1ère hausse du moral des entrepreneurs japonais depuis 2 ans : une bataille gagnée pour les Abenomics mais combien de temps avant de (peut-être) gagner la guerre ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Japon et la France partagent ces deux problèmes de taille que sont la déflation et le vieillissement de la population.
Le Japon et la France partagent ces deux problèmes de taille que sont la déflation et le vieillissement de la population.
©Reuters

Patience passe science

Alors que plusieurs économistes dénoncent la politique "suicidaire" de Shinzo Abe, Bloomberg annonçait hier que les patrons de l'industrie manufacturière nippone étaient majoritairement optimistes pour l'avenir de leurs entreprises, une première depuis septembre 2011.

Philippe  Li

Philippe Li

Philippe Li anime le pôle Asie de Jones Day (Paris) qui assiste les entreprises françaises et étrangères sur les marchés de l'Asie-Pacifique. 

Il est notamment le co-auteur de "S'implanter en Corée du Sud" (2008) aux éditions Ubifrance.

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Atlantico : Les mesures adoptées par le Premier ministre japonais - connues désormais sous le nom "d'Abenomics" - semblent afficher des résultats de plus en plus contradictoires. N'est-il pas finalement trop tôt pour estimer sérieusement les effets de cette politique ?

Philippe Li : Il est effectivement trop tôt, à mon avis, pour émettre des jugements définitifs sur la politique du Premier ministre japonais.

  • D'une part, il faudra probablement attendre une année, voire même deux, pour mesurer les véritables effets de ces décisions. On pourra cependant en mesurer assez vite la réussite "politique" avec les élections sénatoriales de juillet qui pourraient instaurer, en cas de victoire du PLD (parti au pouvoir, NDLR), une pérennité logiquement bénéfique pour la santé économique d'un pays qui n'a pas vraiment eu de gouvernance stable ces dernières années. Cette éventuelle validation permettrait de rassurer les esprits (opinion publique, investisseurs...) et d'assurer un suivi qui est indispensable à la réussite d'un projet aussi ambitieux


  • D'autre part, après 20 ans de dégradation économique, il n'est pas étonnant de voir que les réformes de Shinzo Abe n'ont pas pu purger toutes les failles du système et relancer la croissance en seulement 6 mois. Le contexte économique mondial étant ce qu'il est, le Japon ne peut de plus pas vraiment décoller, quand bien même la politique menée serait la bonne. Il nous faudra du temps pour se rendre compte des répercussions profondes des Abenomics.

Au-delà du taux de croissance, qui peut parfois tromper, quel indicateur pourrait être le plus révélateur sur les prochains mois ?

L'évolution du Yen reste un facteur important, et pas seulement par rapport au taux de change. La réussite économique repose comme chacun sait sur l'outil monétaire, et l'utiliser de manière "agressive" n'est pas de facto une mauvaise chose. Une monnaie faible favorise comme chacun sait les exportations, et cette stratégie peut s'avérer bénéfique au vu de la politique monétaire pratiquée par les principaux voisins du Japon (La Chine, notamment, favorise depuis 2011 une politique plus favorable aux importations, NDLR). Le maintien d'un Yen faible sera donc ici déterminant, en particulier pour les grandes entreprises nationales.

Autre paradoxe, les méthodes du Premier ministre nippon sont présentées un jour comme révolutionnaires, le lendemain comme archaïques et déjà usées. Qu'en est-il concrètement ?

On ne peut pas vraiment trancher pour l'un ou pour l'autre. D'un côté, il est vrai que les Japonais ont adopté depuis 20 ans une politique économique fonctionnant par plans, de l'autre, l'ampleur et l'audace du dispositif instauré par Shinzo Abe en ont surpris beaucoup, ce qui témoigne de son aspect inédit. Après deux décennies de résignation face à l'émergence d'une compétition mondiale de plus en plus exigeante, les Japonais sont désormais engagés dans une stratégie visible avec des objectifs de long-terme, et c'est là probablement l'effet le plus surprenant de cette politique. 

Le Japon et la France partagent ces deux problèmes de taille que sont la déflation et le vieillissement de la population. Les résultats de la politique menée par M. Abe pourront-ils nous fournir des enseignements sur notre propre crise ?

Le principal enseignement, que nous pouvons d'ailleurs déjà tirer, est le fait qu'il ait élaboré une politique qui tente de s'attaquer concrètement aux maux endémiques de l'économie localeLes principaux problèmes que traversent actuellement le Japon sont la déflation et la compétition face aux autres voisins, et le but avoué de M. Abe est de faire d'une pierre deux coups avec cette mesure à travers sa politique monétaire. Par ailleurs, le Premier ministre japonais ne table pas uniquement sur ces perspectives mathématiques, l'objectif étant aussi et avant tout d'obtenir un véritable "choc de confiance" (pour reprendre l'expression consacrée) qui permettra de restaurer un cercle économique vertueux. 

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