Samsung est-il capable d'être un leader de marché dans la téléphonie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Samsung Galaxy S3.
Samsung Galaxy S3.
©Ralph Orlowski / Reuters

Numéro 1

La guerre des montres aura bien lieu : le Sud-Coréen serait sur le point de dévoiler sa smartwatch, coupant l'herbe sous le pied de son concurrent Apple.

Olivier Babeau

Olivier Babeau

Olivier Babeau est essayiste et professeur à l’université de Bordeaux. Il s'intéresse aux dynamiques concurrentielles liées au numérique. Parmi ses publications:   Le management expliqué par l'art (2013, Ellipses), et La nouvelle ferme des animaux (éd. Les Belles Lettres, 2016), L'horreur politique (éd. Les Belles Lettres, 2017) et Eloge de l'hypocrisie d'Olivier Babeau (éd. du Cerf).

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Atlantico : Pas encore présentées au public, les montres Apple et Samsung défrayent déjà la chronique. Le 4 septembre, la Galaxy Gear de Samsung devrait voir le jour. Cette date n’est pas anodine puisqu’en 2014, Apple devrait lancer l’iWatch. Samsung peut-il rester le leader sur le marché de la téléphonie sur le long terme et gagner d'autres parts de marché ? Comment ? 

Olivier Babeau : Etre le premier à lancer une innovation peut avoir au moins deux avantages. Le premier à court terme, en accaparant le budget des consommateurs qui auront plus de mal à adopter l’innovation concurrente ; le second à long terme, en instaurant un nouveau standard technologique que les concurrents devront suivre contraints et forcés (comme les fonctions tactiles introduites par Apple et que tout le monde s’attend à présent à retrouver sur son smartphone).

C’est particulièrement vrai concernant le marché des appareils de communication qui a cela de commun avec celui des médias qu’il défit les prévisionnistes : tout le monde sait qu’une sorte de convergence va progressivement se faire entre nos différents écrans (smartphone, tablette, ordinateur, TV) et qu’ils vont tous évoluer, mais personne ne peut vraiment dire quelles formes prendront les écrans de demain ; l’exemple des démarrages très difficiles de la TV connectée aux Etats-Unis en témoigne : le consommateur reste imprévisible ! Tout l’enjeu pour les acteurs du marché est de créer le nouvel écran dont le monde entier va s’équiper demain : le marché des smartwatches va naître pour de bon dans quelques mois et si nul ne sait s’il sera porteur, chacun est persuadé qu’il faut tenter sa chance ; être premier à la proposer n’est pas une garantie absolue de victoire (temporaire) mais une bonne option prise pour l’obtenir.

Samsung peut-il continuer de détrôner la firme à la pomme, et s'imposer en tant que leader et non plus en tant que "follower" ? (les tablettes, le galaxy S avaient largement été inspirés de l'iPad et de l'iPhone...)

Il est vrai que jusqu’à présent Samsung avait dû s’inscrire dans les pas du meilleur innovateur qu’avait su devenir Apple. Elle n’avait pas le choix, car l’iPhone avait durablement imposé dans les esprits certaines caractéristiques de tout smartphone digne de ce nom. Mais dans la high tech, la coupe de la victoire est sans cesse remise en jeu : l’innovateur d’hier n’a aucune garantie d’être le leader de demain. Aussi méthodique qu’ait pu être la stratégie d’Apple d’enfermement du consommateur dans un écosystème fermé et exclusif, elle n’a pas empêché la rapide érosion de sa position. Un acteur peut prétendre jouer au jeu de l’innovation à deux conditions : d’une part il doit être capable d’introduire une nouveauté dotée d’une réelle valeur aux yeux du consommateur (la Galaxy Gear a intérêt à être performante, sans quoi la pole position n’aura eu aucune utilité), d’autre part il doit être prêt à mener une guerre sans merci sur le terrain judiciaire en défendant ses brevets contre les inévitables copieurs indélicats. La guerre des brevets qui fait rage encore aujourd’hui entre Samsung et Apple est ainsi un volet naturel de la stratégie d’Apple pour défendre sa position.

Depuis peu, le groupe sud-coréen voit l’arrivée de concurrents bon marché qui grimpent doucement mais sûrement. Lenovo et Yulong affichent tous deux des scores de ventes. Samsung doit-il redouter ces nouveaux arrivants ?

Les coûts de R&D ayant été amortis, la technologie diffusée et mieux maîtrisée, l’apparition de copies bon marché fait partie des trajectoires classiques des anciennes innovations. N’oublions pas qu’un standard est seulement une innovation qui a vieilli. Une firme peut espérer créer un avantage concurrentiel insensible à ce genre de menace si elle a su créer donner à sa marque une valeur symbolique qui justifie la fidélité et le surcoût payé par le consommateur. Je ne suis pas certain que cela soit le cas pour Samsung à l’heure actuelle, contrairement à Apple qui a hérité de ses origines le mythe porteur de la rébellion contre Microsoft et a su conserver une foule de zélotes dévoués.

Après la montre intelligente, Samsung pourra-t-il se réinventer ?

Une chose est certaine, c’est qu’à l’instar de tous les acteurs du secteur qui ont l’ambition d’être leaders, Samsung aura l’obligation continuelle de se réinventer. L’innovation est comme l’amour : on aura beau la désirer ardemment et réunir toutes les conditions propices à son éclosion, elle ne se commande pas et arrive souvent quand on ne s’y attend pas. Le seul avantage au fait d’avoir été leader est d’avoir pu dégager suffisamment de ressources pour financer les immenses dépenses de R&D qui optimisent les chances d’accoucher d’une nouvelle innovation (Apple aurait dédié une équipe de cent chercheurs sur son iWatch). Mais sans garantie. La malédiction des leaders, en revanche, est qu’en grossissant ils ont souvent tendance à se bureaucratiser (comme on a pu l’observer chez certains grands acteurs de l’informatique), or la bureaucratie et l’innovation sont comme l’huile et l’eau, elles ne se mélangent pas. De stratégique, le problème devient alors organisationnel.

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