux promesses de campagne.

Christophe Bouillaud : Je commencerais par dire que l'Université d'été d'un parti au pouvoir est contrainte dans son agenda par la nécessité de ne pas gêner l'action du gouvernement en place, tout en la mettant en valeur. C'est une vitrine dressée à la fois pour les militants présents et pour les médias qui rendent compte du déroulement de cette dernière. Le pompeux titre d'université que se donnent ces réunions balnéaires laissent entendre qu'on aurait là le lieu d'une réflexion de haute volée sur les tenants et les aboutissants de l'action du parti en question. C'est au mieux un lieu de sociabilité militante et une occasion de s'exprimer devant les médias. Ce n'est sûrement pas là où un parti définit (ou redéfinit) sa stratégie, c'est là où il prétend aux yeux du monde en avoir une, si je puis me permettre une approche un peu critique, c'est en cela que l'exercice sera jugé réussi ou non.

De fait, comme nous sommes fin août, il est prudent d'éviter d'aborder les sujets susceptibles d'arbitrages ultérieurs entre Ministres lors du débat budgétaire plus tard dans l'automne, ou entre le Président et l'un ou l'autre de ses Ministres. Ainsi, en particulier, pour ce qui est des affaires fiscales, liées au budget 2014, il vaut mieux éviter de trop aborder l'argument. Malgré l'annonce un peu hâtive d'une fin de la récession, les perspectives économiques  de la France et de l'Europe en général restent pour le moins incertaines. La récente remarque d'un député socialiste selon laquelle ce fut peut-être une erreur de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires correspond sans doute aussi à une conscience accrue chez certains au PS que, peut-être, un ras-le-bol fiscal des électeurs est à craindre. Par ailleurs, il reste de ce côté-là un gros cadavre dans le placard : la réforme fiscale, dont le PS avait parlé avant 2012, qui aurait fusionné la CSG et l'IRPP. 

La relation avec les alliés de gauche

Arnaud Mercier : Dans ce cas je ne pense pas que ce lieu soit idéal pour évoquer de telles questions stratégiques. A titre de comparaison, on imagine guère plus l'UMP lancer un débat militant sur d'éventuelles alliances avec l'UDI. Il est vrai que le sujet est des plus importants depuis l'échec de la gauche plurielle en 2002, mais cette question des alliances tactiques pour des élections municipales a finalement davantage sa place au niveau local qu'au niveau national. Tout dépendra des ententes politiques propres à chaque municipalité : dans certaines d'entre elles on verra les écologistes se rallier facilement dès le premier tour, tandis qu'ailleurs le scénario sera moins consensuel voire conflictuel. Cette position d'EELV, qui semble prêt à faire monter les enchères en échange d’un renoncement à des primaires à gauche, représentera le véritable enjeu pour le PS. Il ne sera probablement pas aussi inquiété par un PCF qui tient des discours encore plus virulents sur la politique du gouvernement, mais qui est totalement dépendant des socialistes au niveau local s'il veut conserver la grande majorité de ses mairies.  Les édiles communistes sont souvent plus conciliants qu’au national, pour éviter des primaires à gauche qui grignotent leurs fiefs à chaque fois que les mésententes aboutissent à ces primaires. 

Christophe Bouillaud : Sil'on regarde le programme de l'Université d'été du PS, le vrai sujet semble être la préparation des élections municipales et européennes de l'année prochaine, avec beaucoup d'optimisme affiché. En effet, la force du PS réside dans son réseau d'élus locaux, municipaux en particulier. Il faut pouvoir le préserver, alors même que les élections intermédiaires ne sont guère favorables aux forces soutenant le pouvoir en place. Les rapports avec les alliés ne semblent pas devoir être abordés lors de l'Université d'été, mais, récemment, Harlem Désir, le Premier Secrétaire, a bien souligné que "la gauche" devrait aller unie à cette bataille des municipales. Il a en particulier rappelé lors d'un entretien sur France-Inter que de nombreux maires communistes étaient loyalement soutenus par des élus socialistes - et inversement. Il y a la volonté manifeste de continuer comme auparavant "l'union de la gauche" au niveau local, alors même qu'avec le "Front de gauche", le PCF a tendu à s'éloigner du PS depuis 2008. La même remarque vaut pour les Verts à la différence près que ces derniers ont beaucoup moins de maires sortants ou de fiefs municipaux à préserver. Cette cuisine des alliances municipales ne peut sans doute pas être abordée lors d'une Université d'été, sinon par la réaffirmation (obligée) d'une opposition sans faille à la droite et l'extrême-droite. 

De même, les élections européennes sont abordées sous l'angle d'un grand optimisme, on se hasarde même à rêver à un basculement à gauche de la majorité du Parlement européen, en tout cas, Martin Schulz, le probable candidat du Parti socialiste européen (PSE) pour la présidence de la future Commission européenne, actuel président du groupe PSE au Parlement européen, est invité à s'exprimer lors de cette université d'été. D'un point de vue réaliste, on peut sourire : en effet, au vu de tout ce qu'on sait du déroulement des élections européennes depuis 1979, qui sont presque toujours fortement défavorables aux grands partis au pouvoir, et en plus avec un contexte de chômage élevé pour corser l'affaire, les résultats du PS à l'élection européenne de juin 2014 seront, à moins d'un miracle, sans aucun doute calamiteux; en tous cas, il ne faut pas compter sur un renforcement de la délégation PS au Parlement européen pour y bousculer les équilibres actuels favorables aux conservateurs. En même temps, un parti, quel qu'il soit, ne peut aborder de front ses futures et inévitables défaites, il lui faut faire semblant d'aller à la victoire - d'où l'aspect rituel de l'événement. On ne peut pas dire non plus que cette Université d'été doive aborder une autre question qui devrait être lancinante pour un parti de gauche : pourquoi les classes populaires ont-elles majoritairement et rapidement perdu confiance dans l'action du gouvernement de J. M. Ayrault, tout au moins à en croire les données des sondages? Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'actuelle Université d'été ne semble pas annoncer quelque changement de cap que ce soit, du moins telle qu'on peut l'aborder à la veille de son déroulement par son programme annoncé.

De fait, l'Université d'été du PS de l'année prochaine sera sans doute beaucoup plus intéressante que celle qui va se dérouler dans les prochains jours. L'électorat se sera exprimé par deux fois au printemps, et le PS devra choisir d'en tenir compte  -ou non. 

L'insécurité

Arnaud Mercier : Il faut commencer par dire qu'une bonne partie du PS n'a jamais été très à l'aise avec ces questions. Même si Jospin avait réussi à faire en 1997 à Villepinte une sorte d'aggiornamento idéologique de la gauche sur ce sujet pour affirmer que l'insécurité n'était pas seulement un "sentiment" mais bien une réalité. Sa famille politique n'a jamais réussi à intégrer pleinement ce thème dans son logiciel. Par ailleurs, la gauche se divise aujourd'hui sur les mesures pratiques qu'elle doit mettre en œuvre pour essayer de résoudre ces deux problèmes que sont la montée de la sécurité et la somme des effets induits par les politiques sécuritaires. Ainsi, c'est un exemple parmi d'autres, la surpopulation carcérale est un phénomène difficile à traiter, alors que des études démontrent que certaines conditions de détention rendent les petits délinquants plus criminels à leur sortie. Au sein de la gauche, il existe donc un conflit entre ceux qui insistent sur la lutte contre la récidive à travers la prévention et les partisans d'une politique plus ferme et répressive. La réalité de terrain n'est pas simple, et la panacée n'existe pas en la matière, ce qui rend le débat d'autant plus difficile à mener sous la pression de l'opinion publique, qui est majoritairement sécuritaire, y compris dans l’électorat de gauche, surtout les classes populaires. François Hollande, comme il avait déjà l'habitude de le faire en tant que premier secrétaire du PS, semble tenter par une approche prudente, cherchant une forme de synthèse (improbable ?) donnant « du temps au temps », ce qui laisse à penser que finalement le projet de loi sera différé aux lendemains des municipales. Il s'agit là d'un enjeu de proximité très clivant, qui a souvent été un argument de campagne au niveau local et l'exécutif a probablement intérêt à calmer le jeu sur ce dossier brûlant. 

Christophe Bouillaud : Sur le plan de l'insécurité, il se trouve que, sous l'égide du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, le pouvoir actuel fait largement comme si le problème était réglé, ou, du moins, comme s'il avait perdu de l'importance aux yeux des Français, et jusqu'ici, cela lui a plutôt réussi. Il est alors logique d'éviter de trop en parler dans le cadre d'une Université d'été.  

La régulation financière

Arnaud Mercier :La montagne a - ce n’est déjà pas la première fois sous ce quinquennat - accouché d'une souris. Il s'agissait d'un thème central de la campagne 2012, incarné par cette fameuse phrase prononcée au Bourget "mon adversaire, c'est le monde de la finance". Certes, une loi a été votée sur la séparation des banques de dépôts et des banques de détails, mais elle a été largement vidée de sa substance sous la pression du lobby bancaire. Il est d'ailleurs assez étonnant de voir que les banques ont su faire reculer un gouvernement de gauche alors qu'elles ont bien plus de mal à contrer les ambitions des conservateurs britanniques en matière de régulation. Il est donc assez logique de voir le Parti Socialiste et le gouvernement mettre cette question sous le tapis pour l'instant. 

Christophe Bouillaud : Pour ce qui est de la régulation financière, c'est censée être une affaire désormais réglée, en particulier par la loi bancaire, mais comme tous les économistes qui se sont intéressés de près à cette loi ont remarqué qu'elle était fort timide, pour ne pas dire plus, il vaut mieux ne pas trop insister dessus. De toute façon, c'est là un sujet très technique, et comme les banques françaises semblent pour l'instant être solides (comme le tendent à le montrer par exemple les profits du Crédit agricole annoncés récemment), le sujet ne semble pas d'actualité.

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