Après le professeur, le pédagogue : François a réussi à imposer un tête-à-tête avec les foules mais le pontificat de Benoît XVI n'était pas le cauchemar lancinant que les médias se plaisent à décrire<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon notre sondage réalisé par l'Ifop, 65% des catholiques français estiment que le pape François défend bien leurs valeurs du catholicisme.
Selon notre sondage réalisé par l'Ifop, 65% des catholiques français estiment que le pape François défend bien leurs valeurs du catholicisme.
©Reuters

Vu de chez les catholiques

Si Benoît XVI maîtrisait moins bien les outils de la communication que son successeur, de nombreux commentateurs ont souvent exagéré son impopularité. Il n'est pas pertinent d'opposer les papes qui ont chacun leurs qualités, leurs visions et leurs styles.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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>>> A (re)lire sur le même sujet : 65% des catholiques français estiment que le pape François défend bien leurs valeurs

Atlantico : Selon notre sondage réalisé par l'Ifop, 65% des catholiques français interrogés estiment que le pape François défend bien leurs valeurs du catholicisme. François s'est-il d'ores et déjà imposé comme un pape populaire ? Après le succès des JMJ, ne pouvait-on pas s'attendre à une approbation encore plus large ?

Nicolas Diat : Oui. Aujourd'hui, cinq mois après son élection, le pape est populaire, il bénéficie des faveurs de l'opinion publique, et sa parole est immédiatement comprise... Ce chiffre de 65% est évidement un très bon résultat. Comment l'analyser d'une autre manière ? Le taux d’insatisfaits, 5%, a contrario, reste le meilleur révélateur ! Le pape François est à ce jour un pontife de consensus. Il n'y a aucune opposition structurée contre lui...

Concernant votre dernière question, il n'est pas faux de dire que les JMJ ne jouent pas un rôle aussi important qu'on peut le croire, en ce sens qu'elles ne modifient pas fondamentalement la perception des gens, car celle-ci est antérieure. Les JMJ apportent simplement de légers correctifs d'image. La dynamique de ces journées voulues par Jean-Paul II en 1984 est ailleurs. Ainsi, le rassemblement de 3 millions de personnes sur la plage de Copacabana constitue un événement qui peut d'abord faire réfléchir sur une démarche de foi.

En fait, la perception d'un pape se construit dès les premiers instants, qui sont fondamentaux. Dans le cas du pape François, les premiers moments ont été une succession de temps forts : d'abord la surprise, puis la découverte d'un style simple, dépouillé, modeste, humble, et enfin des phrases symboles tel son souhait d' "une Église pauvre pour les pauvres", lancé lors de sa première rencontre avec la presse.

Quelle est la part des médias dans la construction de l'image d'un pape ? Les catholiques sont-ils plus nuancés que les médias dans leur approbation de François ?

Les médias ont une propension rare à tirer les événements dans un sens ultra positif ou ultra négatif... Entre les deux, la nuance est parfois difficile ! C'est le jeu médiatique qui joue si souvent sur un mode manichéen... De nombreux commentateurs ont souvent exagéré l'impopularité de Benoît XVI - qui, certes, ne savait pas se défendre et ne maîtrisait pas les outils de la communication, en particulier la communication de crise. Du pape François, au contraire, certains se sont laissés aller à des commentaires ubuesques affirmant qu'il déplaçait les foules quand Benoît XVI n'attirait personne ! A entendre ces observateurs, pour les audiences, la place Saint-Pierre était vide avec Benoît XVI... Il est peut-être nécessaire de rappeler que 2 millions de personnes ont assisté aux JMJ de Madrid en août 2011 !

De même, à ce petit jeu, nous pouvons multiplier les comparaisons car les JMJ de Manille, en 1995, sous Jean-Paul II, ont réuni 5 millions de personnes, ce qui constitue un record inégalé.

Il n'est pas très intelligent de sans cesse, et obstinément, vouloir opposer les papes qui chacun ont leurs qualités, leurs visions et leurs styles.

Le pape François se démarque clairement de son prédécesseur. Au mois de mars 2009, 49% des personnes interrogées pensaient même que Benoît XVI défendait plutôt mal les valeurs du catholicisme. Cet écart est-il surprenant ? Pourquoi ?

Il est d'abord important de dire que François voue une véritable admiration pour Benoît XVI. Il considère que son courage pendant tant de moments difficiles est un modèle d'abnégation et de dignité. Incontestablement, une différence existe : François possède une simplicité, une grande capacité à être dans une forme de tête-à-tête avec les foules. Son message est souvent immédiatement compréhensible. Benoît XVI n'était pas distant - c'est une erreur de considérer cela, il était tout aussi simple et humble - mais il restait un professeur timide. Plus encore, il a refusé jusqu'au dernier jour de rétrécir les problèmes, de ne pas donner le sens réel des choses, de ne pas se situer du seul point de vue de la foi, de l'essentiel de la foi. Aujourd'hui, François adopte plus une démarche pédagogique, celle d'une sémantique immédiatement compréhensible. Bien sûr, il reste regrettable que Benoît XVI ait été si mal conseillé pendant toutes ces années sur le plan de sa communication.

Une partie de votre sondage a été effectuée au mois de mars 2009, c'est-à-dire juste après les propos du pape Benoît XVI sur le préservatif, ce qui explique le déclin de sa popularité (qui est passée de 34 à 22%). Plusieurs crises s'étaient succédées : l'affaire Williamson, au mois de janvier, pendant laquelle Benoît XVI a été piégé dans une histoire dont il ne savait rien et qui ne correspondait pas à ce qu'il souhaitait. Ensuite, les déclarations du pape Benoît XVI dans l'avion qui l’emmenait de Rome vers l'Afrique, où il a tenu une conférence de presse, ont déclenché une nouvelle crise. Il a parlé du Sida en disant que le seul préservatif ne réglait pas tous les problèmes, et cela a provoqué les polémiques que l'on sait. Tout le voyage a été marqué par cette conférence de presse et aucune de ses paroles, pendant ce séjour africain, n'a plus été audible.

Lorsque le pape François est allé aux JMJ de Rio, il a choisi de ne pas faire de conférence de presse dans l'avion du départ, afin d'éviter que des déclarations ne couvrent le cœur du message qu'il voulait faire passer lors de son voyage. Il a donné une conférence de presse au retour des JMJ. Les journalistes ont donc été contraints de traiter Rio, ses rencontres, ses messes, sa veillée, et non les commentaires sur la banque du Vatican ou le lobby gay... En fait, François a une intuition de la bonne marche à suivre avec les médias.

Mais, sur ce terrain aussi, le pontificat Benoît XVI n'a pas été le cauchemar lancinant que certains se plaisent à dépeindre. Il ne faut pas oublier que c'est Benoît XVI qui a lancé le compte twitter du Pape...

Près de 80% des personnes interrogées pensent qu’il est actuellement facile d’être catholique, soit 8 points de plus qu’au mois de février 2003. Quels sont les éléments du contexte actuel qui font que les catholiques vivent mieux leur foi qu’auparavant ?

Les catholiques se sentent bien dans la société, ils se sentent libres d'exprimer leurs différents points de vue. Voilà la situation qu'il faut avoir à l'esprit lorsque votre sondage parle de la facilité d’être catholique. Cela révèle même le bonheur de plus en plus évident à défendre des idées dans une société qui s'éloigne pourtant fortement des idéaux chrétiens. Les catholiques exprimeront certainement avec de plus en plus d'aisance, et d'efficacité, leurs convictions et leur manière d'envisager l'avenir.

Cette libération de la parole est d'abord celle de la génération JMJ, celle de Jean-Paul II, une génération qui s'est totalement construite autour de l'appel de Jean-Paul II le 22 octobre 1978, jour de l'ouverture de son pontificat : "N'ayez pas peur !". Ce fut une injonction dont l'histoire n'a pas fini de voir les conséquences. Elle signifiait : "Soyez libres d’être ce que vous êtes, parlez haut et fort, avec joie et persévérance". Ce jour-là, le nouveau pape polonais, qui connaissait le vrai prix de la liberté, lui qui venait d'une dictature, lançait une véritable bombe à retardement. La génération Jean-Paul II voit maintenant grandir une deuxième génération, la génération Benoît XVI-François, dont la parole est encore plus décomplexée.

Bien sûr, les manifestations pour tous, l'ampleur des foules, ont joué un rôle important dans la perception des catholiques sur l'importance de leur place dans la société. Les succès des Veilleurs également sont libérateurs. Il n'y a rien qui puisse donner aux catholiques l'envie de baisser les bras dans l'affirmation de leur identité.

A cela, il faut ajouter la mutation progressive de l'épiscopat français : les évêques accompagnent de plus en plus les fidèles dans le choix d'une libre expression face à tous les débats de société. Les prêtres français aussi ont connu un fort renouvellement. L'idéal de l'enfouissement, celui des années 1970, est bel et bien achevé. Enfin, il n'est pas indistinct de rappeler qu'il y a un an, pour le 15 août, le cardinal de Paris demandait à tout le clergé de prier pour la famille.

Cette génération qui s'engage est qualifiée un peu hâtivement de génération "identitaire". Certes, posséder une identifié forte, marquée et assumée revient d'une certaine façon à être dans une conception communautariste. Pourtant, là n'est pas le cœur du problème. Car il existe d'abord une démarche spirituelle, une volonté qui se nourrit d'une foi.

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