Des "jeunes" de plus en plus jeunes... Et si on cessait de jongler avec les mots ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Jeune, pendant longtemps, a voulu dire "qui n’est pas vieux".
Jeune, pendant longtemps, a voulu dire "qui n’est pas vieux".
©Reuters

Baby gang

Une agression a été commise par des gamins de 10 ans. Des enfants ? Non, des "jeunes"…

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Cela s’est passé il y a quelques jours à Fresnes, une ville connue surtout, et jusqu’à maintenant, pour sa prison. Le maire de la localité, un inconscient totalement irresponsable, a pris des mesures pour tenter d’entraver le trafic de drogue qui sévit dans certaines cités. Que n’a-t-il pas fait là ? Sa voiture a été incendiée. Et cerise sur ce gâteau explosif, sa femme a été agressée.

Des enfants "âgés d’une dizaine d’années", selon elle, ont tenté de la frapper à coups de bâton. Elle était dans sa voiture et a réussi à se protéger en remontant les vitres. C’est juste le pare-brise qui a volé en éclats. Les quelques journaux qui ont bien voulu rendre compte de ce fait divers qualifient - c’est une habitude - les agresseurs de "jeunes". Et c’est ainsi qu’à 10 ans, on accède au statut de jeune !

Ce mot, en français, est supposé avoir un sens. En tous cas, il en a eu un. Jeune, pendant longtemps, a voulu dire "qui n’est pas vieux". Il y a de "jeunes enfants" : ça désigne les enfants en âge périscolaire. Existent aussi les "jeunes adultes", expression qui concerne les plus de 18 ans. Sans oublier non plus les jeunes gens et les jeunes filles, vocables, parfaitement neutres, que tout le monde comprend.

Mais l’expression "jeunes" échappe à toutes ces riches subtilités.Là où les mots "voyous", "récidivistes", "voleurs" ou "délinquants" devraient suffire, elle les recouvre comme un gigantesque cache sexe. Le mot "jeunes" est toujours localisé et réservé à certains lieux d’appellation strictement contrôlée. Ainsi pour une rave party, avec débordements d’alcool ou de shit, il n’en sera pas fait usage. Alors qu’il servira pour les quatre enfants de Fresnes…

A priori, il a été conçu avec bienveillance pour ne pas stigmatiser, pour ne pas dire, pour ne pas nommer. Mais son utilisation parfaitement rodée et totalement imbécile ne trompe personne. Nul n’ignore qu’il désigne des délinquants ou pointe une origine ethnique et, souvent, les deux à la fois. Et c’est ainsi que les petits voyous de Fresnes se voient clairement identifiés.

On a beau essayer de ne pas nommer les choses, ces dernières finissent toujours par se nommer elles-mêmes. Un autre fait divers s’est déroulé au même moment dans l’Essonne. Dix "jeunes" de 13 à 16 ans ont été arrêtés pour un viol collectif sur une jeune fille de 17 ans. Dix "jeunes". Mais de cela on ne parlera pas car, comparés aux gamins de Fresnes, ce sont de vieux, très vieux enfants…

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