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Rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy : comment le Conseil constitutionnel a motivé sa décision et quelles en seront les conséquences
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Et maintenant ?

La décision du juge constitutionnel pourrait bien plonger l'UMP dans une nouvelle crise, financière cette fois.

Philippe Blacher

Philippe Blacher

Philippe Blacher est professeur de droit constitutionnel à l'université Jean Moulin Lyon 3 et il dirige le centre de Droit constitutionnel. Il est également l'auteur du livre Droit Constitutionnel aux édition Broché.

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Atlantico : Le Conseil constitutionnel a confirmé ce jeudi le rejet des comptes de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas Sarkozy, une décision qui prive l’ex-candidat UMP du remboursement par l’Etat de quelques dix millions d’euros de frais de campagne. Comment le Conseil constitutionnel motive-t-il cette décision ?

Philippe Blachèr : Tout d'abord, cette décision du juge constitutionnel confirme que la démocratie se réalise, au moment de l'élection présidentielle, autant par l'élection que dans l'élection ! Les conditions financières de la campagne électorale sont ainsi devenues le critère principal pour garantir que l'acte électoral soit doté de caractéristiques démocratiques. Il faut également souligner que le Conseil constitutionnel se prononce, en l'espèce, suite à la décision du 19 décembre 2012 de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCC) qui rejette le compte de Nicolas Sarkozy pour dépassement des dépenses électorales autorisées.

La motivation du juge constitutionnel tient, dans cette décision du 4 juillet 2012, sur le principe suivant : « la date à laquelle le candidat a déclaré sa candidature n'est pas de nature à priver de leur éventuel caractère électoral les dépenses intervenues antérieurement à cette déclaration. ». Tout repose donc sur la confusion, qu'aurait entretenue l'ancien président de la République, entre la fonction de chef de l’État et le statut de candidat. Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel examine dans le détails les dépenses relatives aux manifestations publiques auxquelles ont participé le Président Sarkozy et ses proches conseillers, en réintégrant certaines dépenses « présidentielles » dans le compte de campagne. Dès lors, au vu des réformations opérées par la décision, le compte de campagne de M. Sarkozy s'établit en dépenses, à 22 975 118 euros et, en recettes, à 23 094 932 euros.

Cette décision vous paraît-elle justifiée ?

Cette décision, qui confirme le rejet du compte de M. Sarkozy, repose sur une double ambiguïté (qui, à notre sens, justifie une grande réforme du cadre juridique du financement des campagnes). En premier lieu, la conclusion du rejet du compte de campagne tient au caractère flou du périmètre des dépenses de campagne prises en compte. Si la notion de dépense « engagée » ou « exposée » (selon les termes du code électoral) se présente comme « celle effectuée en vue de l'obtention des suffrages » (Conseil d'Etat, 27 juin 2005, arrêt Gourlot), la loi organique ne dresse pas de typologie précise des dépenses de campagne. Il appartient, dès lors, à la seule appréciation des instances de contrôle (la CNCC et le Conseil constitutionnel) d'opérer une clarification entre les dépenses du président en exercice et les dépenses du candidat ! A titre d'exemple, il est reproché au candidat Sarkozy ne pas avoir intégré dans ses comptes de campagne le meeting de Toulon du 1er décembre 2011. Mais, selon la jurisprudence, les dépenses engagées dans le cadre de manifestations internes au parti aux fins de désigner son candidat (les primaires) ne présentent pas le caractère de dépenses engagées en vue de recueillir le suffrage des électeurs. Elles visent uniquement à obtenir les suffrages des militants, des adhérents et des personnes intéressées par le processus de vote et n'ont donc pas à figurer au compte de campagne du candidat investi par le parti . On voit, avec cette exemple, que le meeting UMP de Toulon pourrait parfaitement rentrer dans le cadre d'une réunion de l'UMP visant à donner au président de la République l'investiture du Parti. Tout est affaire d'interprétation....

En second lieu, il est incontestable que le président de la République n'est pas un candidat comme les autres (il n'a pas, par exemple, le droit de se présenter à un troisième mandat). Pourtant, le président de la République est soumis aux mêmes contraintes que les autres candidats pendant (ce qui est normal) et avant la campagne officielle (ce qui est plus discutable). Dès lors, en se présentant à sa réélection, le Président de la République doit-il s'astreindre, un an avant la fin de son mandat, d'exercer ses fonctions modestement ? Là encore, le Conseil constitutionnel rappelle que le chef de l’État peut participer à des manifestations publiques en lien avec le devoir de sa charge. Mais ces réunions publiques ne doivent pas présenter un caractère manifestement électoral. Toute est donc, là encore, affaire d'interprétation... 

Quelles sont les conséquences de cette décision ? Qui va payer Nicolas Sarkozy ou l'UMP ? 

Dès lors que le compte de campagne de M. Sarkozy est rejeté, celui-ci doit restituer l'avance forfaitaire de 153 000 euros que l’État donne aux candidats présents au 1er tour de l’élection présidentielle. Il doit également verser au Trésor public une somme de 363 615 euros, ce montant étant une sanction fixée par la CNCC au titre de dépassement du plafond par sa décision du 19 décembre 2012.

Mais surtout, l'UMP, qui a subventionné à hauteur de 47,5 % la campagne pour l'élection présidentielle de Nicolas Sarkozy (soit environ 11 millions d'euros) ne sera pas remboursée des frais de campagne engagés. La loi organique du 23 février 2012 prévoit pourtant que pour les candidats du second tour, l’État s'engage à rembourser à hauteur de 10 millions 600 000 Euros de frais de campagne. Bien entendu, l'annulation du compte de campagne décidée par le Conseil constitutionnel prive l'UMP de cette rentrée financière attendue.

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