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Médiatisé dans la presse outre-Atlantique, la "doctrine Athena" préconise de mettre en avant les comportements féminins pour la gestion de son équipe.
Médiatisé dans la presse outre-Atlantique, la "doctrine Athena" préconise de mettre en avant les comportements féminins pour la gestion de son équipe.
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Doctrine Athena

La "doctrine Athena" du gourou du marketing John Gerzema préconise de mettre en avant les comportements féminins pour la gestion de son équipe, afin d'améliorer ses résultats. Peut-on mettre en place une politique de gestion d'équipe basée sur des critères de "genre" ?

Catherine Berliet

Catherine Berliet

Catherine Berliet intervient depuis 15 ans en conseil, formation, coaching de cadres et dirigeants pour le compte de grandes entreprises françaises. Diplômée en communication, elle est également thérapeute, praticien en Rêve Eveillé libre. Elle est co-auteur de : Et si je choisissais d’être heureux  ! : Le bonheur mode d’emploi  paru en juillet 2014 aux Editions Eyrolles, Manager au quotidien et Les outils de développement personnel du manager aux Editions Eyrolles. Elle est auteur de Et si je prenais mon temps aux Editions Eyrolles et co-auteur de "Et si je choisissais d'être heureux" avec Capucine Berliet toujours aux éditions Eyrolles

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Atlantico : Plus de compassion (comme l'a notamment loué le Dalaï Lama qui accepterait que son successeur soit une femme), plus d'écoute, de recherche de consensus, au détriment de la fierté et de l'agressivité masculine... Les clichés que l'on rattache traditionnellement au comportement féminin, et à ces implications dans le travail, ont-elle un fond de vérité sérieux et véritable ?      

Catherine Berliet : Nous ne pouvons que saluer l’option évoquée par le Dalaï Lama : oui à une femme susceptible de lui succéder. Puisque l’heure est à la parité, soutenons-la et appelons la de tous nos vœux. Souligner les comportements féminins, les reconnaître et les valoriser comme une nouvelle nécessité pour affronter les crises sociales et économiques, c’est venir contrer le paradigme machiste à l’œuvre sur tous les fronts.  Démarche vertueuse  pour qui rêve d’un monde meilleur, et moins ensauvagé.

En cela, le genre féminin apporte douceur,  tendresse,  compassion, mais aussi  flexibilité et écoute. Car ce sont les femmes et elles seules, qui possèdent  ce pouvoir « surnaturel » : celui de donner la vie, qui leur confère une approche des situations moins manichéenne et moins tranchée, mais aussi une vision des choses à plus long terme, et une capacité à coopérer. Les femmes au pouvoir : serait-ce l’assurance d’un monde de paix et l’émergence d’un paradigme Bisounours ? Probablement pas, mais la femme avec ses spécificités comportementales, apporterait  la richesse d’un autre prisme : une attention particulière à la condition humaine,  et nous pourrions imaginer un monde sans déclarations de guerres.

Fond de vérité, bousculé par la montée en puissance des femmes fortes, des femmes « phalliques », compétitives, agressives, revendicatives,  qui ont appris  à se battre pour exister, survivre, et travailler dans un contexte qui se durcit chaque jour un peu plus. Certaines auront développé des comportements de « mâles dominants » qui n’ont rien à voir avec l’image stéréotypée de la féminité et de ses atours. L’histoire nous renvoie à Catherine de Russie, femme de pouvoir, redoutable manipulatrice à mille lieux du cliché féminin relaté.

Médiatisé dans la presse outre-Atlantique, la "doctrine Athena" (voir ici) préconise de mettre en avant les comportements féminins pour la gestion de son équipe, afin d'améliorer ses résultats. Cela vous semble-t-il sérieux ? Peut-on réellement mettre en place une politique de gestion d'équipe basée sur des critères de "genre".

La "doctrine Athena" ou la montée des valeurs féminines sont des sujets qui soulèvent des interrogations en vue d’une quête de mieux-être dans l’entreprise.

Compassion, coopération, sensibilité et recherche de consensus, représentent-elles les qualités attendues pour manager par gros temps ? Pouvons-nous généraliser et imaginer diriger certaines typologies de contributeurs sur ce modèle? Je pense en particulier à des secteurs comme le BTP, le transport et bien d’autres. Si ces habiletés intrinsèquement féminines apportent de la douceur dans un monde de brutes, mener son équipe vers le succès requiert aussi et surtout : fermeté, courage managérial et autorité : autant d’éléments qui s’inspirent d’une « mâle  attitude »  et que certaines femmes savent d’ailleurs s’approprier. Si  aujourd’hui la culture du résultat s’essouffle c’est qu’elle ne s’incarne pas dans la prise en compte de l’homme  en tant que personne  mais en tant que ressource, utilisable, épuisable et jetable. Définitivement,  j’observe que les meilleurs managers,  qu’ils soient hommes ou femmes sont avant tout « humains » avec un quotient émotionnel développé,  mais est-ce là le seul apanage des femmes ?

Mener son équipe vers le succès passe par l’assertivité, l’ambition, le courage du leader mais aussi par le chemin de la proximité managériale, de l’accompagnement des compétences, du lien fort noué dans le respect de l’autre. Cela ne se joue pas sur des critères de genre.

La compassion, je ne suis pas sûre qu’elle soit nécessaire dans l’entreprise, et pour mener les hommes et les équipes, je lui préfère l’élan vital, les valeurs, l’enthousiasme associé à une vision… Or tout ceci ressemble plus au Yang qu’au Yin…

Cette obsession de vouloir introduire plus de "douceur" et de "compassion" féminine, n'est-ce pas le signe d'un malaise dans les relations de travail ? Comment interpréter l'engouement pour l'image fantasmée des "qualités féminines" ?

Face à notre système français qui, disons-le, suscite tant de burn out ou de stress,  nous ne pouvons que nous réjouir de l’engouement pour l’image fantasmé des qualités anima du management. D’autres peuples ont déjà pris en compte les théories d’Athena, en particulier le monde anglo-saxon si policé et respectueux de l’autre. La société Chinoise, elle aussi s’inscrit dans cet état d’esprit, avec le Confucianisme qui entend favoriser et préserver l’harmonie du groupe. ….

Aujourd’hui, cette obsession de vouloir inoculer douceur et compassion dans le champ du travail préfigure le signe manifeste d’un malaise sociétal profond où les codes managériaux sont ceux qui privilégient une approche autocrate et directive voire même un management  par la terreur en dépit des valeurs affichées. Que faire d’autre, quand la toute- puissance de la hiérarchie se nourrit des attributs du mâle au cerveau reptilien : agressivité, arrogance, vanité… Comme si à l’instar de l’homme de Cromagnon c’était le seul moyen de protéger son feu…  En réaction au pouvoir des RI, (ressources inhumaines)  émerge cette idée de douceur managériale, comme un nouveau modèle, un nouvel espoir. Un management au féminin, dans le respect de la parité oui, un management féminisé dans son essence pour adoucir les relations pourquoi pas, mais ne tombons pas dans le piège de la confusion des genres, car le problème est ailleurs. Ce n’est pas en appelant de tous nos voeux une société lisse, en gommant toute forme de pouvoir, toute rébellion, tout conflit, toute différence et tout signe distinctif que nous résoudrons nos maux. Prenons garde au  soapmanagement »…Pratiques édulcorées,  sans dessein véritable, véhiculant ambivalence et faux semblants. Nous avons besoin de managers, de leaders courageux, forts, fermes, décidés, qui savent trancher et  guerroyer si nécessaire.

Où sont passés nos samourais…. Ceux qui se battent pour des idées, pour des actions porteuses de sens,  prêts à perdre leur vie…Où sont les codes d’honneur pour ne pas tomber dans la barbarie. Où sont les grandes gueules,  les fonceurs, ceux qui osent,  exigent, chérissent ou bannissent et managent à l’affectif, nous n’avons plus de Napoléon, plus personne pour faire campagne, c’est là le véritable danger… Que chacun garde sa place, les hommes au masculin avec leurs spécificités, les femmes au féminin avec leur douceur aussi. Nous avons besoin de mixité des genres, de mixité cérébrale  et de mixité sociale. Les startups japonaises nous parlent de combiner « Chikara » (le pouvoir) et « Ai » (l’amour). Faire émerger à égalité le yin et le yang en complémentarité et symbiose.

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