Retour sur un an de rapports de la Cour des comptes... restés lettre morte<!-- --> | Atlantico.fr
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Une cimetière américain en Normandie.
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Défense, éducation, budget, services publics : la Cour des comptes pointe une après une les défaillances de l'Etat. Et si le gouvernement la prenait au mot ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Cet article a précédemment été publié le 29 juillet 2013. Il est le quatrième volet d'une série "best of", qui verra ces prochaines semaines la rediffusion d'articles marquants publiés par nos contributeurs cette année.

Le mois d’août arrive, avec l’angoisse des vacances. Que faire sur la plage, loin de sa connexion Internet et de ses livraisons Atlantico favorites?

Voici un résumé des rapports de la Cour des Comptes qu’il faut emmener avec soi pour ne pas bronzer idiot.

1) La France prisonnière du lobby militaro-industriel ?

En avril 2013, la Cour publie un rapport tout à fait édifiant sur le lobby militaro-industriel à la manoeuvre dans les coulisses de la Défense Nationale, intitulé «Les faiblesses de l’État actionnaire d’entreprises industrielles de défense».

Il fut un temps, en effet, où l’armée était tenue et où la politique d’armement était adaptée aux logiques stratégiques: intervention en Allemagne pour prévenir une invasion du territoire, donc forces blindées et aériennes capables d’épauler le mouvement (pratiqué depuis des siècles, au demeurant...). Il existait en France une chaîne intégrée de production où la direction générale de l’armement coordonnait les chantiers.

Depuis une trentaine d’années, cette logique s’est perdue dans les sables africains, orientaux et moyen-orientaux où nous dispersons nos forces. Dans le même temps, la logique de l’Etat actionnaire s’est effilochée au profit d’une stratégie imprimée par les groupes privés.

On citera ici l’histoire croquignolette de Dassault, dont l’héritier Serge adore brocarder l’Etat. Mais enfin, que serait la famille Dassault sans la commande publique et l’intervention du contribuable pour sauver l’entreprise, au début des années 80? Certains en sont guère étouffés par la reconnaissance du ventre.

L’intérêt du rapport de la Cour des Comptes est de mettre le doigt sur les déficiences profondes de cet Etat actionnaire qui n’a pas plus de stratégie industrielle qu’il n’a de stratégie militaire. Si l’on veut savoir, par le menu, comme une puissance de rayonnement international vacille et décline, comment une élite incompétente multiplie les instances (Agence de Participation de l’Etat, Délégation Générale de l’Armement) pour occuper des postes rémunérateurs et diluer à la fois la décision et la responsabilité individuelle, le rapport d’avril 2013 est un moment essentiel de lecture.

2) Mais pourquoi l’Education Nationale est-elle naufragée ?

Vous vous demandez sans doute pourquoi les 60 milliards d’euros que l’Education Nationale engloutit chaque année aboutissent à une déstructuration en règle du cerveau de vos enfants. Ce grand mystère de la France contemporaine trouve une part de son explication dans le rapport de la Cour intitulé « Gérer les enseignants autrement », publié en mai 2013.

Le gouvernement aime bien donner de grandes leçons de gestion aux entreprises, mais déteste les appliquer à ses fonctionnaires. Les dégâts d’une politique de ressources humaines confiées à des directeurs d’administration centrale qui tiennent plus du préposé au télégraphe que du manager sont très bien décrits par ce rapport de la Cour.
Que l’on songe à cette étrange machine où la performance individuelle est niée au profit d’une immense co-gestion syndicale où copinage, népotisme, passe-droits et opacité ont pris le pouvoir pour broyer les bonnes volontés, et l’on a fait une partie du chemin. Que l’on complète ce tableau par l’exploration d’un système qui aboutit à concentrer des moyens élevés au profit des élèves qui en ont le moins besoin, et le spectacle est à peu près complet.

La Cour a le mérite de mettre des mots sur une organisation abandonnée à des organisations syndicales préoccupées par la satisfaction de leurs adhérents, et très peu concernées par la formation des élèves. Cet abandon se traduit notamment par l’affectation des enseignants les moins aguerris auprès des élèves les plus durs, et par l’affection des enseignants les plus qualifiés auprès des élèves les plus faciles.

Définitivement, la Cour montre, avec force détails, l’inutilité d’une politique fondée sur les moyens, qui ne toucherait pas aux règles du jeu. L’Etat employeur est, enfin, mis devant ses responsabilités.

3) Vers un big bang des finances publiques

Le rapport du 27 juin met les pieds dans le plat: il existe un vrai décalage entre le discours gouvernemental sur les finances publiques et la réalité des chiffres.

Cette différence tient à deux paramètres.

Premier paramètre: les recettes sont sur-évaluées. L’impôt ne rend plus. La France a atteint le point d’inflexion où toute augmentation des taux a un effet désincitatif sur l’activité économique et où les recettes baissent. Cette mise en exergue est essentielle au moment où Pierre Moscovici confesse qu’il prévoit une nouvelle pression de 6 milliards supplémentaires pour 2014. La Cour met le gouvernement au pied du mur: il n’est plus possible d’augmenter les impôts en France sans nuire à la prospérité durable du pays.

Second paramètre: les économies annoncées ne sont pas documentées, et ne semblent pas sérieusement préparées. Ainsi, quand le gouvernement annonce plus de 10 milliards d’euros d’économies, son annonce relève plus de la vaine promesse que du travail effectivement préparé. Pire: les dépenses publiques sont reparties à la hausse en 2013.

Pour la Cour, il est donc très probable que le déficit public en fin d’année se rapproche dangereusement de celui de 2012. Pourrait-il lui être supérieur? Cela s’appellerait un big bang financier.

4) Une organisation territoriale de l’Etat totalement obsolète

Le rapport de juillet 2013 consacré à l’organisation territoriale souligne le retard dans l’adaptation de l’Etat à la nouvelle physionomie française. A un moment où il faudrait annoncer des fermetures massives de sous-préfectures, l’Etat freine des 4 fers et conserve, partout où il le peut, des prérogatives qui font doublon avec celles des collectivités.
Surtout, l’émergence de nouveaux espaces peuplés ne s’est pas accompagnée d’une refonte de la carte administrative. Depuis une cinquantaine d’années, la France a assisté à l’émergence de banlieues de plus en plus actives, où l’installation de l’Etat est erratique, dans le meilleur des cas. Le plus souvent, nos banlieues sont vides de service public, alors que nos campagnes à l’abandon en regorgent.

Cette mauvaise allocation des ressources souffre d’une indécision chronique: personne n’ose clairement fermer des services dans les espaces ruraux. Les suppressions de postes qui y sont pratiquées les rendent totalement inefficaces, faute d’une taille critique suffisante. Dans le même temps, les banlieues sont sous-administrées. Une fois de plus, l’enjeu n’est pas dans les moyens, mais dans le pilotage et le management de l’Etat. Un sujet où la haute fonction publique ne fait manifestement pas le boulot qu’on attend d’elle.

Peu à peu, la Cour dessine donc la carte d’une administration obsolète, malade, mal adaptée à son environnement et mal encadrée. On croise les doigts pour que ce travail continue. On attend notamment avec impatience un rapport sur les augmentations de salaire déguisées dans le service public, par exemple par le biais de détachement sur contrat, qui permettent de contourner le blocage du point d’indice.

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