Et l’air de rien, Mario Draghi initia une véritable révolution à la BCE en annonçant des taux d’intérêt bas pour "une période de temps très prolongée"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la BCE, Mario Draghi, s'est engagé à maintenir ses taux d'intérêt de référence à des niveaux très bas pour une durée longue.
Le président de la BCE, Mario Draghi, s'est engagé à maintenir ses taux d'intérêt de référence à des niveaux très bas pour une durée longue.
©Reuters

Nouvelle donne

Le président de la BCE, Mario Draghi, s'est engagé à maintenir ses taux d'intérêt de référence à des niveaux très bas pour une durée longue, voire très longue. Plus qu'une rupture avec le passé, c'est une politique monétaire presque révolutionnaire qu'il met silencieusement en place.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Changement majeur à la Banque Centrale Européenne puisque celle-ci s'est engagée pour une durée longue voire très longue à maintenir très bas voire à réduire encore ses taux d'intérêt de référence. C'est un changement complet puisque jusqu'à présent et dans une jurisprudence qui avait été modelée par Jean-Claude Trichet, la BCE rechignait à s'engager au-delà de la date de la réunion suivante.

Cette rupture va modifier en profondeur les anticipations de l'ensemble des acteurs de l'économie en réduisant le risque du côté monétaire. Cela peut paraître évident mais rappelons qu'en avril puis en juillet 2011, sans raison majeure, la BCE avait remonté ses taux d'intérêt alors que les chefs d'entreprise commençaient à nouveau à s'interroger sur la vigueur de leur activité. Si l'épée de Damoclès d'une remontée des taux d'intérêt est suspendue au-dessus de la tête des acteurs de l'économie, il est peu probable qu'ils acceptent de prendre des risques.

Le changement de perspectives énoncé par Draghi permet de réduire l'incertitude et d'allonger l'horizon économique de tous. En d'autres termes, la BCE considère qu'elle doit prendre à sa charge une bonne partie des risques existant pour que la croissance retrouve une allure plus favorable. Si les taux d'intérêt peuvent baisser, comme indiqué dans le communiqué de presse, cela veut dire que le taux de refinancement passerait à 0.25% et que le taux des facilités de dépôts deviendrait négatif. Mario Draghi n'a pas semblé affecté par une telle mesure. Il a simplement indiqué que tout était prêt à la BCE pour une telle situation.

Il n'a pas précisé non plus la durée de cet engagement nouveau de la Banque Centrale Européenne. Les opérations d'apport de liquidités sans contrainte étant fixées jusqu'en juillet 2014 cela signifie que les taux resteront bas ou encore plus bas jusqu'à cette date au moins. Cela ira probablement au-delà avec éventuellement la possibilité de maintenir des taux bas au-delà de ce que pourrait faire la Federal Reserve américaine. Cette anticipation nouvelle et différenciée, cette fois ci en faveur des autorités monétaires européennes, pourrait se traduire par un euro un peu moins cher favorisant ainsi une amélioration de la compétitivité prix des produits européens.

Il y a trois raisons plus une pour expliquer ce changement de ton de la BCE.

La première est une inquiétude toujours perceptible sur l'activité économique de la zone Euro. La BCE considère toujours que le risque majeur est à la baisse de l'activité du fait d'une demande interne pas très robuste. Il est amusant de ce point de vue d'appeler les gouvernements à faire des efforts de rééquilibrage budgétaire puis de se plaindre d'une fragilité de la demande interne

La deuxième raison est un taux d'inflation plus réduit que l'objectif de 2% que s'est fixée la BCE. Draghi n'a pas été convaincant lorsqu'il a indiqué que l'inflation allait converger vers cette cible de 2%. On a pu percevoir implicitement le risque d'une situation de déflation.

La troisième raison est que les indicateurs monétaires que surveille attentivement la BCE ne progressent que très lentement.En d'autres termes, la BCE s'interroge sur ce qui pourrait engendrer des tensions sur l'économie de la zone Euro et spontanément n'en trouve pas.

La raison supplémentaire est celle qui a fait basculer la BCE vers cet engagement de long terme.

Les annonces faites par la Fed le 19 juin dernier ont provoqué une grande volatilité sur les marchés financiers et notamment une remontée significative des taux d'intérêt de long terme. Le maintien d'une telle situation pourrait être pénalisant pour l'économie de la zone Euro. L'engagement de Draghi sur des taux d'intérêt très bas pendant très longtemps est d'infléchir les anticipations des opérateurs et des investisseurs dans la durée afin de maintenir le plus bas possible la structure des taux d'intérêt. C'est cet enjeu qui a été le déclencheur du changement. Les conditions étaient là, les turbulences financières ont fait basculer la stratégie de la BCE.

La BCE en s'engageant à maintenir des taux d'intérêt très bas pendant très longtemps prend des mesures qui avaient été adoptées ailleurs depuis très longtemps, notamment aux États-Unis. Ce n'est pas le seul élément mais c'est certainement une source majeure d'amélioration de la conjoncture américaine. Chacun a pu disposer d'un horizon financier plus long, de perspectives plus stables et moins incertaines. C'est le rôle des banques centrales que d'aller au-delà du conjoncturel afin de permettre à tous les autres acteurs de l'économie de prendre des risques. La BCE vient de le comprendre, il n'est jamais trop tard.

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