Le pavé Batho dans la mare socialiste sera-t-il l’étincelle qui déclenchera l’inévitable rébellion de la majorité contre François Hollande ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La ministre de l'Ecologie Delphine Batho a été évincée mardi du gouvernement pour son manque de solidarité à propos du budget.
La ministre de l'Ecologie Delphine Batho a été évincée mardi du gouvernement pour son manque de solidarité à propos du budget.
©Flickr

Dissidences

La ministre de l'Ecologie Delphine Batho, évincée mardi du gouvernement pour son manque de solidarité à propos du budget, a donné hier jeudi une conférence de presse à l’Assemblée nationale, pour "tout dire sur les circonstances de ce limogeage et ses conséquences".

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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En tenant une conférence de presse au lendemain de son limogeage pour donner sa propre version des faits, Delphine Batho a fait subir un véritable affront à François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Ses ex-collègues, tout comme les élus PS, en sont restés cois. Certes, il y a eu autrefois la démission fracassante de Jacques Chirac qui, "ne disposant plus des moyens nécessaires pour assumer efficacement sa fonction de Premier ministre", a claqué la porte au nez de Giscard en 1976. On se souvient aussi de Jean-Pierre Chevènement parti trois fois, mais revenu à deux reprises. Mais jusqu’ici, les ministres évincés préféraient raconter leurs malheurs en coulisses ou dans un livre publié une fois le choc amorti. Alors, entendre un ministre viré annoncer qu’il (elle, en l’occurrence) entre en résistance "intérieure" et se rebeller ouvertement contre cette "rigueur qui ne dit pas son nom" et qui "prépare la marche au pouvoir de l'extrême droite", on n’avait jamais vu ça. Sabre au clair, Delphine Batho prenant date pour l’avenir. L’ex-ministre de l’Environnement a lancé un appel à peine déguisé à la révolte, voire un appel à ne pas voter le budget 2014 (acte fondateur d’une majorité, faut-il le rappeler ) sauf, bien entendu,  si … ses protestations étaient prises en compte et les coupes du budget de l’Environnement revues à la baisse. Elle a jeté un sacré pavé dans la mare, obligeant Matignon à justifier son limogeage. Là aussi, du jamais vu !

Alors, Delphine Batho va-t-elle soudain réveiller les consciences de ceux qui, partant la fleur au fusil après leur élection il y a un an, n’en peuvent plus du "sérieux budgétaire" qui les oblige à renier leurs promesses ? Libérée du contraignant corset de la solidarité gouvernementale; va-t-elle devenir la pasionaria de la rébellion socialiste qui couve? Pas dans l’immédiat. Sa réaction a été trop brutale pour qu’elle emporte l’adhésion instantanée des parlementaires qui l’ont écoutée, médusés, se demandant où elle voulait en venir. Tous les élus n’ont pas la même approche de l’écologie ; le sujet tend même à diviser le PS autant que l’Europe.

Plus généralement, le PS, à travers ses élus, fait la grimace. Le sérieux budgétaire, surtout s’il est dicté par Bruxelles et s’il est davantage synonyme de hausses d’impôts que d’économies, ce n’est pas sa prédilection. Mais l’heure est à l’attentisme (la discussion budgétaire a lieu à l’automne) et au silence. Les caciques, qui, à l’instar du président groupe socialiste du Sénat, François Rebsamen, dénoncent des propos "qui ne sont pas acceptables"… "préférant les mettre sur le compte de la fatigue, du surmenage et de la déception, plutôt que de penser que Delphine Batho, guidée par une volonté de règlement de compte, veuille aujourd’hui poursuivre un combat personnel déplacé en jouant contre son camp", ne sont pas nombreux... Ils font le dos rond. Delphine Batho a annoncé son retour à l’Assemblée. Sur les bancs du PS ? Elle pourra alors compter ses soutiens, mais sera aussi tenue à la discipline de groupe. Pour l’heure, elle a d’autant moins de chances d’obtenir un infléchissement de la ligne gouvernementale que le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, est en train de devenir un des homme forts du gouvernement. De surcroît, il est un farouche défenseur de l’énergie nucléaire. Si un geste doit être fait, avec une augmentation des moyens de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de Energie) par exemple, ce sera pour gagner les faveurs des Verts, qui menacent de sortir de la majorité.

En France, on ne déclenche pas une révolution à la veille des vacances, faisait observer un député d’Ile-de-France, épuisé par cette interminable session. Car les députés de province font souvent l’école buissonnière, préférant "rester sur le terrain", ce qui est un signe d’inquiétude. L’heure de vérité pour le gouvernement sonnera au moment des municipales de mars prochain. Si le PS essuie un échec, alors tous ceux qui font preuve de prudence aujourd’hui vont se réveiller et se retourner contre leurs dirigeants. Delphine Batho ne sera peut-être pas l’étincelle, mais elle nourrit cette mèche lente qui se consume. Avant de s’embraser ou de s’éteindre.

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