Bon sens ? 60% des Français sont opposés à un engagement militaire du pays en Syrie<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres de l'Armée syrienne libre, qui combat le régime de Bachar al-Assad.
Des membres de l'Armée syrienne libre, qui combat le régime de Bachar al-Assad.
©Reuters

Sondage Ifop/Atlantico

Alors que le Congrès américain vient de retarder la livraison d'armes aux rebelles syriens, un sondage Ifop/Atlantico révèle que 60% des Français désapprouvent un engagement militaire du pays en Syrie. Le caractère inextricable du terrain et la priorité à accorder aux dossiers de politique intérieure expliquent ce résultat.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : En mai, 59% des Français étaient favorables à une intervention internationale sous l'égide de l'ONU en Syrie. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 54% alors que la France et les Etats-Unis ont confirmé l'utilisation d'armes chimiques contre les populations civiles par le régime d'al-Assad, reconnaissant qu'une "ligne rouge" avait été franchie. Qu'est-ce qui pourrait expliquer cette diminution alors que la situation en Syrie ne cesse de s'aggraver, risquant de plus en plus de faire imploser toute la région?

Jérôme Fourquet : Le résultat est effectivement assez paradoxal puisque le pourcentage de Français favorables à une intervention internationale en Syrie a diminué alors que la situation militaire et humanitaire s’aggrave sur le terrain, comme en témoignent l’utilisation avérée d’armes chimiques ou bien l’intensification des combats depuis l’entrée en scène des groupes islamistes et djihadistes. Face à cette situation, on aurait pu assister, en toute logique, à un soutien massif à l’intervention. Malgré cette diminution, 54% des Français demeurent tout de même favorables à cette intervention. L’une des raisons pouvant expliquer ce résultat réside, vraisemblablement, dans le fait que la Syrie soit devenue une véritable poudrière où le niveau de violence entre les deux camps est tel que l’opportunité de réussite d’une intervention internationale laisse à désirer.

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Alors que plus de la moitié des Français sont favorables à une intervention onusienne en Syrie, seuls 40% sont favorables à un engagement militaire de la France. Une intervention militaire internationale sans le concours de la France est-elle envisageable ? Avec quelle(s) conséquence(s) pour l'image du pays sur la scène internationale?

Jérôme Fourquet : On constate effectivement un décalage significatif entre le soutien apporté par les Français à une intervention internationale et celui relatif à un engagement militaire français en Syrie. Deux niveaux d’interprétation peuvent être invoqués ici afin d’expliquer ces chiffres : le premier, assez naturel, consiste à dire qu’il est préférable que d’autres pays s’impliquent dans ce type d’intervention ; le second renvoie à la pensée selon laquelle la France a déjà très largement participé à ce type d’opérations, souvent en première ligne, comme ce fut le cas il a deux ans en Libye et au début de cette année au Mali. Je pense que nous constaterions également cette différence si nous réalisions ce même sondage dans d’autres pays. La différence est tout de même légèrement plus accentuée en France car humainement et financièrement, notre pays a déjà fourni un certain nombre d’efforts dans ce type d’interventions qui, de plus, ont lieu dans des théâtres d’opération particulièrement difficiles comme le Mali, la Libye ou l’Afghanistan. Par ailleurs, chacune de ces missions, au regard de la situation actuelle sur place, pose véritablement la question de leur efficacité.

Lorsque 60% des Français se prononcent contre un engagement militaire de la France en Syrie, n'est-ce pas là un signal adressé au gouvernement afin que celui-ci privilégie la résolution des dossiers de politique intérieure ?

Jérôme Fourquet : Ceci constitue effectivement un des éléments d’interprétation qui convenait déjà lors du sondage de février 2012 pour lequel 62% des Français étaient opposés à un engagement militaire de la France. Pour l’opinion publique, déjà à l’époque, la France a suffisamment payé le prix du sang alors que la situation de notre économie, ajoutée aux tensions sociales,  méritent d’être résolues en priorité pour un certain nombre d’entre-eux.

Le clivage droite-gauche dans ce sondage est significatif : 56% des partisans de gauche sont favorables à un engagement militaire de la France alors qu'ils ne sont que 35% à droite. Ces derniers ont-ils été marqués par l'échec libyen ? La situation actuelle au Mali, qui est loin d’être apaisée, ne risque-t-elle pas non plus, à l'avenir, d'avoir une influence négative auprès des électeurs de gauche ?

Jérôme Fourquet : Les résultats de cette enquête sont conformes aux résultats d’autres sondages du même type pour lesquels la réponse est souvent conditionnée par des logiques de politique intérieure. Les électeurs du parti au pouvoir sont généralement favorables à une intervention armée de leur pays lorsque celle-ci est décidée par le président de la République. A cet égard, il est intéressant d’établir un parallèle entre ces résultats que vous évoquiez et la situation au moment de l’intervention en Libye, lancée par Nicolas Sarkozy : les électeurs de droite de l’UMP soutenaient davantage l’intervention que les partisans de gauche. A l’inverse, l’opposition a généralement tendance à privilégier les questions de politique intérieure, une tendance qui est ensuite suivie par une partie de ses électeurs. Il convient toutefois de préciser que lorsque nous regardons le détail des sous-catégories des personnes se réclamant politiquement de droite que nous avons interrogées, les résultats à cette question entre partisans de l’UDI et de l’UMP sont très proches  (respectivement 47% et 45%), tandis que les électeurs du FN n’y sont favorables qu’à 22%. Il y donc un vrai fossé au sein même des droites, avec un FN vent-debout contre un engagement militaire de la France en Syrie. Là encore, ce qui motive le FN et ses électeurs, c’est la priorité à accorder à la résolution des dossiers de politique intérieure. Pour ce qui est du Mali, nous avions vu, dans les précédents sondages réalisés pour Atlantico, qu’une large majorité de Français étaient favorables à une intervention militaire française. Le succès rapide de l’opération Serval n’a pas engendré de dégradation massive de ce soutien, et ce pendant toute la durée de l’intervention. Dès lors que la situation au Mali commencera à présenter un certain risque d’enlisement durable, il se pourrait que le vent se mette à tourner au sein de la population française, qui pourrait alors faire connaître sa volonté de voir les soldats français rapatriés par le biais des sondages, avec une possible dégradation du taux d’adhésion à l’engagement militaire français au Mali. 

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