Un raccourci dans l’Arctique pour les cargos chinois : ce que cela changerait pour l’économie mondiale si cette première devenait "normale"<!-- --> | Atlantico.fr
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Fontes des glaces en Arctique.
Fontes des glaces en Arctique.
©Reuters

Made in China mania

Jeudi 8 août pour la première fois, un navire marchand chinois a pris la route pour rejoindre l'Europe par un raccourci polaire rendu possible grâce à la fonte des glaces. Le cargo devrait atteindre le Vieux continent en trente-trois jours.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Le Financial Times a récemment révélé qu’un cargo chinois était en train d’ouvrir une nouvelle route commerciale pour joindre la Chine à l’Europe : il s’agit de passer par le Pôle Nord par la route Est, celle qui  longe les côtes nord de la Russie jusqu’à atteindre la frontière nord de la Norvège.

Ces côtes nord de la Russie ont été longtemps impraticables pour les navires de commerce du fait de la glaciation quasi-permanente que subissait l’Océan Arctique.

Il a fallu que s’installe le changement climatique pour que cette voie maritime devienne accessible pendant les mois d’été. Sans tarder, la Chine a pris contact avec les autorités russes qui détiennent les brise-glace à propulsion nucléaire nécessaires qui restent nécessaires à la sécurité de la navigation dans cette zone avant de décider de promouvoir cette nouvelle voie commerciale. Au total, on s’attend à ce qu’en moyenne, le parcours de Dalian à Rotterdam prenne 35 jours par la route Est du Pôle au lieu de 48 jours par le Canal de Suez.

Cela signifierait donc une économie considérable sur le coût de transport maritime entre la Chine et l’Europe.

La hâte avec laquelle la Chine a décidé de profiter sans vergogne du changement climatique pour réduire encore la distance qui la sépare de l’Europe n’est pas du tout surprenante, ni sur le plan de l’objectif, ni sur le plan des moyens.

L’objectif d’abord : renforcer toujours plus l’excédent commercial de la Chine sur l’Europe

L’Europe est devenue le premier client de la Chine devant les Etats-Unis et la Chine renouvelle un excédent commercial considérable non seulement avec l’Europe mais même avec chacun des pays européens, Allemagne inclue.

Ses excédents commerciaux renouvelés alimentent une position créancière croissante de la Chine sur les pays européens qui permet ensuite à Pékin d’extraire toutes sortes de concessions stratégiques de la part de Bruxelles et des pays européens.

On l’a constaté avec la vente depuis début 2012 de très belles PME industrielles allemandes à la Chine ; on l’a vu aussi avec la permissivité de la France à l’égard de l’OPA d’un groupe chinois sur Club Méditerranée et à l’égard des multiples ventes de vignobles français à des groupes chinois.

On l’a constaté plus encore avec la capitulation lamentable de Bruxelles sur le dossier des panneaux solaires après que Pékin l’ait circonvenu en parcourant les capitales européennes une à une.

On le voit enfin avec la Banque centrale européenne et l’Eurogroupe qui réfractent les pressions de Pékin en matière de change. Fin 2011, Pékin, fort de sa position créancière croissante sur l’Europe, avait négocié les conditions d’un endettement supplémentaire des pays européens auprès de lui et avait extrait des pays européens un engagement exorbitant qui consiste à laisser l’euro rester stable contre dollar pour que l’euro reste stable contre le yuan. Résultat : l’euro reste stable et très cher contre le dollar (et contre le yuan) quand la plupart des autres monnaies reculent (dollar canadien, dollar australien, livre sterling) ou s’effondrent (real brésilien, roupie indienne, rouble russe, livre turque….) face au dollar et au yuan. Les pays européens continuent donc à perdre de la compétitivité face aux pays tiers à travers un euro maintenu trop cher.

On comprend pourquoi, plus que jamais, la Chine maintient son objectif de renforcer toujours plus son excédent commercial vis-à-vis de l’Europe.

Parmi les moyens, il en est un essentiel : réduire le temps et le coût de transport de la Chine à l’Europe

Parmi les moyens qui concourent à l’objectif stratégique de la Chine en Europe, il en est un particulier : la réduction du temps de transport et du coût de transport entre la Chine et l’Europe.

La Chine conserve, ne l’oublions pas, un avantage considérable en matière de coût salarial ouvrier horaire : un rapport probablement de 1 à 30 entre la Chine et l’Europe. Le principal élément qui vient amenuiser un peu cet avantage, c’est le coût de transport que la Chine acquitte pour acheminer ses marchandises vers l’Europe.

Pékin en est conscient. C’est pourquoi, de longue date, il a pris des initiatives stratégiques pour réduire structurellement ce coût de transport.

L’initiative d’août 2013 d’ouvrir une route commerciale maritime par la Russie et la Norvège fait suite à l’ouverture en mai 2013 d’une liaison ferroviaire directe entre la Chine et la ville de Lodz en Pologne à travers le Kazakhstan, la Russie et la Biélorussie.

Et il ne faut pas oublier non plus les grandes manœuvres actuelles de Pékin à l’égard de l’Islande. L’Islande qui serait un jalon idéal dans le cas où s’ouvrirait l’autre route du pôle Nord, la route Ouest, celle qui longe les côtes nord de l’Alaska et du Canada. Pékin semble sur le point d’obtenir du nouveau gouvernement islandais, l’acquisition d’un immense terrain pour y construire de vastes installations portuaires.

Dans le domaine des routes commerciales comme dans d'autres, la Chine n’entend pas se rendre tributaire d’une Russie avec laquelle l’alliance qu’elle a contractée en 1996 reste à ses yeux trop incertaine.

L’Europe quant à elle, victime de sa division et de sa passivité, devra faire face à une compétition accrue des produits made in China, ce qui viendra encore affaiblir son taux de croissance et sa capacité à générer des emplois.

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