Pourquoi l’orgueil et l’égo des cadres entraînent souvent les entreprises dans la spirale de l’échec<!-- --> | Atlantico.fr
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Un manager est tenté de vouloir poursuivre son projet coûte que coûte pour ne pas révéler son erreur à sa hiérarchie.
Un manager est tenté de vouloir poursuivre son projet coûte que coûte pour ne pas révéler son erreur à sa hiérarchie.
©fickr

Têtu comme une mule

Quand nous faisons un choix qui ne fonctionne pas, nous avons beaucoup de mal à couper court et à abandonner. Persévérez et vous risquez de tomber dans ce que le spécialiste en théorie des organisations, Barry Staw, appelle la "surenchère d'investissement".

Julien Pouget

Julien Pouget

Julien Pouget s'intéresse aux évolutions de la société et à leur impact dans l'entreprise. Président du cabinet JP & Associés, il est l'auteur du livre Intégrer et manager génération Y et anime le blog La génération Y.

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Atlantico : En quoi consiste la "surenchère d'investissement" décrite par Barry Staw, spécialiste en théorie des organisations ? Quels sont les déterminants psychologiques qui entrent en compte ? 

Julien Pouget : On est dans une logique où un individu, parce qu’il a investi dans un choix, dans une décision, va éprouver beaucoup de difficultés à considérer que son choix est une erreur précisément parce qu’il est investi. L’exemple qui me vient à l’esprit est celui du joueur de casino qui après avoir perdu lourdement continue. C’est justement parce qu’il a beaucoup perdu qu'il va vous expliquer qu’il a intérêt à continuer. Pour se refaire. En résumé, c’est la logique de "je ne peux pas m’arrêter maintenant" qui prévaut. C’est une théorie que l’on rencontre fréquemment à titre personnel dans la vie des individus mais également dans les entreprises.

Cette théorie met en lumière la difficulté pour les individus à reconnaître leurs erreurs.

Comment se manifeste cette théorie au sein du monde professionnel ?  Dans quelle mesure peut-elle avoir un impact ?

Julien Pouget :A partir du moment où le raisonnement n’est plus à l’échelon individuel, il va de soi qu’il se démultiplie à tous les étages d’une organisation ou d’une entreprise. Par exemple, ce phénomène est fréquent lors des décisions concernant des grands projets au sein des entreprises. Au cours du développement du projet on réalise qu'il ne correspond pas aux besoins de l’entreprise. Deux options sont alors possibles. Dans un premier cas, on décide d’arrêter le projet. Ou bien, le manager s'acharne. C’est la raison pour laquelle de nombreux projets vont terminer avec des critères de coût et de qualité qui ne vont pas être tenus.

C’est le projet que l’on n’arrive pas à "tuer" et qu’il faut absolument faire réussir. Pourtant, réussir un projet ce n’est pas réussir à tout prix. Ce sont des projets que l’on continue parce qu’on refuse de les arrêter, compte tenu du prix qu’ils ont déjà coûté.

Derrière cette question de la surenchère d’investissement il y a celle du droit à l’erreur dans l’entreprise. C’est un des facteurs qui entretient très fortement ce phénomène. Car très souvent on est dans une organisation qui ne pardonne pas ou peu. Un manager est tenté de vouloir poursuivre son projet coûte que coûte pour ne pas révéler son erreur à sa hiérarchie. Les "porteurs de mauvaises nouvelles" dans l’entreprise ne sont pas toujours appréciés.

Cette escalade d’investissement peut résulter d’un ego surdimensionné des managers, dont certains sont persuadés qu’ils ne peuvent commettre d’erreurs. Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’ils représentent une majorité. Les personnes qui sont prises dans cette surenchère d’investissement sont aussi des salariés qui veulent bien faire et se trompent.

Peut-on lutter contre la surenchère d'investissement ? Existe-t-il des antidotes à ce phénomène ? 

Julien Pouget : C’est un mécanisme naturel. Il faut bien avoir en tête qu’une des difficultés majeures de ce phénomène est de s’apercevoir que l’on se trouve dans cette "surenchère d’investissement". Il existe des parades qui permettent, non pas d’éliminer le problème, mais de l’atténuer.

Tout d’abord pour lutter contre ce phénomène, le moyen le plus simple est d’associer aux décisions une personne extérieure. Une personne qui ne soit pas partie prenante. Celle-ci, avec son extériorité et son recul ne sera pas sujette au phénomène de surenchère et sera en position de juger de la rationalité ou non d’une décision.

De plus, il serait à mes yeux pertinent d’expliquer cette théorie à l’échelon individuel dans les entreprises. Il serait intéressant de former et de sensibiliser les managers sur cette théorie. Car ce sont les managers qui vont être amenés à prendre des décisions et qui seront potentiellement exposés à la surenchère d’investissement. 

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