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Pour Maître Charrière-Bournazel, c'est une révolution.
Pour Maître Charrière-Bournazel, c'est une révolution.
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Garde à vue

Dans un arrêt du 15 avril 2011, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, c'est-à-dire la composition la plus solennelle de la haute cour, a jugé que le régime français de garde à vue n'était pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. L'ancien bâtonnier de Paris, Maitre Christian Charrière-Bournazel, s'était longtemps battu contre la garde à vue à la française. C'est une révolution à ses yeux, l'échafaudage des archaïsmes du système juridique français est en train de tomber.

Christian  Charrière-Bournazel

Christian Charrière-Bournazel

Christian Charrière-Bournazel est un avocat français, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris.

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La Cour de cassation vient de dire une chose qui est une évidence, mais c’est courageux de le dire : le droit européen n’est pas extérieur à notre pays, c’est un droit interne français, ce à quoi nos institutions résistaient depuis des années. Désormais, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et la jurisprudence prise pour son application, s’appliquent immédiatement contre la loi interne française, si elle est différente.

M’étant beaucoup investi dans ce combat contre la garde à vue à la française, quand j’étais bâtonnier, et bien entendu après, je suis très heureux d’apprendre que je n’étais pas dans l’erreur lorsque je disais que toutes nos gardes à vue étaient nulles. L’absence de l’avocat, le fait que l’on ne dise pas à l’intéressé qu’il a le droit au silence, l’oubli que les gardés à vue étaient d’abord présumés innocents, tout cela aujourd’hui est mis clairement en exergue par la cour de cassation.

Toutes les gardes à vue qui se passent aujourd’hui sans la présence d’un avocat dès la première minute avec assistance à l’interrogatoire, préparation de l’intéressé -ce que la Cour de Strasbourg a défini dans ses arrêts sur lesquels la Cour de Cassation s’est prononcée – sont nulles.

La procédure pénale en sera affectée, et il n’est même pas question d’envisager que demain des tribunaux puissent condamner quelqu’un sur des déclarations qu’il aurait faites en garde à vue pour s’accuser lui-même, alors qu’il n’était pas assisté par un avocat.

C’est donc une révolution qui va très au delà de ce que le Parlement dans sa timidité a voté mardi pour réformer la loi sur la garde à vue. Cette loi prévoyait encore des exceptions, laissée à la discrétion de la police et du parquet, alors même que le parquet est considéré par la cour de Strasbourg comme incompétent pour décider de la pertinence de garder en détention ou non un prévenu, puisque n’étant pas une autorité indépendante.

Tout cet échafaudage est en train de tomber et tôt ou tard ou le Conseil Constitutionnel censurera les passages de la loi sur la garde à vue qui ne sont pas conformes aux principes constitutionnels, ou la cour de Strasbourg condamnera à nouveau la France, si la loi n’est pas modifiée en étant beaucoup plus soucieuse du droit européen qu’elle ne l’est aujourd’hui.

La décision s’applique immédiatement, et va donc changer dès aujourd’hui l’organisation des gardes à vue. Cela va avoir donc des conséquences sur les enquêtes de police et de justice en cours.

Si on avait pris le soin d’être plus vigilants au plan du droit et sur le sujet des droits de l’Homme comme je l’ai réclamé depuis des mois, nous n’en serions pas là. Ce sont ceux qui ont voulu maintenir une culture de la coercition en garde à vue au mépris du droit de la défense, ce sont eux qui portent la responsabilité des choses, ils vont avoir à se débrouiller comme les barreaux vont avoir à s’organiser pour assurer la présence des avocats dès le début de la garde à vue.

Les conséquences immédiates sur la garde-à-vue 

La décision s’applique immédiatement, et va donc changer dès aujourd’hui l’organisation des gardes à vue. Cela va avoir donc des conséquences sur les enquêtes de police et de justice en cours.

Si on avait pris le soin d’être plus vigilants au plan du droit et sur le sujet des droits de l’Homme comme je l’ai réclamé depuis des mois, nous n’en serions pas là. Ce sont ceux qui ont voulu maintenir une culture de la coercition en garde à vue au mépris du droit de la défense, ce sont eux qui portent la responsabilité des choses, ils vont avoir à se débrouiller comme les barreaux vont avoir à s’organiser pour assurer la présence des avocats dès le début de la garde à vue.

Des gardes à vue vont de ce fait disparaître : les fausses gardes à vue, les gardes à vue punitives. Je pense par exemple à cet abus extraordinaire des 250 000 gardes à vue qui sont chaque année organisée pour des problèmes d’alcoolémie. C’est mal d’avoir une alcoolémie supérieure à ce qui est autorisé par la loi, mais quantité de personnes arrêtées au dessus de 0,4 g ne sont pas ivres mortes ! Et lorsqu’à minuit on s’aperçoit qu’elles sont passées en dessous de 0,4 g d’alcool par gramme d’air expiré, on les garde encore pendant 15 heures en cellule. C’est une sorte dévoiement du pouvoir de la police qui s’arroge le droit de punir alors que seul le juge à le droit de le faire. Cela doit disparaître.

Les gardes à vue qui consistent à laisser mijoter pendant des heures des personnes dans des locaux immondes  sans les interroger, vont s’arrêter. Cela n’est pas fait pour cela la garde à vue, ce n’est pas fait pour casser, ou pour faire comme l’on disait autrefois dans les manuels de police, atteindre ce vertige d’où doit surgir l’aveu ! Tout cela c’est fini.

Cela ne veut pas dire que l’avocat doit empêcher la manifestation de la vérité ou entraver la justice, cela veut dire que l’on ne peut enseigner à quelqu’un le respect de l’autre, si on pense qu’il a commis une infraction, que si on commence par le respecter lui-même.

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