Nelson Mandela : quel avenir pour la politique sud-africaine, désormais privée de sa caution morale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nelson Mandela est mort jeudi soir à 95 ans.
Nelson Mandela est mort jeudi soir à 95 ans.
©Reuters

L'après

L'ancien président de l'Afrique du Sud, figure de la lutte contre l'apartheid, est mort jeudi soir à l'âge de 95 ans.

Paul  Coquerel

Paul Coquerel

Paul Coquerel est historien, il a été chercheur associé au centre de recherches africaines (CRA) de la Sorbonne. Il est également l’auteur de «  l’Afrique du Sud : une histoire séparée une nation à réinventer » (éditions Gallimard-découvertes 2010)

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Atlantico : Nelson Mandela, mort jeudi soir à 95 ans , a été le symbole fort de l'Afrique du Sud. Il a lutté contre l'Apartheid avant de devenir le Président de la République d'Afrique du Sud. Il n'est plus au pouvoir depuis juin 1999, quel a été son impact sur le plan politique ? Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

Paul Coquerel : Nelson Mandela a conduit son pays, à travers un processus de négociation, à instaurer un système démocratique et dans le même temps à mettre définitivement fin à l’Apartheid. Ce qui l’en reste aujourd’hui, c’est évidemment, une société sud-africaine démocratique. Le pays possède l’une des constitutions les plus complète et libérale au monde. Nelson Mandela a réussi à faire de ce pays, non pas une nation, mais un espace où cohabitent plusieurs nations.

La personnalité de Mandela se confond avec l’histoire du XXe siècle de l’Afrique du Sud. On ne peut comprendre sa personnalité et son action sans une vision globale l’histoire du pays. L’Afrique du Sud a hérité de 350 années de conflits, de racisme, d’injustice.

Il faut laisser le temps au peuple sud-africain, et être optimiste quant à son futur sans être naïf.

L'image de Nelson Mandela est utilisée par son parti l'ANC (parti majoritaire). Ce dernier connait des problèmes de corruption, le parti a-t-il détourné son image ?

L’ANC ne l’a pas détournée, mais il l’a confisquée d’une certaine façon. Nelson Mandela est une caution morale mais également une caution politique. L’ANC a été fondé en 1912, Mandela est entré en politique 1944, entre 1944 et 1999, Mandela a joué un rôle clé au sein de ce parti. Cela semble légitime que le parti ce soit toujours revendiqué de Mandela, et inversement.

Concernant les problèmes de corruption, Nelson Mandela a réussi à se mettre au-dessus. Il a toujours cherché à prendre ses distances par rapport à ces problèmes.

Son image est telle, qu’elle dépasse le cadre de l’ANC et les problèmes économiques, de développement, sociaux que connaît l’Afrique du Sud.

Mandela est devenu un tel mythe qu’il transcende ces difficultés. Certes il y a des partis qui cherchent à s’approprier son image à tout point de vue. Mais pour l’ensemble des sud-africains, mais aussi pour l’Afrique dans sa globalité voir le monde entier, il a une figure telle qu’il est immunisé d’une certaine façon.

Nelson Mandela est-il le dernier grand homme à avoir marqué l'Histoire ? Pourquoi ?

Nelson Mandela peut être considéré comme le dernier grand homme du XXe siècle. C’est-à-dire un personnage qui a une aura internationale, qui a créé un mythe. C’était un grand communicant, il a su se mettre en scène, dans ses messages, ses postures, ses prises de position, ses discours.

Un personnage comme celui-là occupe une place à part dans un monde plutôt dicté par le matérialisme, l’immédiateté, les replis identitaires… Mandela a fait don de sa personne à son pays,  il a tout sacrifié pour une cause : sa liberté, sa famille, sa santé. Je ne suis pas sûr qu’on revoie des personnages comme celui-ci dans les prochaines années.

On peut le comparer à Gandhi qui lui aussi a passé 20 ans en Afrique du Sud et a influencé les débuts politiques de l’ANC.

Quelles peuvent être les conséquences de sa disparition sur le pays ? Peut-on craindre un retour des violences ? Une augmentation de la corruption ?

Maintenant que Mandela est mort, il faut que le pays fasse son deuil. Il faut regarder les prochaines élections, qui auront lieu en avril 2014 avec attention.  Car c’est une génération d’électeurs qui n’a pas connu l’Apartheid qui s’apprête à voter, ils sont nés il y a une vingtaine d’années, ceci est un élément déterminant.

La question autour de cette élection est de savoir qui va se revendiquer de cet héritage de Mandela : la ligue de la jeunesse de l’ANC, les conservateurs… Il va se passer des choses sur le plan politique.

Un autre élément important : l’Afrique du Sud a besoin de mythe pour se construire à la fois politiquement et symboliquement. La mort de Mandela renforce cette dimension mythique, sa mort peut avoir un effet rassembleur sur ces 50 millions de sud-africains aux identités diverses et distinctes. Ce deuil peut les rassembler autour d’une vision commune de leur histoire, et c’est l’opportunité de s’interroger sur qui ils sont.

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