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La BERD, du mur de Berlin 
à la place Tahrir
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L'âge de raison

Née avec la chute de l'URSS, ringardisée dans les années 2000, la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement retrouve avec les révolutions arabes un nouveau souffle pour ses 20 ans.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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On n’a pas tous les jours vingt ans. Pourtant, la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD) a choisi de fêter cet anniversaire en toute discrétion. Après sa naissance difficile sous la houlette géniale et controversée de Jacques Attali, c’est désormais une solide jeune fille au capital de 30 milliards d’euros, largement bénéficiaire en 2010, et reconnue parmi les demi-douzaine de banques de développement qui comptent dans le monde. Une jeune fille qui, comme c’est bien normal à cet âge, s’interroge sur son avenir.

Née pour accompagner la fin du bloc soviétique

Car le destin de la BERD est intimement lié aux évolutions géopolitiques. Fondée après la chute du mur par les Etats occidentaux, des Etats-Unis à l’Europe en passant par le Japon et l’Australie, la BERD avait pour mission d’aider les états de l’ex-bloc soviétique à accomplir leur “transition” vers l’économie de marché.

A la différence de la Banque Mondiale ou de la Banque Africaine, son mandat n’était pas seulement économique (financer des projets d’intérêt public), mais aussi politique : l’article premier du texte fondateur de la BERD précise que la Banque opère uniquement dans les pays “qui s’engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l’économie de marché.”

On reconnaît dans ces lignes l’esprit enthousiaste de 1991, la foi dans la “fin de l’histoire” hégélienne popularisée par Francis Fukuyama. Avec l’effondrement du communisme s’ouvrait une ère apaisée, où l’écrasante majorité des nations épouseraient les principes du libéralisme, aussi bien sur son versant politique qu’économique. Démocratie et économie de marché iraient main dans la main. Les Lumières avaient finalement triomphé.

Dur réveil : la fin de l'histoire n'a pas eu lieu

Le réveil fut d’autant plus brutal dans les années 2000. Loin d’évoluer vers le modèle démocratique occidental, de nombreux pays, au premier rang desquels la Russie de Poutine, remirent au goût du jour l’autoritarisme, sous une forme plus subtile mais non moins inquiétante. La Chine démontra soudain que l’on pouvait tirer le plus grand profit de la liberté du commerce sans rien céder sur la liberté d’expression. Les Etats-Unis de G.W. Bush ridiculisèrent pour longtemps l’ambition de répandre la démocratie dans le monde.

La BERD dut constater, avec d’autres (cf Robert Kagan, Le retour de l'histoire et la fin des rêves), que la fin de l’Histoire n’avait pas eu lieu. Elle réduisit ses opérations dans les pays les plus indéfendables, comme le Turkménistan, l’Ouzbékistan ou la Biélorussie. Mais pour les autres, que faire? Devenir un simple pourvoyeur de fonds? Renoncer au grand rêve de l’Occident?

Une vigueur nouvelle avec le printemps arabe

Aujourd’hui, le printemps arabe redonne une vigueur nouvelle et inattendue à cet idéal, montrant encore une fois à tous les sceptiques que le désir de liberté n’est pas une construction culturelle, mais une pulsion universelle. Le mur de Berlin est tombé une deuxième fois, au Sud de la Méditerranée. Il est donc logique que la BERD soit appelée par nombre de ses actionnaires à venir accompagner Égypte et possiblement d’autres pays d’Afrique du Nord dans leur transition vers la démocratie.

On la donnait incertaine il y a cinq ans ; la voilà de nouveau au cœur de l’actualité politique internationale, au Conseil Européen comme au G7. Christine Lagarde a déclaré jeudi à Washington que la BERD devait “participer au financement du redémarrage économique de la Tunisie et de l’Egypte après leurs révolutions”. Beau cadeau d’anniversaire!

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