Musée Louis de Funès: ce que le snobisme des intellos du cinéma français les empêche de voir<!-- --> | Atlantico.fr
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Un musée entièrement dédié à Louis de Funès vient d'ouvrir ses portes dans le petit bourg du Cellier, près de Nantes.
Un musée entièrement dédié à Louis de Funès vient d'ouvrir ses portes dans le petit bourg du Cellier, près de Nantes.
©DR

Patrimoine

Un musée entièrement dédié à Louis de Funès vient d'ouvrir ses portes dans le petit bourg du Cellier, près de Nantes, où l'acteur a résidé une grande partie de sa vie. Trente ans après sa disparition, le lieu réunit de nombreux documents inédits, parmi lesquels des interviews et des photos de tournage.

Marc Lemonier

Marc Lemonier

Marc Lemonier est journaliste et écrivain. II a publié plusieurs ouvrages sur le cinéma dont un consacré à l'acteur, Louis de Funès  aux éditions Hors Collection.

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Atlantico : Un musée consacré à Louis de Funès vient d'ouvrir dans le bourg où l'acteur a résidé plus de vingt ans, à Cellier près de Nantes. Comment expliquer la différence d'appréciation entre le public et les élites, entre sa popularité et le mépris dont-il a pu faire l'objet tout au long de sa carrière ? Pourquoi ce décalage ?

Marc Lemonier : Il est excessif de dire que les "élites" ont toutes et toujours méprisé de Funès. J’ai lu attentivement la presse de l‘époque des sorties de ses films, et mis à part pour quelques navets de la fin de sa carrière, il y a toujours eu des appréciations positives sur son talent d’acteur et son imagination, y compris dans les Cahiers du Cinéma jusqu’en 1960. Par ailleurs, la plupart des revues de cinéma exaltaient le cinéma populaire et donc de Funès. Ce n’est pas vraiment lui qu’on méprisait, au talent de clown reconnu, mais ses choix de scénarios et de metteurs en-scène. Il a tourné avec Guitry, Yves Robert ou Robert Dhéry, des génies, mais malheureusement aussi avec des créateurs moins bien inspirés…

Comment expliquer qu'il n'a pas été réhabilité depuis – comme certains acteurs passés à la postérité mais décriés en leur temps –, et qu'il reste boudé par une certaine catégorie du cinéma français actuel ? Est-ce uniquement dû à sa filmographie, qui regroupe essentiellement des comédies "grand public", ou bien y-a-t-il une autre raison moins évidente ?

Mais il n’a pas besoin d’être réhabilité… Chaque diffusion de ses films à la télé fait un carton, les acteurs comiques de la jeune génération l’admirent, et même Télérama lui a consacré un hors-série à l’occasion de l’anniversaire de sa mort… Encore une fois, il ne faut pas confondre la critique des films de la dernière partie de sa carrière et le regard porté sur l’acteur et sur l’ensemble de son œuvre. Si l’équipe des Bronzés lui avait dédié Papy fait de la résistance c’était pour célébrer son talent comique personnel et non pour rendre hommage aux deux derniers Gendarmes. D’autres que lui, aussi talentueux, Fernandel, Raimu, Michel Simon sont bien plus oubliés.

L'ouverture de ce musée, trente ans après la mort du célèbre comédien français, montre de façon évidente qu'il séduit toujours le public. Quelles sont les raisons de cette popularité et cet engouement toujours intactes ? Quelle est la part de responsabilité de sa personnalité (authenticité, avait horreur des mondanités..) dans cette aura ?

De Funès était secret et discret en effet. Mais ce que les gens appréciaient et apprécient toujours c’est qu’il savait faire rire. Simplement rire. Et rire non pas en critiquant autrui, mais à ses dépends, aux dépends des personnages qu’il incarnait. Il jouait des pères et des patrons tyranniques dépassés par les événements, des personnages souvent odieux qu’il nous donnait en pâture pour qu’on s’en moque. Et le public lui était reconnaissant de pouvoir, grâce à lui, rire des gendarmes, des patrons autoritaires, des petits chefs injustes.

Peut-on considérer qu'il a aujourd'hui, dans le paysage cinématographique français, un "héritier" ?

De Funès n’était pas uniquement un acteur, c’était aussi – à l’écran – un personnage, imposant un univers complet. Comme Charlot, comme Tati, comme Groucho Marx. Chaque film qu’il interprétait remettait en scène ce personnage : colérique, injuste, dur avec les faibles, servile avec les puissants, dépassé par les événements et grimacier. Un héritier serait donc quelqu’un qui apporterait dans ses films un univers complet, une personnalité immédiatement identifiable. Si Jamel Debouze ne faisait au cinéma que ce qu’il joue sur scène, si Benoît Poelvoorde ne tournait que des films comiques, si Coluche n’avait pas fait de moto, si Pierre Richard avait quarante ans de moins, il y aurait sans doute un "autre de Funès", mais avec un univers complètement opposé à celui de Fufu qui restera à jamais l’incarnation des années De Gaulle – Pompidou, une des autres raisons pour lesquelles on l’aime.

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