95 fraudeurs fiscaux régularisés par mois contre 35 auparavant : la peur de la sanction se révèle-t-elle la plus efficace des méthodes ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Selon le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, 95 personnes par mois déclarent vouloir régulariser leurs comptes à l'étranger.
Selon le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, 95 personnes par mois déclarent vouloir régulariser leurs comptes à l'étranger.
©Reuters

Fermez les vannes !

Pierre Moscovici a annoncé dimanche qu'une centaine de personnes chaque mois avaient l'intention de clôturer des comptes à l'étranger.

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’IREF, l'Institut de Recherches Economiques et Fiscale. Il est l'auteur de Civilisation et libre arbitre, (Desclée de Brouwer, 2022).

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Atlantico : Selon le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, 95 personnes par mois déclarent vouloir régulariser leurs comptes à l'étranger. Quels sont les facteurs qui les poussent à prendre cette décision ?

Jean-Philippe Delsol : Ce chiffre est vraisemblable et il va s'accroître sensiblement dans les prochaines semaines après la circulaire du ministre du 21 juin No 672 et le vote de la loi No 1011 qui menacent tous les contribuables détenant des comptes à l'étranger de sanctions pires que s'ils étaient coupables de grand banditisme et de confiscation de leurs biens. Ce projet de loi N° 1011 est proprement liberticide. Non seulement il propose que les sanctions contre la fraude fiscale soient aggravées de manière excessive (7 ans d’emprisonnement et 2M€ d’amendes) mais il veut permettre de recourir contre cette fraude à la surveillance, à  l’infiltration, à la garde à vue allongée à quatre jours, aux interceptions de correspondances téléphoniques, aux sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, aux captations de données informatiques, aux saisies conservatoires.

Ce texte autorise la confiscation générale du patrimoine des personnes morales qui jusque-là n’est permise que dans les cas de crimes contre l’humanité, d’eugénisme, de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains et proxénétisme, de corruption de mineurs et pédopornographie, blanchiment, actes de terrorisme, fausse monnaie, association de malfaiteur et enfin crimes et délits de guerre. Tous les crimes les plus graves auxquels la loi voudrait désormais assimiler la fraude fiscale.

Ce projet prévoit aussi la confiscation définitive des contrats d’assurance vie dans les cas évoqués, contre la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui jusque-là s’y oppose (arrêt du 30 octobre 2012). Pire encore, le projet de loi limite les conditions d’accès des intéressés au dossier pénal en cas de saisie des biens. Il autorise enfin, contre la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation (31 janvier 2012, n° 11-13098 et 21 février 2012, n° 11-15162), l’administration fiscale à exploiter les informations qu’elle obtient de manière illicite (vol, recel, fraude…).

Ces mesures et les menaces ouvertement professées par les ministres et jusqu’au premier d’entre eux à l’égard de contribuables qui ont des avoirs à l’étranger fait peur à ces derniers. Il s’agit en quelque sorte d’un chantage d’Etat organisé. Un chantage auquel les contribuables n’ont pas les moyens de résister quand bien même ces mesures annoncées s’avèrent totalement disproportionnées, en contravention à cet égard avec les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

Les mesures prisent par le gouvernement peuvent-elles inciter les exilés à revenir dans l'Hexagone ?

Je pense que le flot des exilés fiscaux ne tarit pas. Un chiffre de l'ordre de 5000 par an n'apparaît pas excessif. Pour les faire revenir, il faudrait non seulement que le niveau des impôts redevienne raisonnable, mais aussi que la stabilité de la loi fiscale soit garantie par la Constitution. Non, ça n’est pas avec des taux d’impôt qui oscillent désormais au niveau supérieur entre 57 et 75% qu’on fera revenir les exilés fiscaux.

Le ministre de l'Economie se gargarise de ces bons chiffres, a-t-il raison de crier victoire si tôt  : " le processus est en train de s'accélérer (..) Ça a été multiplié par trois", quel chemin reste-t-il à parcourir ? Quelles sont les mesures à entreprendre pour faire revenir les évadés fiscaux de façon durable en France ?

Un très très long chemin, celui qui sépare le socialisme ambiant de l’Etat de droit. Il faut  que le gouvernement comprenne que l’impôt tue l’impôt. Les chiffres de réalisation du budget le démontrent. Mais le gouvernement nie la réalité. Il est enfermé dans une idéologie qui décrète la croissance, l’emploi, l’exportation … plutôt que de les favoriser par des mesures d’encouragement au travail, à l’innovation, à l’enrichissement. Il faudrait baisser les impôts et les charges, ce qui favoriserait la croissance et, par la même, l’emploi et l’augmentation du produit des impôts !

Sont-elles au programme du gouvernement

Malheureusement pas à ma connaissance. C’est l’inverse. Le gouvernement supprime les mesures qui marchaient comme le régime des auto-entrepreneurs, il multiplie les normes…tout ce qu’il ne faut pas faire.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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