Pourquoi l’Europe risque de perdre sa position de leader sur le marché du carbone<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Parlement européen a approuvé le gel de quotas de CO2 proposé par la Commission de Bruxelles pour soutenir le marché européen du carbone (European trading system – ETS).
Le Parlement européen a approuvé le gel de quotas de CO2 proposé par la Commission de Bruxelles pour soutenir le marché européen du carbone (European trading system – ETS).
©Reuters

Échec et mat

Le parlement européen a décidé de geler une partie des quotas de CO2 qui devaient être vendus à partir de 2014, pour compenser la chute des cours du carbone successive à la crise économique.

Stéphane  Meunier

Stéphane Meunier

Stéphane Meunier est consultant au sein du cabinet de conseil Sia Partners en charge de l'énergie.

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Mercredi 3 juillet, le Parlement européen a approuvé le gel de quotas de CO2 proposé par la Commission de Bruxelles pour soutenir le marché européen du carbone (European trading system – ETS), dont les cours se sont effondrés avec des niveaux de prix de 3 euros la tonne alors que les spécialistes estiment qu’il faudrait le multiplier par 10 pour que le marché soit vraiment incitatif.

Le marché du carbone a été mis en place en 2005 pour permettre aux entreprises fortement émettrice d'acheter ou de vendre des quotas, dont le volume total est défini par l'autorité européenne et ensuite décliné par secteur d’activité au sein de chaque pays membres.

L'Union européenne a toujours été l'un des principaux partisans d'une action ambitieuse pour lutter contre le climat. Cependant, elle risque bien de perdre son leadership environnemental non pas faute de réglementation, mais du fait des dysfonctionnements du marché ETS (p.ex. fraude à la TVA), de l’effondrement des prix du à une abondance de quotas disponibles couplée à une production industrielle en récession, et enfin d’un désintérêt des pays membres de l’UE plus préoccupés par le marasme économique que par le changement climatique.

La mesure votée mercredi dernier, consistant à geler 900 millions de tonnes de quotas qui devaient être mis en vente au cours des trois prochaines années, marque un regain d’intérêt sans doute insuffisant pour porter le prix à 30  €, mais surtout qui ne réforme pas en profondeur un marché qui a montré ses limites.

Peut-on se réconforter en se réjouissant pour les industriels européens qui auront donc un impact économique limité ? Surement pas à moyen terme.

La réalité du changement climatique fait de moins en moins débat, et nombre d’évènements récents (cyclones, tsunamis, inondations…) nous font entrevoir l’ampleur des effets, des coûts et des perturbations que cela aura sur l’économie. Or, l’économie a besoin de stabilité.

Alors qu’intuitivement on pourrait penser que la contrainte environnementale représente un coût additionnel, elle est surtout un vecteur d’investissement, d’innovation et de réduction de la dépendance aux énergies fossiles qui plombent la facture énergétique et les balances commerciales. Par ailleurs, afin de limiter l’impact sur les coûts et les potentielles délocalisations ("fuites carbone") les quotas ont fait l’objet d’une allocation adaptée pour les secteurs d’activité les plus sensibles.

Contrairement à ce l’on pourrait penser, l’Europe n’est pas la seule à avoir développé un marché carbone. Les États-Unis ont un marché très dynamique et la Chine  vient de lancer 7 pilotes inspirés du système européens dans les villes de Shanghaï, Pékin, Tianjin, Shenzen et Chongqing ainsi que les provinces de Guangdong et Hubei. La Chine et la Californie sont d’ailleurs en discussion pour lier leurs marchés, et pourraient bien prendre le leadership si l’UE ne bouge pas plus vite.

L’UE ferait d’ailleurs bien de s’inspirer du marché californien, car les Américains ont déjà profité de notre retour d’expérience du marché ETS. Dans les principes qui méritent être regardés de près : la distribution de quotas par enchères trimestrielles pour améliorer l’efficience du marché, et l’encadrement du prix des quotas pour limiter de fortes fluctuations conjoncturelles.

L’encadrement des prix s’effectue via un prix minimal, dit prix de réserve, fixé pour les enchères à 10 USD par quota, et via un prix plafond, régulé par une réserve de contrôle des coûts. Cette réserve est alimentée par le prélèvement sur l’allocation totale de 5% des quotas ; ceux-ci sont vendus chaque trimestre à un prix fixé. Le premier tiers de quotas est vendu à 40 USD, le tiers suivant à 45 USD, et le dernier tiers à 50 USD. Les prix sont augmentés de 5% plus l’inflation chaque année.

L’Europe avait pris l’initiative, mais elle risque bien d’en perdre l’avantage et de laisser d’autres régions du monde prendre le leadership si elle se contente de mesure palliative de court terme alors qu’une réforme structurelle est nécessaire.

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