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L'UMP doit-elle tirer les leçons du passé pour retrouver une véritable identité ?
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Droit d'inventaire

Dans un entretien au Figaro publié mardi 13 août, Patrick Devedjian regrette que "la droite soit partagée entre la tentation de courir derrière le FN et l'imitation du PS" et appelle à "une clarification idéologique".

Arnaud  Folch,Maël de Calan et Enguerrand Delannoy

Arnaud Folch,Maël de Calan et Enguerrand Delannoy

Arnaud Folch est rédacteur en chef Politique et Société de Valeurs actuelles. Il est notamment l’auteur de « Histoire secrète de la droite » (Plon, 1998) et « Les présidents de la république pour les Nuls » (First, 2012).

Maël de Calan et Enguerrand Delannoy sont Secrétaires nationaux de l’UMP et Délégués nationaux de la Boîte à idées, motion des jeunes rénovateurs de l’UMP.

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Atlantico : Dans une interview accordée au Figaro ce mardi, Patrick Devedjian affirme que l'UMP a besoin d'une clarification dans ses choix idéologiques et appelle à faire l'inventaire du quinquennat Sarkozy. Partagez-vous son point de vue ? L'UMP doit-elle tirer les leçons du passé pour se tourner de nouveau faire l'avenir ? Comment ?

Arnaud Folch : Tout parti politique, lorsqu'il passe de la majorité à l'opposition a besoin de faire un bilan de son action. Sans forcément attaquer l'action de de Nicolas Sarkozy, l'UMP a besoin de clarifier sa ligne. Dès qu'il y a un échec, le droit d'inventaire est logique car il faut tenter de comprendre les raisons de la défaite. D'autant plus que paradoxalement les Français semblent plus à droite que jamais. Je pense que le débat sera extrêmement intéressant et que la droite ne pourra pas s'en absoudre.

Maël de Calanet Enguerrand Delannoy :  L’UMP doit naviguer entre deux écueils. Le premier est le réflexe de l’auto-flagellation : face à une gauche qui célèbre ses « réussites » avec fanfares et trompettes, la droite est souvent très critique face à son propre bilan. Est-ce parce qu’elle place plus haut ses ambitions ? Faut-il y voir la trace de ce pessimisme qui serait une partie de notre culture politique ? Toujours est-il que cet autodénigrement n’est ni utile puisqu’il voit tout en noir – y compris nos succès – ni intelligent puisqu’il nous affaiblit face à nos adversaires.

Le deuxième écueil, tout aussi périlleux, est le réflexe de l’idolâtrie, qui se refuse à admettre qu’il y a pu y avoir des erreurs ou des renoncements. Or on ne peut pas gouverner pendant cinq ans un pays aussi complexe que la France sans commettre d’erreur : chercher à les identifier ce n’est pas tirer contre notre camp mais le rendre plus crédible et lui donner de nouvelles armes pour demain.

Entre ces deux écueils il existe une voie que propose Patrick Devedjian et dans laquelle se reconnait la Boîte à idées : celle de l’analyse rigoureuse des succès qui sont nombreux et des échecs qui existent. Mais suivre cette voie implique de ne pas avoir d’arrière pensée politicienne, c’est évidemment beaucoup demander à certains.

Personnellement, quel bilan tirez-vous du quinquennat Sarkozy ? Quels sont ses principaux succès et échec ?

Maël de Calanet Enguerrand Delannoy :: Le quinquennat de Nicolas Sarkozy constitue la première initiative globale visant à débarrasser le pays des boulets qui entravent depuis trop longtemps son économie, son marché du travail ou ses services publics.

Et sur ce plan ses succès sont très nombreux : il a misé sur le travail et l’innovation au travers de la réforme des retraites, des universités, du crédit d’impôt recherche ou des investissements d’avenir, il aosé réformer la fonction publique comme jamais en supprimant 150.000 postes de fonctionnaires d’Etat, en fusionnant un grand nombre d’administrations ou en réformant les cartes militaire, hospitalière ou judiciaire, il a aussi, rappelons le même si les Français ont la mémoire courte, sauvé la France de la débâcle dans la crise financière.

Mais son principal succès date de 2007 et c’est un succès proprement politique : c’est d’avoir su convaincre les Français que s’ils étaient prêts à des efforts gigantesques ils pourraient rester une grande nation. Cette promesse s’est malheureusement estompée au cours du quinquennat : dans une parole publique pas assez rare, des lois trop nombreuses et dans la complexité du pouvoir. C’est là que réside le principal échec du quinquennat : les Français ont perdu de vue cet horizon.

Quels sont les principaux points de doctrine qu'il faut absolument trancher ? L'UMP doit-elle prendre une position officielle sur la ligne Buisson que Patrick Devedjian qualifie de "cousinage avec le FN" ?

Arnaud Folch : Patrick Devedjian, qui a été à la droite du RPR pendant des années, critique aujourd'hui la ligne Buisson. C'est un débat qui divise actuellement  l'UMP et qu'il faut trancher. Le parti doit déterminer s'il reste sur la ligne Buisson qui a été celle de Nicolas Sarkozy durant sa campagne ou s'il adopte une ligne plus modérée. Personnellement, je pense que pour éviter la fuite des sympathisants de droite vers le Front national, l'UMP a tout intérêt à assumer sa droitisation. Ce n'est pas un hasard si les militants ont voté en masse pour la Droite forte, qui est le courant le plus droitier du parti. 

Maël de Calanet Enguerrand Delannoy : Ce serait un piège mortel pour l’UMP que de vouloir trancher entre son « aile droite », représentée par la ligne Buisson ou la droite populaire et son « aile gauche » représentée par les centristes. Sur l’Europe ou les sujets régaliens,  il n’y a pas de consensus possible au sein de l’UMP sur les positions de ces franges minoritaires.

La seule voie possible réside dans l’émergence d’un axe majoritaire fort comme en 2007 ou en 2012, qui pèserait 70% de l’UMP, rassemblerait l’essentiel de nos ténors et renverrait les propositions de notre « aile droite » comme de notre « aile gauche » à ce qu’elles sont : l’expression de sensibilités tout à fait respectables mais minoritaires.

Cet axe majoritaire, équivalent de la motion « Aubry-Ayrault-Désir » au PS, a fait défaut lors du Congrès de novembre 2012. S’il ne se reconstitue pas, l’UMP offrira l’image d’un parti en désaccord sur tous les sujets majeurs et sera menacée à terme d’éclatement.

Quels sont les points de consensus qui se dégagent à l'intérieur du parti ? A quoi pourrait ressembler le nouveau visage de l'UMP ?

Arnaud Folch : Le problème de l'UMP est double. Le parti doit trouver une ligne, mais aussi un leadership. Ce problème d'homme sera tranché lors des primaires de 2016. Reste à régler la question doctrinale. Les clivages idéologiques au sein de la droite ne sont pas nouveaux. On se souvient par exemple des divisions entre le  RPR et l'UDF.

Un certain nombre de cadres de l'UMP, dont Patrick Devedjian, critiquent aujourd'hui la ligne actuelle qu'ils jugent trop droitière. Mais un consensus pourrait se dessiner autour des choix des militants et des électeurs de  l'UMP. Le parti pourrait organiser un référendum sur un certain nombre de propositions et d'idées fortes auprès de ses militants et de ses sympathisants. Ce serait qualque chose de novateur et peut-être de nature à remobiliser les militants de l'UMP.

Maël de Calanet Enguerrand Delannoy :L’image de division que l’UMP renvoie d’elle-même est d’autant plus pathétique que le parti est uni sur presque tous les sujets de fond, les Conventions organisées chaque mois par Jean-François Copé et Hervé Mariton en font la démonstration !

Le véritable point de divergence porte sur le style de notre opposition, entre les partisans d’une ligne « tea party » agressive, incarnée par la droite forte, qui vise le « clash » et le « buzz » sans s’encombrer exagérément de scrupules ou d’honnêteté intellectuelle, et une ligne que nous pensons être très largement majoritaire, travailleuse et déterminée, qui vise à ne rien proposer qu’elle ne sait pouvoir mettre en œuvre. En quelques sortes, il y a d’un côté les « freaks » et de l’autre les « geeks ».

Le nouveau visage de l’UMP devrait ainsi ressembler à celui qu’elle avait en 2002 et en 2007 : celui d’un grand parti populaire européen, à la fois suffisamment ambitieux pour redresser la France et suffisamment sérieux pour exercer le pouvoir. Avec à sa tête une nouvelle génération décidée à ne rien céder à la gauche et qui cherche à faire honneur à l’engagement politique.

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