Les deux menaces qui planent sur l’économie américaine<!-- --> | Atlantico.fr
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Un jeune diplômé américain s’endette de 25 000 $ pour commencer ses études.
Un jeune diplômé américain s’endette de 25 000 $ pour commencer ses études.
©Reuters

Decod'Eco

Les États-Unis sont déjà en faillite. Tout a commencé par un chiffre : 1 000 milliards. Peut-être est-ce là le point de bascule de la dette américaine.

Claire Diaz

Claire Diaz

Diplômée en économie internationale et géopolitique, Claire Diaz est rédactrice à
Protection & Rendements chez les
Publication Agora.

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Tout a commencé par un chiffre : 1 000 milliards. Peut-être est-ce là le point de bascule de la dette américaine, puisqu’elle continue encore et encore de venir s’y échouer.

La première fois, c’était il y a cinq ans. Le monde tremblait de stupeur et d’indignation devant l’horreur des subprime. L’homme américain moderne découvre alors le monstre qui lui a permis d’acheter à crédit son manoir en banlieue avec piscine, revêtements de sol en marbre et trois garages pour ses SUV dévoreurs de carburant.

Ce n’était que le début : on découvrit également la porosité d’un système économique mondial que l’on pensait imperméable, sûr et sans faille. Nous avions tout faux.

1 000 milliards de dollars plus tard, des banques avaient fait faillite, de beaux discours avaient été prononcés… mais l’American Dream repartit de plus belle au fur et à mesure que les rotatives de Monsieur Bernanke tournaient à plein régime. Aujourd’hui, condescendants comme jamais, les Etats-Unis nous narguent du haut de leur "croissance" retrouvée.

Tout cela est beau comme le scénario d’un blockbuster hollywoodien… à un ou deux petits détails près.

Les munibonds, une première bombe à retardement...

Premièrement, les munibonds (municipal bonds) sont prêts à exploser. Il s’agit d’obligations municipales ayant fait l’objet de prêts de type subprime. Pour résumer : les villes américaines ont fait comme les ménages : elles ont emprunté encore et toujours, sans faire attention à toute notion de solvabilité. Résultat : les créances pourries de ces prêts s’accumulent. Et n’allez pas imaginer qu’il s’agit de petites bourgades perdues au fond de l’Arkansas. Récemment, c’est Detroit qui s’est officiellement déclarée en faillite.

 ... et les prêts étudiants en sont une seconde

Il y a pire. Il s’agit d’une bulle de la même taille que celle des subprime : la dette des prêts étudiants.

Pour bien vous rendre compte, sachez qu’en moyenne un jeune diplômé américain s’endette de 25 000 $ pour commencer ses études. Ce chiffre était de "seulement" 23 000 $ en 2008. Parallèlement, les frais d’inscriptions dans les universités américaines ont quant à eux doublé en une décennie.

Un ménage américain sur cinq est désormais endetté sur l’éducation.

En effet, depuis la crise de 2008/2009, de tous les crédits contractés par la population, seul celui des étudiants est en constante augmentation ! C’est même désormais une dette plus grande que celle des encours de cartes bancaires. Selon une étude récente du magazine Reason, aucun autre secteur d’activité — pas même la santé — n’a connu une inflation aussi impressionnante depuis 1980. Le site Médiapart rappelle d’ailleurs que Barack Obama n’a fini de rembourser son prêt étudiant qu’en 2004, lorsqu’il fut élu sénateur de l’Illinois !

Le problème de cette dette est simple : dans un contexte de plein emploi, les étudiants contractent un prêt, finissent leurs études, trouvent un emploi et remboursent leurs prêts. Encore une fois nous sommes loin du happy end : le taux de chômage atteint 14% pour les 20-24 ans ! 35% de ces étudiants endettés sont en retard de plus de 30 jours sur l’échéance de ce prêt. Pire : les défauts de paiement augmentent, atteignant aujourd’hui plus de 10% (soit le double de 2007), selon les statistiques du dernier trimestre de 2012 de la Réserve fédérale de New York.

Dans deux de ses rapports, "Titrisation de la dette étudiante aux Etats-Unis : perspectives 2013" et "Programme fédéral de prêts pour l’éducation et la famille : perspectives 2013", l’agence de notation Moody’s a émis une prévision d’évolution négative concernant ce type de prêts.

"Les défauts de paiement sur les emprunts adossés pour la plupart à des titrisations FFELP [Federal Family Education Loan Program] continueront d’être élevés car les nouveaux diplômés seront à la recherche d’un emploi dans une économie affaiblie caractérisée par un taux de chômage élevé", a déclaré Irina Faynzilberg, vice-président senior chez Moody’s.

On retrouve les 1 000 milliards de dollars

En juillet 2008, le montant des avoirs des prêts subprime qualifiés "sans risque" était de 1 000 milliards de dollars. Le PIB était alors d’environ 15 000 milliards de dollars. Résultat : aujourd’hui, le montant des avoirs des crédits étudiants s’élève à… 1 000 milliards de dollars. Et le PIB des Etats-Unis ? Un peu plus de 16 000 milliards de dollars.

Ça ne vous rappelle rien ? Ajoutez à ça les munibonds et le doute qui plane sur la capacité de la Fed à maintenir le doigt sur l’imprimante pour garder sous respirateur l’économie américaine… et vous comprendrez la gravité de la situation.

"Le monde anglo-saxon ne voit pas que sa faillite approche à grands pas : les Américains refusent de voir que, sur presque tous les points, leur situation est bien pire que celle des Européens : l’Eurozone a une balance des paiements excédentaire ; pas les Etats-Unis ; le chômage américain (en prenant les vraies statistiques) est très supérieur à celui de l’Union ; les inégalités et la criminalité sont très supérieures aux Etats-Unis qu’en Europe ; l’espérance de vie augmente en Europe, quand elle diminue aux Etats-Unis. Quant à la dette publique, dont les médias anglo-saxons nous rebattent les oreilles pour l’Eurozone, les Etats-Unis sont en pleine débâcle. En faillite même : leur dette publique atteint aujourd’hui 16 000 milliards de dollars, soit 100% du PIB", déclarait Jacques Attali dans L'Express en février 2013.

"Les Etats-Unis sont donc dans une situation bien pire que celle de l’Union européenne, et même que les plus endettés des pays de l’Union. Ils sont en faillite. Et le dollar ne tient que par ceux qui veulent bien maintenir leurs réserves dans cette monnaie", ajoutait-il.

Même le gouvernement américain craint l’explosion de cette bulle. Mais l’unique mesure prise pour le moment a été de geler les taux d’intérêts des prêts pour les étudiants en juillet 2012, quatre mois avant les élections américaines. Depuis ? Rien.

Personne ne semble prendre conscience de la fragilité de ce nouveau château de cartes. La réalité pourrait toutefois rattraper rapidement le pays, car plusieurs facteurs devraient entrer en collision les uns avec les autres dans les mois à venir : le possible arrêt (une simple diminution serait suffisante) de la politique accommodante menée tambour battant par la Fed depuis cinq ans, le retour à la hausse du taux de chômage, la prise de conscience de cette précarité par les marchés, la faillite d’une banque…

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