Tour de France de 1934 : et René Vietto se sacrifia en donnant sa roue à Antonin Magne<!-- --> | Atlantico.fr
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En 1934, à quelques changements près, les Tricolores se présentent groupés, autour du vainqueur de 1933, Georges Speicher, qui pourra compter sur Roger Lapébie, Raymond Louviot, Charles Pélissier, René Vietto, René Le Greves, Maurice Archambaud.
En 1934, à quelques changements près, les Tricolores se présentent groupés, autour du vainqueur de 1933, Georges Speicher, qui pourra compter sur Roger Lapébie, Raymond Louviot, Charles Pélissier, René Vietto, René Le Greves, Maurice Archambaud.
©Reuters

Bonnes feuilles

L'auteur Christian-Louis Eclimont balaye un siècle d'histoire du Tour de France, de 1903 à 2012. Saviez-vous qu'en 1934, l’Azuréen René Vietto se sacrifia au profit d’Antonin Magne en donnant lui donnant sa roue dans la descente du Puymorens ? Extrait de "Le Tour de France en 100 histoires extraordinaires" (2/2).

Christian-Louis   Eclimont

Christian-Louis Eclimont

Christian-Louis Eclimont a été rédacteur en chef de Cyclisme International et de Vélo News (France). Auteur de plusieurs livres sur cette discipline, Qui a tué le Maillot jaune ? (Le Rocher), Cyclisme Nostalgie (Hors collection), il signe avec cet ouvrage un somme éclairée sur une des grandes passions de sa vie.

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1934. Les dispositions réglementaires fluctuantes d’Henri Desgrange ont l’art d’aviver les piques de ses confrères, et spécifiquement celles de Victor Breyer, ex- collaborateur de L’Auto, passé a L’Écho des sports, qui fustige en 1930 la décision de H. D. de recourir aux équipes nationales et, surtout, par cette option, de conforter la position hégémonique de L’Auto sur le Tour. Mais Desgrange demeurait inflexible. Lorsqu’il consentait a bouger un point de son règlement sourcilleux, ça n’était que de son fait, attaché a sa vision quasi mystique de son épreuve, telle qu’elle transparaît dans cet extrait de l’un de ses articles publié dans L’Auto en 1933 : « Le Tour de France, c’est une croisade ; c’est un pèlerinage ; c’est un exemple ; c’est une leçon ; c’est un enseignement. C’est une occasion pour le pays de communier dans la religion superbe du Sport ; c’est l’occasion de parler une langue unique, comprise dans le monde entier, et de chanter l’hymne mondial du courage et de la volonté. »

Depuis 1930, année patriotique sur le Tour, la suprématie des nationaux s’appuie largement sur un esprit combiné sans faille, et dont l’édition précédente illustra spécialement cet état. En 1934, a quelques changements près, les tricolores se présentent groupés, autour du vainqueur de 1933, Georges Speicher, qui pourra compter sur Roger Lapébie, Raymond Louviot, Charles Pélissier, René Vietto, René Le Greves, Maurice Archambaud. Si André Leducq ne figure pas dans cette sélection, c’est a cause d’un différend salarial avec Edmond Gentil, le patron d’Alcyon, une marque qu’il quitte pour rejoindre la récente équipe Mercier. Desgrange en accointance avec Gentil en a profité pour sanctionner le truculent Dédé, qui, sur la réserve forcée, a été intégré en qualité de chroniqueur, a l’initiative de Gaston Bénac, au staff de Paris- Soir. Avec 60 coureurs seulement au départ répartis en quatre équipes nationales (France, Italie, Belgique, Allemagne) et une équipe Suisse- Espagne, et les touristes routiers, engagés dans deux équipes, l’édition de 1934 constitue un record, toutes années confondues, en regard de son nombre restreint de partants. S’adjugeant 19 étapes sur les 23 au programme, les Français survolent l’épreuve, se permettant même de remporter une étape ex æquo – Belfort- Évian, le 7 juillet – avec Speicher et Le Greves. Ils revêtent le maillot jaune de bout en bout, Speicher, le premier jour, Antonin Magne, le lendemain et jusqu’au Parc. L’italien Giuseppe Martano, 2e, et le belge Félicien Vervaecke, 4e, auront eu du mérite de s’immiscer dans cette rafle insolente et, a vrai dire, abusive. Mais le fait majeur de ce Tour reste le sacrifice de l’Azuréen René Vietto au profit d’Antonin Magne lors de la 15e étape entre Perpignan et Ax- les- Thermes, lorsque le premier se dévoue en donnant sa roue au second apres que ce dernier a cassé la sienne dans la descente du Puymorens. Éblouissant dans les Alpes, vainqueur a Grenoble, a Digne, sur la Côte d’Azur, vainqueur a Cannes, il voit dans cette 16e étape toutes ses chances s’envoler. D’autant que le lendemain, vers Luchon, bon apôtre encore, il vole au secours d’Antonin Magne en faisant demi- tour sur la route après le Portet d’Aspet pour lui céder son vélo. Comme une récompense méritée, Vietto remporte une 4e étape a Pau. Pour cette vaillance constante sur les sommets, il décroche le prix du meilleur grimpeur. Magne, sauvé de la déroute, pousse un soupir de soulagement a Paris. A 30 ans, il réalise son doublé sur le Tour.

Pour son sens du dévouement et de sa loyauté, photographié assis, en pleurs, sur un rebord caillouteux dans la descente du Puymorens, Vietto avait ému les foules. Ombrageux, retors, orgueilleux, libre dans son expression, « le Roi René » se rendit célèbre pour ses formules a l’emporte - pièce délivrées sur le vif face a la presse. Ainsi, quittant la course avant son terme, il se plaisait a déclarer : « Vietto n’abandonne pas, il se retire. » Ou bien encore, en substance : « Je me réjouissais toujours de subir une opération. A chaque ablation, je me disais que ce serait ça de moins a emmener au sommet ! »

Homme du Tour par excellence, a même de l’emporter a plusieurs reprises, il sera rattrapé par un coup du sort ou par l’Histoire, ayant eu à pâtir, comme ceux de sa génération, de l’interruption de l’épreuve pour fait de guerre entre 1940 et 1947. Sur le Tour de la reprise, ayant gardé intacts son talent et son caractère, il termina 5e, apres avoir glané deux étapes et endossé le maillot jaune pendant quinze jours – ce merveilleux et foutu maillot qui tenait mal a ses épaules de conquérant des cimes.

Extrait de "Le Tour de France en 100 histoires extraordinaires", Christian-Louis Eclimont, (First édition), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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