Un pour un, tous pour personne : quand le sport à la française apprend surtout à gagner contre les autres

Atlantico : Des études montrent que des sports d’équipe comme le football apprendraient mieux aux enfants à se défendre que des sports comme la danse (voir ici). Y a-t-il vraiment un lien entre pratique sportive et carrière professionnelle ? Peut-on affirmer que certains sports préparent à certains métiers ? Comment expliquer cela ?

Edith Tartar Godet : Je ne pense pas que l’on puisse véritablement faire de lien entre pratique sportive et carrière professionnelle. C’est un ensemble et il est aussi intéressant de faire du football que de la danse car on ne développe pas les mêmes compétences. La danse peut donner de la souplesse, physique comme psychique, puisque lorsqu’on danse, on prend sa place parmi les autres. Les sports comme le football se font plutôt dans un rapport de forces.

Ces deux pratiques peuvent être complémentaires. Le problème du football est qu’il est très marqué par le monde de la finance. Ainsi, beaucoup de jeunes pensent qu’il permet de s’enrichir financièrement, au détriment de l’enrichissement de soi et de celui de la société. Je ne pense pas que les sports d’équipe tels qu’ils sont enseignés en France participent à rendre les gens aussi compétitifs et hargneux dans le cadre professionnel. Le sport français forme à gagner contre les autres mais pas forcément au service des autres.

A l’inverse, existe-t-il des sports qui restreignent les choix de carrière ?

Le problème est toujours la manière dont le sport est enseigné en France. Ce n’est pas le sport qui va favoriser la capacité de travailler avec les autres. Dans d’autres pays, ces qualités se retrouvent professionnellement mais en France, le sport sert à gagner, à dominer, à réussir sans former à la coopération. On est dans une logique narcissique et individualiste. Il serait intéressant de mettre cette combativité au service des autres.

Les sports d’équipe permettent-ils vraiment de développer la combativité ?

Certains sports comme le football sont très agressifs. La combativité est très marquée. Il y a des sports moins agressifs mais il faut que les parents soient attentifs à l’esprit de l’association, de l’entraineur, à ce qu’ils ne soient pas dans une démarche de gagner à tout prix mais plutôt dans une démarche de faire équipe avec les autres.

Les parents prennent-ils véritablement en compte l’avenir professionnel de leurs enfants lorsqu’ils les inscrivent à un sport ?

Oui mais cela se vérifie aussi dans les activités culturelles comme la musique. La formation scolaire est insuffisante en France car trop orientée sur le savoir et pas assez sur les compétences. Il est important que l’enfant ait une activité à côté de l’école. Cette activité peut être sportive ou culturelle tant qu’elle complète la formation et développe chez l’enfant une passion, lui apprend la rigueur et toutes les valeurs importantes pour réussir professionnellement.

Propos recueillis par Karen Holcman