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Capture d'écran de l'oeuvre Piss Christ d'Andres Serrano (un crucifix plongé dans l'urine de l'artiste)
Capture d'écran de l'oeuvre Piss Christ d'Andres Serrano (un crucifix plongé dans l'urine de l'artiste)
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Deux poids, deux mesures ?

Après une polémique de plusieurs semaines, des catholiques en colère ont détruit dimanche 17 avril une œuvre de l'artiste américain Andres Serrano. Intitulée Piss Christ, elle représente un crucifix plongé dans un bain d'urine de l'artiste. Dans le même temps, les médias se délectent des apparitions de femmes en niqab depuis l'interdiction du port du voile intégral. Christian Millau pousse un coup de gueule sur les différences de traitement accordées aux militants musulmans et catholiques.

Christian Millau

Christian Millau

Grand reporter, critique littéraire notamment pour le journal Service Littéraire, satiriste, Christian Millau est aussi écrivain.

Parmi ses parutions les plus récentes : Au galop des hussards (Grand prix de l'Académie française de la biographie et prix Joseph-Kessel), Bons baisers du goulag et aux éditions du Rocher,  Le Petit Roman du vin, Journal impoli (prix du livre incorrect 2011), Journal d'un mauvais Français (21 avril 2012) et Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi (Rocher, 2013)

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La  recette du Pisse Christ

Ingrédients : un crucifix, un grand verre de pipi, un appareil photo, une subvention de LVMH.

Réalisation : plonger le Christ dans le pipi, laisser macérer le dimanche de Pâques, faire la photo, l’accrocher à la Galerie Lambert dans la Cité des Papes, faire financer l’expo par Bernard Arnault, le Laurent de Médicis de la roteuse champenoise et des pompes Gucci, dénoncer le scandale de la censure religieuse qui, à l’instigation de l’archevêque d’Avignon, Mgr Cattenoz (sûrement un catho d’extrême droite) réclame le retrait de cette œuvre majeure de l’art contemporain. Servir tiède en rappelant aux convives la devise de LVMH : "Ambassadeur de l’art de vivre occidental dans ce qu’il a de plus raffiné"

Variante : à la place du Christ, mettre à tremper l’image du prophète Mohammed.

Quoi ? Vous avez dit  le Prophète ? Ca ne va pas la tête ? Quand aux Etats-Unis, le pasteur Jones avait menacé de brûler le Coran en public, même le Vatican avait crié à l’intolérance. Vous n’allez quand même pas comparer avec Jésus qui, en plus était juif ! Célébrons plutôt de véritables hommes d’Eglise comme Mgr Louis et Mgr Rouet qui avaient participé en 2002 à l’ouvrage publié chez Albin Michel, intitulé L’Eglise et l’art d’avant garde où l’on voyait notamment sous le titre "Mlle Jésus" le dessin d’un barbu travesti, avec soutien-gorge et chaussures à hauts talons. L’archevêque de Poitiers y écrivait fort sagement : "A prendre du retard avec ce rendez vous de l’art d’avant garde, l’Eglise risque fort d’arriver  après la fermeture des portes"

L’autre jour, un jeune Strasbourgeois (forcément bourgeois) a diffusé sur Internet une vidéo où on le voit brûler une page du Coran et pisser sur les cendres.

Cela n’a pas fait un pli. La Grande Mosquée de Strasbourg a alerté les autorités. Le maire PS, Roland Ries, a lancé un appel pour un "front républicain du refus de l’inacceptable". Le malfaiteur a été appréhendé. Le procureur adjoint du tribunal correctionnel de Strasbourg a requis trois mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende. Jugement le 9 mai .

Le 15 avril, à l’appel de Rachid Nekkaz, porte parole de "Touche pas à ma Constitution" et candidat aux primaire du PS, les médias, arrivés sur place 30 minutes après le Nouvel Observateur, ont pu admirer le spectacle de deux femmes en niqab, attablées à la terrasse du Fouquet’s (forcément, le Fouquet’s).

On dit deux femmes musulmanes mais cela aurait pu être tout aussi bien, des blondes norvégiennes, des mecs ou des travelos. Comment savoir sans lever le voile ? La police a constaté et s’en est allée, sans dresser de procès verbal.

Puisque cette loi, comme tant d’autres, ne sera sans doute jamais appliquée, il va falloir trouver autre chose. Comme après tout il n’y a que le ridicule qui tue, on pourrait peut être faire courir le bruit que les envoilées sont d’affreux boudins. C’est pour cette raison que leurs hommes, cent pour cent machos, les cachent à la vue des passants. On pourrait aussi demander à l’artiste du « Pisse Christ » de nous mettre une victime de la loi contre le voile intégral dans un vase rempli de caca.

Ce sont des idées parmi d’autres. Si quelqu’un en a de meilleures, surtout qu’il ne se gêne pas.

PS : Se féliciter de la destruction par les manifestants catholiques de la photo du Christ pipi ? Non ,très peu pour moi. Quels qu'ils soient les autodafés sentent trop le bûcher pour qu'on puisse s'en réjouir. Je préfère la moquerie, c'est une arme absolue.

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