Affutax, Bougzer, AK : pourquoi les banlieues françaises ont besoin de développer leur propre langage<!-- --> | Atlantico.fr
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Bougzer : de boug, un type en créole, affublé d’un « –zer » qui vient de « zermi », verlan de misère employé pour décrire les conditions de vie difficiles dans la cité.
Bougzer : de boug, un type en créole, affublé d’un « –zer » qui vient de « zermi », verlan de misère employé pour décrire les conditions de vie difficiles dans la cité.
©Reuters

Bonnes feuilles

Grâce à l'argot des cités, la langue française s'est enrichie de centaines de mots et expressions ces trente dernières années. Tour d'horizon avec "Le petit livre de la tchatche" (Extrait 2/2).

Vincent Mongaillard

Vincent Mongaillard

Vincent Mongaillard est reporter au Parisien, spécialiste de la banlieue. Il est l'auteur du " petit livre de la tchatche", décodeur de l'argot des cités. 

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Les mots du quotidien

Ce sont les termes de la vie de tous les jours, ceux d’un environnement architectural loin d’être rose, ceux qui se focalisent sur le look et les apparences, ceux utilisés pour saluer et chambrer les potes, ceux, majoritairement crus, qui visent les filles et (un peu) les garçons, ceux qui ne jurent que par les jeux vidéos et la « bagnole ».

Affutax

Adjectif caractérisant, dans certaines cités de Seine-Saint-Denis, le jeune qui est « à l’affût » des nouveautés du streetwear, la mode vestimentaire de la rue, attiré en particulier par les « futes » tendance. Un individu « affutax » est donc branché, propre sur lui, nickel.

"Avec tes peusas (sapes en verlan) à la Booba, t’es big affutax, man, dommage que tu ne sois pas aussi bien gaulax (gaulé)."

Bougzer

De boug, un type en créole, affublé d’un « –zer » qui vient de « zermi », verlan de misère employé pour décrire les conditions de vie difficiles dans la cité. Un « bougzer », expression made in 9-5 (Val-d’Oise) et 9-1 (Essonne), est un gars de la street (de la rue). Son portrait-robot ? Un Black au look bling-bling, reconnaissable à ses habits flashy, ses cheveux teints en blond ou rouge (avec, si possible, une crête sur le sommet et des motifs sculptés sur les côtés), ses diamants aux oreilles, son piercing à l’arcade sourcilière et ses talents de danseur de coupé-décalé.

"Le bougzer, comment il est top stylé, moi, à côté, je suis une mauvaise imitation, j’ai que du falsch (contrefaçon)."

Chimique

Adjectif employé pour désigner un garçon ou une fille aux réactions bizarres comme celles qui peuvent se produire dans un tube à essai lors d’un cours de chimie au lycée avec non-respect des consignes professorales ! Variante : sticmi (verlan de mystique).

"Ta reum (mère), elle est trop chimique, elle me fait la morale comme si c’était Pascal le grand frère, le gadjo (mec) de la télé, là."

Crasseuse

Il n’est pas question d’hygiène. Dans l’univers hyper macho de la cité, la « crasseuse », victime d’une « sale réput’ », souvent de la rumeur aussi, est la fille vulgaire infréquentable prétendument facile, sorte de « Marie-couche-toi-là du ghetto ». C’est la « meuf » que l’on salit parce qu’elle est sexy, porte un décolleté et une minijupe. Variantes : khanzette (de l’arabe khanez signifiant crasseux, puant), tcheubi (verlan de bitch, salope en anglais), neuché (chienne en verlan), tagasse.

"C’est une crasseuse avec son poom-poom short  (très court comme celui des pom-pom girls) qui moule grave son boule (ses fesses)."

À la zeub

Expression signifiant vite fait, bâclé, à l’arrache. Variante : à la one again bistoufly.

"C’est une vanne à Toto, là, c’est quoi ce taf (travail) à la zeub, vas-y saute par la fenêtre (dégage) ?"

Aller au tire-fesses

On n’est pas aux sports d’hiver mais devant un distributeur automatique de billets. « Aller au tire-fesses », c’est retirer de l’argent. Pourquoi cette image ? « Ben, parce qu’à chaque fois, ça nous fait mal au cul de sortir notre carte bleue », métaphorise-t-on dans le 9-3, à Aubervilliers précisément, là où a été conçue la formule.

"Je suis à oilpé (à poil en verlan), j’ai plus une roupie pour m’acheter des sketbas (verlan de baskets), faut que j’aille au tire-fesses."

Les mots du trafic

La drogue et les armes, mais aussi la police qui lutte contre tous ces trafics ainsi que la prison, sont des sources inépuisables d’inspiration pour les « cailleras » des cités et tous ceux qui vivent à leurs côtés dans la légalité.

AK

De AK-47, l’autre nom de la Kalachnikov, fusil d’assaut russe privilégié par les gros truands des cités pour mener à bien leurs braquages et leurs règlements de comptes. L’arme, généralement en provenance des Balkans, s’achète sous le manteau entre 750 et 2 000 euros. Variante : kalach’.

"T’exiges que je pose mon AK alors que tu m’as maravé (frappé), mais tu me prends pour une merguez (un abruti) !"

Aquarium

Pour les gros comme les petits poissons interpellés par la « volaille » (les poulets), c’est un passage obligé. L’ « aquarium », dans le jargon policier comme dans celui des bad boys des cités qui y ont un jour séjourné, est une cellule de garde à vue, dénommée ainsi en raison de ses grandes vitres. Quand on dit qu’on est « dans l’aquarium », c’est donc qu’on est en « gardav ». Variante : être mis en zone.

"Le schtroumpf (policier), je lui ai dit “Vas-y, calme-toi, va voir ton marabout.” Et hop, direct dans l’aquarium, c’est le mektoub (destin en arabe)."

Bibi

Il n’en a pas l’air mais c’est bien un verbe. Diminutif de « bicraver », « bibi » signifie vendre (toutes sortes de marchandises, même légales) mais est surtout utilisé dans le sens de dealer. Variante : faire du biff (argent, de biffeton, billet) en lousdé (en douce).

"Qui c’est qui bibi ses lolos (kilos) de shit pour nourrir les gentils potos (potes) ? Eh ben, comme toujours, c’est bibi !"


Extrait du "Petit Livre de la tchatche", Vincent Mongaillard, (First éditions), 2013, 2,99 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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