Garde à vue
Coup de tonnerre dans notre système juridique
Dans un arrêt du 15 avril 2011, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, c'est-à-dire la composition la plus solennelle de la haute cour, a jugé que le régime français de garde à vue n'était pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Décryptage d'Aurélien Hamelle, avocat au barreau de Paris.
La Cour ne pouvait plus clairement exprimer que "il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires", ce qui n'était pas le cas jusqu'à ce jour en procédure pénale française.
En soi, une telle affirmation n'est pas une surprise puisque c'est exactement ce que la Cour de cassation avait déjà jugé à l'automne 2011, dans la foulée d'une décision du Conseil constitutionnel invalidant lui aussi le régime de la garde à vue à la française. En revanche, ces deux précédents avaient différé l'application des décisions prises à une réforme législative qui devait intervenir au plus tard le 1er juillet 2011. C'est maintenant chose faite avec la promulgation de la loi du 14 avril 2011, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet prochain, refondant la procédure de garde à vue et accroissant considérablement le rôle de l'avocat. Ce n'est donc pas d'une témérité remarquable dont la Cour de cassation a fait preuve par son arrêt du 15 avril puisqu'elle ne fait à première vue qu'accélérer d'un mois et demi l'entrée en vigueur d'une réforme déjà votée. Tout ça pour ça me direz-vous !
Pourtant, l'arrêt de la Cour de cassation recèle deux promesses beaucoup plus significatives.
La première, c'est que la Cour de cassation a censuré un arrêt de Cour d'appel qui avait validé une garde à vue effectuée le 1er mars 2010. Cela pourrait signifier que toutes les mesures de garde à vue effectuées sous "l'ancien régime" sont non seulement contraires aux droits fondamentaux - ce que tout le monde savait - mais surtout que la nullité est effectivement encourue. Autrement dit, la Cour de cassation pourrait bien avoir remis en cause le "différé" de la réforme qui résultait pourtant de la décision de sa chambre criminelle du mois d'octobre 2010. L'avenir nous le dira. Si tel était le cas, le courage judiciaire devrait alors être salué, pourvu que les décisions futures de nos juges ne tentent pas de rétropédaler sur ce point.
La seconde, encore plus grande peut-être, est que la Cour de cassation a très solennellement affirmé que "les États adhérents à (la Convention européenne des droits de l'homme) sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation". Au pied de la lettre, cette décision du 15 avril ne serait rien de moins qu'une petite révolution dans le Palais. En effet, jusqu'à ce jour, les Tribunaux et Cours ne reconnaissaient qu'irrégulièrement et timidement la portée des arrêts de la Cour de Strasbourg, allant pour certains jusqu'à affirmer que l'ordre juridique français n'était concerné que par les arrêts de condamnation auxquels la France aurait été directement partie. Ils refusaient donc parfois, trop souvent, de tenir compte de solutions dégagées par la Cour européenne des droits de l'homme dans des affaires concernant d'autres Etats parties. Si l'assemblée plénière de la Cour de cassation a, en ce 15 avril 2011, bien voulu dire ce qu'il est permis de lire dans son arrêt, d'autres coups de tonnerre sont assurément à venir dans notre système juridique.
Et tout sera pour le mieux ! Au travail.
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