Réunion de crise historique à l’OMS sur le coronavirus : de quoi faut-il s’inquiéter ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une image au microscope électronique d'un coronavirus. Cette famille de virus peut provoquer un large éventail de maladies chez l'homme, qui vont du rhume banal jusqu'au SRAS.
Une image au microscope électronique d'un coronavirus. Cette famille de virus peut provoquer un large éventail de maladies chez l'homme, qui vont du rhume banal jusqu'au SRAS.
©DR

Sueurs froides

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a tenu mardi une consultation urgente sur le coronavirus, essentiellement présent au Moyen Orient où il aurait déjà provoqué la mort de 45 personnes. Ce type de réunion est une première depuis la crise du H1N1 en 2009.

François Bricaire

François Bricaire

François Bricaire est un médecin. Il est chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est professeur à l'Université Paris VI-Pierre et Marie Curie.

 

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Atlantico : Pourquoi l'OMS s'est-elle réunie d'urgence mardi au sujet de ce virus ? Alors qu'il n'a pour l'instant tué "que" 45 personnes, toutes contaminées au Moyen-Orient, pourquoi le virus provoque-t-il tant d'inquiétudes ?

François Bricaire : Mon analyse personnelle – car je n'ai pas de relations avec l'OMS qui me permettent de le dire avec certitude –  c'est la crainte soulevée par la présence d'un virus en Arabie saoudite avec la perspective du pèlerinage à La Mecque (prévu en octobre, NDLR). On a, dans cette région du monde, la présence d'un virus, qui circule encore modérément avec un nombre de patients limités mais une potentialité – autant qu'on le sache – de sévérité. Ce qui est très embêtant, c'est qu'on ne connaît pas le réservoir du virus. Est-ce des oiseaux ? Des chameaux ? On ne le sait pas.

Donc, bien que l'Arabie saoudite ne déclare chaque semaine que deux ou trois nouveaux cas, la venue de ce pèlerinage est un évènement qui peut entrainer des échanges potentiels représentant des risques qui feraient émerger des cas plus nombreux. L'OMS cherche donc à savoir comment se situer. Je ne sais pas ce que seront les conclusions, mais les autorités françaises appellent à la vigilance et à suivre les recommandations que fixera l'OMS. L'Arabie saoudite a d'ailleurs déjà limité le nombre de pèlerins, et une prévention sera faite auprès d'eux sur l'hygiène des mains ou le contact avec les animaux.

Pouvez-vous nous rappeler l'origine, les modes de transmission, les symptômes et la probabilité d'une issue fatale d'une infection provenant de ce coronavirus ?

C'est un virus qui fait partie d'une famille beaucoup plus vaste et assez connue de virus, le plus souvent bénins et provoquant des symptômes respiratoires. Il y avait eu le coronavirus de Chine qui était assez agressif, celui-ci semble être une sorte de "petit frère". Il se transmet par voie respiratoire. Il est situé assez profondément dans le système respiratoire, sa transmission ne serait donc pas très importante. Il faut a priori un contact proche et prolongé. Les symptômes seront de la toux, de la fièvre, de la gêne respiratoire, qui peuvent ensuite évoluer vers une insuffisance respiratoire qui peut amener en réanimation, voire au décès.On peut avoir aussi des signes d’insuffisance rénale. Il semblerait que les malades soient plutôt des personnes déjà affaiblies ou immunodéprimées.

Parmi les cas repérés, on a pour l'instant une mortalité d'un sur deux. Mais je dis bien les "cas repérés" car il y a peut être des cas bénins qui guérissent spontanément et qui ne sont donc pas répertoriés et qui changerait la réalité statistique.

Si une épidémie mondiale s'enclenchait, que faudrait-il mettre en œuvre pour éviter une vague de mortalité à cause du virus ?

La chose la plus importante, c'est de déterminer où se trouve le réservoir animal. Les chauves-souris sont fréquemment un réservoir initial, mais il y en a souvent un secondaire, et c'est celui qui nous est inconnu aujourd'hui en dépit des recherches. Ensuite, il faut déterminer quelles sont les formes bénignes de la maladie, ce qui est très importante car les formes bénignes sont par définition plus difficiles à repérer mais restent pourtant des vecteurs de transmission du virus. Enfin, si un phénomène épidémique s'étend, il faut prendre les mesures – de plus en plus internationalisées – que sont la limitation des déplacements, le lavage des mains, l'usage de masques quand on est malade pour ne pas contaminer ses voisins, et éviter les contacts avec les animaux même si on ne sait pas encore lesquels.

En 2009 déjà l'OMS avait tiré la sonnette d'alarme et un vent de panique avait gagné les autorités médicales de crainte d'une épidémie mondiale et meurtrière de H1N1, or il n'en a finalement rien été. Avions-nous eu beaucoup de chance à cette époque, ou est-ce que les responsables de la veille des épidémies n'ont pas tendance à abuser du "principe de précaution" ?

J'ai envie de vous répondre "les deux". On a eu de la chance car, en 2009, on avait un virus qui était quand même peu toxique même s'il s'est répandu. C'est vrai que nous sommes aussi dans une société où la crainte de passer à côté de quelque chose ce qui entraîne une utilisation parfois abusive du principe de précaution.

Mais je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter de voir l'OMS se réunir au sujet du coronavirus : on est là face à une saine réaction d'autorités qui sont conscientes d'un problème, qui le surveillent, et qui prennent les mesures ad hoc. Ce n'est que l'expression de la vigilance, sans nécessairement d'arrière-pensées. Je ne crois pas qu'il y ait eu d'abus en 2009 avec le H1N1. C'est vrai ensuite que, une fois que l'on s'est aperçu que c'était bénin, il fallait détendre l’atmosphère, et diminuer les mesures de précaution. Il faut avoir une grande souplesse et être réactif dans les deux sens dans ce genre de situation.

Propos recueillis par Damien Durand

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