Sortie de récession mode d'emploi : comment la France s’en est tirée dans le passé<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Sur le passé récent, on peut retenir deux récessions : la première en1974, la seconde en 1992.
Sur le passé récent, on peut retenir deux récessions : la première en1974, la seconde en 1992.
©Reuters

On fait quoi maintenant ?

La France est officiellement entrée en récession, avec une contraction de 0,2% au premier trimestre 2013, d'après les chiffres de l'Insee. Petit retour dans le passé pour voir comment la France pourrait s'en sortir.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

Voir la bio »

Depuis 2008 l'économie française connait une période de très faible activité. Juste une illustration pour éclairer ce point : à la fin du premier trimestre 2013 le PIB, la mesure la plus large de l'activité économique, est encore au-dessous du niveau qui avait été observé au premier semestre 2008 soit avant la rupture résultant de la faillite de la banque Lehman Brothers. Cette situation n'est pas spécifique à la France. La zone Euro, l'Italie, l'Espagne, le Royaume Uni ou encore le Japon ont des configurations similaires. L'Allemagne et les États-Unis sont un peu au-dessus du niveau d'activité observé au premier semestre 2008 mais sans que cela présente un écart comparable à ce qui était observé par le passé.

Restons sur la France. On ne peut pas résumer la période la plus récente, qualifiée de récession parce que se référant à deux trimestres consécutifs de baisse du PIB, à la situation connue depuis 2008. En effet depuis cette date la situation des Français s'est dégradée de façon continue.

La comparaison avec des épisodes passés de récession donne un éclairage particulier de la période actuelle. Sur le passé récent, on peut retenir deux récessions : la première est consécutive au premier choc pétrolier de 1974, la seconde a résulté de la crise du Système Monétaire Européen en 1992. Au début des années 1980, il n'y a pas eu réellement de récession. Le PIB a reculé au 2ème trimestre 1980 après le deuxième choc pétrolier puis au dernier trimestre de cette même année mais il n'y a pas eu les deux trimestres consécutifs et c'est pour cela que je n'ai pas retenu cette période.

On voit sur le graphique le caractère particulier de la période actuelle. Pour comparer les 3 périodes j'ai recalculé le PIB par tête à 100 au point haut de chacune des récessions (sur des données annuelles). Les points hauts sont donc 1974, 1992 et 2007.

France:  PIB par tête lors des sorties de récession

Que constatons-nous ?

En 1974 le rebond de l'activité a été très rapide puisqu'en 1980 le PIB par tête est plus de 12 % supérieur à ce qui était observé avant la crise pétrolière. En 1992 le rebond aussi est significatif et se situe plus de 8% au-dessus du point de 1992. Dans les deux cas le niveau d'activité est rapidement revenu sur le niveau observé avant la récession. Dans la période actuelle, le PIB par tête est en 2012 et 2013 toujours inférieur à ce qu'il était en 2007. On a ici une mesure simple de la particularité de la période actuelle. Il y a plusieurs éléments de différenciation entre la période actuelle et les deux précédentes récessions. Les modes d'ajustement ne sont pas les mêmes et les vitesses d'ajustement sont distincts du fait d'un cadre institutionnel différent.

Ainsi les déséquilibres de compte extérieur sont-ils plus longs à rééquilibrer que lors de la crise du SME de 1992. A l'époque l'ajustement s'était opéré par la dévaluation de la monnaie de nombreux pays. Ce n'est pas le cas actuellement. Le rééquilibrage des déficits extérieurs passe par la volonté de trouver des gains de compétitivité en réduisant les coûts, notamment les coûts salariaux, et en déprimant la demande interne afin de réduire les importations. Ces modes d'ajustement prennent du temps et prolongent de façon immodérée la période de faible activité économique. Un pays qui ajuste rapidement ses finances publiques va peser sur la demande adressée aux entreprises et la baisse des coûts salariaux n'incitera pas les salariés à dépenser fortement.

Ce phénomène à l'œuvre dans de nombreux pays pèse forcément sur la dynamique française car les principaux pays clients de la France sont les pays de la zone Euro.

Cependant la situation de l'économie française n'est pas liée qu'à ce qui se passe à l'étranger. Une différence majeure est que dans les années 70 et 90, les politiques de rigueur et d'austérité n'ont été mise en œuvre que lorsque le niveau d'activité était revenu à son niveau d'avant crise. En d'autres termes, l'Etat a accepté des déficits tant que l'économie n'avait pas retrouvé une trajectoire plus robuste. Cela ne s'est jamais traduit par une rechute en récession. C'était le plan Barre dans les années 70 et le pan Juppé dans les années 90. Actuellement réduire les déficits publics alors que l'activité n'a pas rebondi de façon suffisante est une obsession de tous. C'est aussi une raison majeur de cette langueur dans le retour à la croissance. C'est probablement une erreur de politique économique majeure d'autant que la croissance mondiale, notamment à partir de 2011, a connu elle aussi une période de progression plus réduite. On ne pouvait imaginer exporter davantage pour compenser l'effet récessif de la réduction des déficits publics. On a depuis 2011 en Europe et aussi en France tout fait pour que la demande adressée aux entreprises s'étiole. Pas étonnant que la récession de la zone Euro et de la France dure.

Une différence majeure également est qu'en 1974 et en 1992 la progression de la productivité de l'économie française était beaucoup plus forte. Pour le dire autrement l'efficacité du système productif était bien supérieure et permettait de se recaler rapidement sur une trajectoire plus vertueuse. Aujourd'hui la productivité progresse lentement et ne permet pas ce regain spontané de l'activité. Ceci traduit et de longue date l'investissement insuffisant au sein de l'économie française et l'intégration limitée de progrès technique dans l'ensemble de la chaine productive. C'est aussi une fragilité résultant de la désindustrialisation de l'économie française. D'autres pays ont fait mieux au sein des concurrents industriels de la France.

Une conséquence de cette situation est un déficit extérieur important depuis 2008. Il traduit ce manque de compétitivité de l'économie française dans la durée. Il complique ainsi le mode d'ajustement de l'économie française.

Sur un autre plan la période actuelle est marquée par des incertitudes institutionnelles fortes. La reconstruction de la zone Euro et l'ensemble des questions sociales domestiques engendrent des situations complexes pouvant provoquer des comportements attentistes notamment sur l'investissement. Cela est frappant car les questions qui ont traversé la zone Euro au cours des dernières années ont été fortes et génératrices d'interrogations sur l'avenir. Il y a un an la question de la sortie de la Grèce et de la contagion au reste de la zone Euro inquiétait. Pas étonnant que cela ait engendré de l'attentisme en France mais aussi chez les partenaires de la France en Europe.

La situation de l'économie est très différente de ce qu'elle était après les récessions des années 70 et 90. Le sentiment rétrospectif est que le choc de la récession n'avait pas réussi, à l'époque, à perturber durablement la dynamique de l'économie française en raison d'une productivité forte. Aujourd'hui cette productivité progresse plus lentement et les problèmes posés sont plus complexes, plus longs à résoudre et ne sont pas exempts d'erreur de politique économique.

Il faut désormais reconstruire la dynamique de la zone Euro et de la France en mettant la croissance au centre des préoccupations et du débat pour éviter que chaque mois le taux de chômage de la zone Euro ne batte un record à la hausse. La France est dans cette dynamique et peine à s'en différencier.

Pour retrouver de l'allant il faudrait favoriser l'investissement productif et l'investissement public, faire de telle sorte que chacun, salarié, consommateur et entrepreneur, ait la capacité de se projeter dans l'avenir et ait envie de construire des projets. Au regard des enquêtes menées en France auprès des ménages et des chefs d'entreprise ce changement n'est pas encore perceptible. C'est cela le plus préoccupant car cela peut engendrer de l'impatience et des comportements susceptibles de provoquer de l'instabilité sociale et politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !