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Interview présidentielle : les 5 plus grands défauts de la communication de François Hollande
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Edifice en péril

Le président a décidé de renouer avec le traditionnel entretien télévisé du 14 juillet depuis l'Elysée. Mais entre l'ombre de Nicolas Sarkozy, une présence médiatique "modérée" et la loi sur le mariage pour tous, sa communication connaît quelques ratés.

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck est sémiologue. Elle est spécialisée dans le langage verbal (sémantique) et non verbal (body language). Elle conseille également les dirigeants d’entreprise et accompagne certaines agences de communication et relations publiques internationales, notamment sur la question de la raison d’être. Très régulièrement sollicitée par les médias, Elodie Laye Mielczareck décrypte les tendances sociétales de fond, ainsi que les dynamiques comportementales de nos représentants politiques et autres célébrités. Elle est également conférencière et auteure.

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Atlantico : Quels sont les cinq plus gros défauts de François Hollande en termes de stratégie de communication ?

1)    François Hollande s’inscrit dans une temporalité non-médiatique

François Hollande montre une volonté certaine à s’inscrire dans une temporalité long-termiste. De ce point de vue, la métaphore de l’agenda n’était pas du tout anodine. Elle est là pour nous rappeler qu’il existe un temps nécessaire entre la préparation et la réalisation effective des projets. Contrairement à son prédécesseur, François Hollande n’est pas un président « omniscient ». Il ressort de cette non-occupation médiatique, une présence « modérée », davantage « protocolaire », déliée de l’urgence du temps présent. Mais c’est aussi un des défauts de François Hollande, il utilise de façon inlassable le temps « futur », c’est-à-dire le temps de la désincarnation : c’est le temps de l’indicatif le moins engageant pour celui qui l’emploie !

Exemple : quand David Pujadas lui demande : « Et vous l’avez trouvé (le dispositif qui permettra de combattre la récidive) ? »n, François Hollande répond : « Oui, on va le trouver. »

Beaucoup trop de « on va » dans ses discours, marqueurs d’un certain désengagement du locuteur par rapport à ses propos. En revanche, les « je veux », les « j’ai le devoir de » et « je suis président », sont légions. Ce qui reste problématique dans les discours de François Hollande, c’est l’utilisation du temps présent pour le « je suis » versus l’utilisation du temps futur pour « le faire ».

2)François Hollande demande à être jugé sur les résultats

Or François Hollande veut être jugé sur les résultats. Mais tous ses projets sont inscrits dans un temps futur. Et finalement, les résultats de la politique du président ne seront visibles qu’à la fin du quinquennat. Pourtant il s’est fait élire pour un changement « maintenant ». Ce qui est profondément paradoxal. L’impatience des premiers mois a donc naturellement laissé place à une certaine résignation des Français qui vivent la crise de plein fouet. Les discours de François Hollande sont symptomatiques de ce décalage temporel, entre la volonté présente et la réalisation future des projets d’une part, et la volonté d’être jugé sur des résultats qui ne peuvent être encore visibles, d’autre part. Au sein du même discours vous pouvez trouver la déclaration « nous allons le faire », suivi quelques lignes plus loin par « je ne suis pas dans le constat mais dans l’action ». Mais l’action semble toujours différée puisqu’inscrite dans un temps futur. Il y a un réel « hiatus temporel » que contenait déjà le slogan - dès lors forcément décevant - de la campagne présidentielle : « le changement, c’est maintenant ».

3) François Hollande vit dans l’ombre de son prédécesseur

Dès le soir de son élection, le message était clair : au clinquant du Fouquet’s s’opposait le sandwich mangé rapidement sur une aire d’autoroute. « Le président de tous les Français », proche des Français donc et de leurs préoccupations, a fait campagne contre Nicolas Sarkozy, autour des dérives du capitalisme effréné, avec un leitmotiv qui marquera les esprits au Bourget : « Mon véritable adversaire, c’est la finance ». Une assertion qui a surtout servi à s’ancrer profondément en opposition à la présidence de Nicolas Sarkozy. On sait maintenant que la victoire de François Hollande à la présidence n’est pas tant due à un vote d’adhésion qu’à un vote d’opposition. Et le « grand retour » de Nicolas Sarkozy tel qu’il a été asséné par les grandes chaînes d’information cette semaine, montre que François Hollande existe encore dans l’ombre de son prédécesseur. Il lui manque encore un certain « charisme » pour exister seul. Son ton très « professoral », voire « jargonneux », presque « trop scolaire » - souvenez-vous de la disposition de la salle lors de la 2e conférence de presse, le gouvernement sur le côté, donnait l’impression d’être une classe d’élèves attentifs au discours du maître d’école - ne donne pas toujours l’impression d’une grande aisance. Il reste un énarque devant son micro. Pis, il a gommé les traits de sa personnalité, son humour décalé, pour cadrer au mieux au cadre protocolaire que son statut lui impose. Certes, cet aspect « protocolaire » démontre une réelle volonté de « sérieux », de « connaissances des dossiers » et d’« expertise » mais cela manque cruellement de créativité, d’engouement et de passion. Sa logique de « limbique gauche », garante d’une expertise certaine, est convaincante mais très peu rassurante. 

4) François Hollande fait le grand écart entre les convictions affichées du gouvernement et ses réalisations

Les idées sont belles mais restent trop abstraites. Qui peut dire ce qui se cache concrètement derrière les termes « choc de croissance », « choc de simplicité » ou « pack de compétitivité » ? Les mots restent vident de sens car trop abstraits. Peu de réformes ont encore eu un réel impact sur la vie quotidienne des Français - du moins par rapport à ce qui a été annoncé pendant la campagne. La « réparation des injustices », grand credo, a peu d’échos pour beaucoup de personnes. Il y a donc encore un problème d’incarnation des fonctions présidentielles dans la réalisation des « grandes réformes ». Ceci dit, c’est la grande « patate chaude », si vous me passez l’expression, que tous les présidents se passent de septennats en quinquennats. Mais le contexte de crise rend cette constatation très visible.    

5)Le mariage pour tous

François Hollande se voulait « le président de tous les Français ». Des semaines de manifestations ont mis à mal cette déclaration. Pendant plusieurs jours, la France s’est retrouvée comme divisée en deux, avec les « pour » et les « anti ». Depuis longtemps, le « rassemblement » est un mot cher à la gauche. Le déroulement des événements vient casser cette idéologie du « tous ensemble ». On aurait pu penser qu’une réforme sociale soit une grande révélatrice des talents de dirigeants de François Hollande, premier président de gauche au pouvoir depuis plusieurs décennies. C’était donc un réel enjeu idéologique et politique. Sans doute, avec le recul, cette réforme sera jugée de façon positive, mais en attendant, François Hollande va avoir du mal à se relever de cette division.  

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