Déraillement de Saint-Jacques-de-Compostelle : faut-il s'inquiéter de l'état du réseau ferroviaire européen? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le nouveau drame ferroviaire de Saint-Jacques-de-Compostelle pose la question de la sécurité du réseau à l'échelle europénne.
Le nouveau drame ferroviaire de Saint-Jacques-de-Compostelle pose la question de la sécurité du réseau à l'échelle europénne.
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La loi des séries

Le déraillement d'un train près de Saint-Jacques-de-Compostelle a fait au moins 79 morts. Ce drame, survenu moins de deux semaines après le déraillement de Brétigny-sur-Orge, amène à s'interroger sur l'état et le degré de sécurité du réseau ferroviaire européen.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Le déraillement d'un train survenu mercredi soir près de Saint-Jacques-de-Compostelle, dans le nord-ouest de l'Espagne, endeuille le pays. Trois jours de deuil national ont été annoncés par le Premier ministre Mariano Rajoy, tandis que sept jours de deuil ont été décrétés en Galice. Le bilan, longtemps resté à 77 morts, s'est malheureusement aggravé : deux victimes de plus ont été annoncées. L'accident a été enregistré par une caméra de surveillance :

Atlantico : Le réseau ferroviaire européen souffre-t-il de graves problèmes ?

Alain Bonnafous : On ne peut pas parler véritablement de "graves problèmes", du moins pas dans le cas de l’Europe de l’Ouest. De sérieux problèmes existaient auparavant sur le réseau d’Europe de l’Est mais de nombreux réaménagements sont en cours. De tout le réseau européen, le plus dégradé a longtemps été celui de Grande-Bretagne. Cependant, il a fait l'objet d’une importante remise en état dans la suite de la réforme de 1993. Remis complètement à neuf depuis au prix d’un effort national considérable, il est aujourd’hui l’un des plus sûrs d’Europe. Les parties vétustes du réseau européen que nous connaissons correspondent à des portions peu ou pas exploitées. Dans le cas précis de Saint-Jacques-de-Compostelle, il ne semble pas que ce soit un problème d’infrastructure.

Quelles sont les réglementations concernant l’entretien et l’aménagement du réseau ferroviaire européen ? Les politiques d’aménagement du réseau ferroviaire sont-elles l’initiative des Etats européens eux-mêmes ou bien l'Europe joue-t-elle un rôle ? 

D’une manière générale, Bruxelles s’occupe seulement de l’organisation du système, laissant sa mise en œuvre à la charge des États suivant leur propre dispositif. Les pays européens possèdent tous, en général, une société de réseau alimentée, en principe, par des péages. En fonction de ses capacités de financement, elle peut alors mettre en œuvre, ou non, des programmes de rénovation et d’aménagement du réseau. Aujourd’hui, des pays comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne qui pratiquent des tarifs de péages élevés, peuvent ainsi revendiquer la possession d’un réseau en excellent état.

Il n’y a pas de législation de l'entretien à l’échelle européenne, même s’il existe bien entendu des normes relatives à la sécurité en particulier. Ces normes varient suivant la nature du réseau. En effet, les exigences ne sont pas les mêmes suivant qu’il s’agisse d’une ligne de TGV ou destinée au fret.

Le train est-il finalement un mode de transport plus dangereux que ce que nous pensions ?

Lorsque l’on se penche sur les statistiques mondiales, et plus précisément sur le nombre de décès par milliards de voyageurs/kilomètres, le train reste un mode de transport bien plus sûr que la voiture. En revanche, il n’est pas plus sûr que l’aérien, et même un peu moins quand on prend en compte des pays comme l'Inde (toujours selon ce rapport au voyageurs/kilomètres). Cela s’explique par le fait que les incidents ferroviaires dans certains pays sont tellement graves et fréquents, d’un point de vue du nombre de blessés et de décès, que les statistiques explosent. Cela est généralement le cas en Chine et surtout en Inde, où le réseau ferroviaire n’est pas le meilleur qui soit, pour ce qui est de sa qualité et de sa fiabilité. Dans le cas européen plus précisément, toujours par rapport aux voyageurs/kilomètres, ce type d’accident reste très rare et le nombre de victimes dus au transport ferroviaire très faible.

Des incidents ferroviaires similaires se sont-ils déjà produits au cours des dix dernières années ?

Pas en Europe occidentale à mon souvenir. Dans le présent cas espagnol, il semblerait bien qu’il s’agisse d’une défaillance humaine, qu’elle soit attribuée au conducteur ou à la maintenance. Cependant, un éventuel emballement mécanique semble moins probable. Ces questions se posent aussi dans le cas de Brétigny, où les causes liées à l’infrastructure semblent, elles aussi, peu probables, surtout à l’endroit où le drame est survenu. Les défaillances humaines peuvent malheureusement arriver et ne peuvent pas être prévenues, quel que soit le moyen de transport utilisé.

Parce que la piste de la faute humaine semble privilégiée, ne faudrait-il pas s’interroger sur la formation des conducteurs de train ? Ces derniers sont-ils régulièrement contrôlés dans le cadre de leur exercice ?

Il y a un important contrôle au niveau du système ferroviaire où la sécurité est tout de même bien assurée. Précisons, par ailleurs, que les certifications de conducteur de train ne sont pas délivrées aussi facilement ! De mémoire, un incident imputé à un conducteur – qui n’avait pas respecté les limitations de vitesse - est survenu en Grande-Bretagne après la réforme que j’évoquais. Cela a été imputé au fait que cette réforme a sensiblement augmenté le nombre de trains, conduisant à un recrutement massif et rapide de nouveaux conducteurs de train dont l'un s'est cru sur un circuit de course. Ce genre de choses est aujourd’hui relativement bien prévenu à l’échelle européenne.

Hormis la faute humaine, qu’est-ce qui pourrait être également à l’origine de ce type d’incident ferroviaire ?

Il existe plusieurs possibilités, toutes aussi complexes les unes que les autres. Dans le cas espagnol, il semblerait que l’hypothèse de la malveillance soit écartée. Si cela finissait par être attesté, la voie serait alors ouverte à d’inquiétantes perspectives.

Propos recueillis par Thomas Sila

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