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Pourquoi l’objection de conscience des maires hostiles au mariage homosexuel n’a pas de valeur juridique
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Objection, votre honneur !

Jean-Michel Colo, maire d'Arcangues, invoque sa "liberté de conscience" pour justifier son refus de marier un couple homosexuel. Cette notion n'a que peu de réalité juridique, cependant elle pourrait venir à l'appui de sa défense si l'affaire devait être portée au pénal.

Jean-Philippe Feldman

Jean-Philippe Feldman

Jean-Philippe Feldman est agrégé des facultés de droit, ancien Professeur des Universités et maître de conférences à SciencesPo, et avocat à la Cour de Paris. Il est vice-président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (A.L.E.P.S.).

Dernier ouvrage publié : Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron (Odile Jacob, 2020).

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Atlantico : Pour justifier son refus de marier un couple d’hommes, le maire d’Arcangues, Jean-Michel Colo, invoque sa "liberté de conscience". Qu’est-ce que l’objection de conscience dans le droit français ?

Jean-Philippe Feldman : L’objection de conscience est réduite au domaine militaire. Pour le reste, nul n’est censé ignorer la loi, tout le monde doit la respecter, et a fortiori le premier magistrat d’une Cité. En pratique, en cas "d’objection de conscience" d’un maire qui ne veut pas célébrer un mariage, un adjoint (ou toute autre personne qui a autorité pour le faire) peut s’en charger. Quoi qu’on pense des raisons de son refus, le maire est là pour appliquer la loi.

Juridiquement, cette objection existe-t-elle réellement ?

L’expression "d’objection de conscience" est courante, mais n’a pas de réalité juridique. Même dans le domaine militaire elle n’en a plus vraiment puisqu’il n’y a plus d’obligation de service.  Il s’agissait de l’article L 116-1 du Code du service national issu de la loi du 18 juillet 1983. La réforme avait été voulue par la gauche fraîchement arrivée au pouvoir, pour permettre cette objection de conscience, qui permet également de renoncer à son grade militaire. Il est assez surprenant que des maires n’appliquent pas la loi, car il faudra bien qu’elle le soit.

Si le maire d’Arcangues persiste dans son refus de marier ce couple, que va-t-il lui arriver ?

Le maire et ses adjoints se mettent dans l’illégalité la plus totale. On peut supposer une intervention préfectorale qui aboutirait à une dissolution du Conseil municipal. Ce serait donc le gouvernement qui, en réalité, débloquerait la situation : puisque les membres du Conseil municipal persistent dans l’illégalité, ce dernier sera dissout et des élections seront organisées.

Après avoir été convoqué lundi par le sous-préfet de Bayonne, Jean-Michel Colo a demandé à être reçu par Manuel Valls. En cherchant à désamorcer la situation, les pouvoir publics donnent l’impression de marcher sur des œufs…

C’est parce qu’on n’est plus dans le juridique, mais dans le politique : ils vont essayer de convaincre les gens de manière apaisée, d’autant que dans une région où tout le monde se connaît, les choses ne se passent pas de la même manière qu’à Paris. Le problème est double : On ne peut pas être maire et ne pas respecter la loi, car en ce cas le Conseil municipal ne peut plus exister. Par ailleurs, le problème est également pénal, car c’est comme si un juge refusait de rendre une décision… La prudence s’explique donc ici par des raisons politiques assez évidentes, au risque de voir une épidémie de non application de la loi se développer.

Pour se défendre, Jean-Michel Colo s’appuie sur les déclarations de François Hollande, qui avant la promulgation de la loi avait évoqué la possibilité pour les élus de se désister s’ils se refusaient à marier des personnes de même sexe. Peut-il s’appuyer sur des déclarations qui n’ont pas de valeur juridique ?

Ces déclarations n’ont effectivement pas de valeur juridique, cependant elles constituent un argument habile si un maire se retrouve effectivement poursuivi devant une juridiction pénale. On pourrait peut-être aboutir à une atténuation ou une dispense de peine. En revanche, cela ne changerait strictement rien à la loi. Même si on sait qu’en pratique c’est le  Président  qui fait les lois, formellement, c’est le Parlement qui les vote.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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