Cette étrange aversion du PS pour la démocratie interne sur les questions européennes<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Parti socialiste fait souvent preuve de peu de transparence sur les questions européennes.
Le Parti socialiste fait souvent preuve de peu de transparence sur les questions européennes.
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Rupture

Le courant "Un monde d'avance", animé par Benoît Hamon, ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire, accuse la direction d’avoir "manipulé" les résultats pour ne pas retenir son amendement sur l’Europe. Comme souvent au Parti socialiste le débat sur la question européenne divise profondément.

Gérard Grunberg et Alexandre Vatimbella

Gérard Grunberg et Alexandre Vatimbella

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. Ses travaux portent sur la sociologie politique et notamment la sociologie électorale et les partis politiques. 

Alexandre Vatimbella est le directeur de l’agence de presse LesNouveauxMondes.org qui est spécialisée sur les questions internationales et, plus particulièrement sur la mondialisation, les pays émergents et les Etats-Unis.

Il est également le directeur du CREC (Centre de recherche et d’étude sur le Centrisme). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages (dont Santé et économieLe Capitalisme vert, Le dictionnaires des idées reçues en économie, Le Centrisme du Juste EquilibreDe l’Obamania à l’Obamisme).

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Atlantico : Le PS a-t-il un problème avec la démocratie dès lors qu’il aborde les questions européennes ? Comment l'expliquer ?

Gérard Grunberg : Oui le PS est mal à l’aise car concernant la politique qui est menée par le gouvernement de François Hollande, de plus ou moins bon gré, une partie du PS n’y adhère pas et estime qu’elle est trop sous la coupe de ce qu’il appelle la "droite européenne". Il n’y a pas une pleine acceptation des engagements pris par le gouvernement lui-même pour réduire les déficits.

Alexandre Vatimbella : Oui mais depuis toujours. Il n’y a jamais consensus au Parti socialiste sur l’Europe. Avant 1981, il y avait un courant pro-européen, très fédéraliste, avec Michel Rocard, un courant attentiste avec François Mitterrand et un courant carrément anti-européen avec Jean-Pierre Chevènement.

Aujourd’hui, il y a une aile européenne, réformiste et libérale, et une aile eurosceptique voire anti-européenne, étatiste et dogmatique, avec, au milieu, une aile plus ou moins européenne, celle que François Mitterrand a converti tant bien que mal à l’Europe mais qui, depuis, notamment avec Laurent Fabius et son "non" démagogique au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, a joué plutôt contre l’Union européenne tout en se réclamant du projet européen mitterrrandien.

N’oublions pas que le PS bâti à partir du Congrès d’Epinay de 1971 est un parti "attrape-tout" de la gauche non-communiste tout comme la création de l’UMP en 2002 s’est faite pour regrouper la droite non-FN. Dès lors, aucune unité n’a jamais été de mise sur l’Europe dans aucun des deux grands partis français actuels.

Le résultat est que si les débats sont passionnés sur l’Europe à l’intérieur du PS, il faut, in fine, une position commune, fruit d’un compromis toujours bancal, qui ne reflète guère les attentes d’une majorité de militants et qui frustrent les minoritaires qui ont l’impression d’avoir été les dindons de la farce.

Huit ans après le référendum sur la Constitution européenne, qui avait vu les socialistes se diviser, la question européenne peut-elle à nouveau faire exploser le PS, voir la majorité socialiste ? Le consensus est-il possible au PS sur cette question ?

Gérard Grunberg : Disons que depuis très longtemps, la question européenne est un sujet qui divise le Parti socialiste. Déjà sous François Mitterrand au début des années soixante-dix, la question de l’Europe était un point majeur de division au sein du Parti socialiste. Toutefois la division la plus récente et la plus dure est celle de 2005 à propos du référendum européen qui avait très gravement divisé le PS.

Tous les responsables socialistes veulent plus d’Europe mais ils n’en veulent pas de la même manière. Le problème est là. Mais au fond il y a toujours une grande suspicion, chez les socialistes, à l’égard d’une Europe qu’ils qualifient de libérale.

Est-ce que cela peut pour autant faire éclater le PS ? Je ne le pense pas pour l’instant car finalement après beaucoup de remous les choses se sont "un peu" apaisées dans la mesure où le PS a pu voter à l’unanimité un texte sur l’Europe. Je ne pense pas qu’il va éclater parce que d’une part le président de la République veille à ce qu’il n’y ait pas de division. Et d'autre part il paraît très peu probable qu’avant les élections de 2014 le PS ait intérêt à quelques divisions que ce soit.

Après les élections de 2014 l’éclatement du PS n’est pas impossible. Quelle que soit l’habileté de François Hollande, il est tout de même pris dans un étau entre les engagements qu’il a pris d’une part et d’autre part la gauche et le PS qui dans son ensemble demeure très réticente à ce qu’elle appelle "l’Europe du marché". Un consensus de fond sur la question de l’Europe n’est pas imaginable au Parti socialiste. Néanmoins nous venons d’assister à un consensus formel sur le texte voté le 16 juin.

Alexandre Vatimbella : Il n’y aura pas d’implosion du PS sur le sujet de l’Europe, non pas parce que les socialistes sont d’accord entre eux, ni même qu’ils sont devenus raisonnables mais tout simplement parce que le PS est au gouvernement et qu’il ne peut se le permettre !

Qui prendra le risque d’apparaître comme le responsable d’une scission alors même que le parti essuie revers sur revers électoraux, est au plus bas dans les enquêtes d’opinion et que des sondages sur les européennes du 25 mai 2014 le donnent soit à égalité avec le Front national (21% d’intentions de vote pour les deux partis selon un sondage pour Valeurs Actuelles), soit derrière lui (18% pour le FN et 15% pour le PS selon un sondage pour iTélé et le Huffington Post).

Que ce soient les trublions comme Benoit Hamon et Marie-Noëlle Lienemann ou que ce soit une personnalité comme Claude Bartolone, celui qui prendrait la responsabilité d’une confrontation fratricide à l’intérieur du PS serait déclaré responsable de bien plus, un peu à la manière dont Jean-Pierre Chevènement fut fustigé pour être en partie responsable de l’échec de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002 ouvrant le deuxième tour à Jean-Marie Le Pen.

On peut penser que les socialistes n’ont pas envie de revivre ce genre de cauchemar de part leur chamailleries.

Reste qu’il n’y aura jamais consensus non plus. L’envie de confrontation est toujours là, très forte, sur le sujet. Et les responsables du PS prient pour qu’aucune étincelle qui pourrait conduire à une explosion ne surviennent dans les mois qui viennent.

Car il ne faut évidemment pas prendre les résultats des votes sur le projet européen du PS, baptisé "Notre Europe", pour argent comptant. Si 90% des militants se sont prononcés en sa faveur et que, lors de la convention sur l’Europe du week-end dernier, 181 délégués sur 187 ont fait de même, ces votent ne reflètent évidemment pas les tensions internes du PS autour de l’Union européenne et ne sont qu’un tour de passe-passe qui n’aura sans doute qu’un temps.

Cette absence de consensus recèle évidemment, à terme, un risque de scission (sans doute un des plus importants pour le parti), grand espoir, par exemple, de François Bayrou qui y voient enfin la possibilité de s’allier avec cette aile européenne réformiste et libérale du PS. Mais ce ne sera pas en 2014, selon toutes probabilités. Au moins, avant les élections…

La stratégie anti-austérité adopté peu à peu par le PS n’est-elle pas une simple posture, un calcul politique pour résister à la vague eurosceptique et à la montée des extrême qui se dessine pour les élections européennes ?

Gérard Grunberg : Sans aucun doute il y a ici une posture électorale. Maintenant lorsque l’on s’intéresse à la position du PS vis-à-vis de l’Europe, on observe qu’il y a une relative continuité dans ses choix, celle de la défense d’une Europe sociale et contre une Europe dérégulée. Néanmoins il est incontestable qu’il est dans cette période pré-électorale plus facile de dire que les difficultés viennent de la commission européenne et de l’Allemagne, c’est évidemment une posture électorale qui à mon avis n’a pas grand sens.

Alexandre Vatimbella : Il est évident que François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont du donner des gages à la gauche du PS et cela se sent dans la tonalité du texte adopté et des mesures proposées.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que la relance économique a été défendue dès le départ par François Hollande en France et en Europe. Et que cette approche est défendue par nombre d’économistes dont certains proches de la gauche libérale mais aussi par beaucoup d’autres, certains proches de la droite.

En revanche, la phraséologie offensive et agressive du texte "Notre Europe" est une tentative de ratisser large, du Front de gauche aux déçus du PS qui risquent, selon les sondages, de donner leurs voix au FN. Pas sûr, toutefois, que cela soit efficace.

De nombreux partisans du "non" au référendum siègent au gouvernement à des portefeuilles stratégiques : Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Bernard Cazeneuve, sans oublier Claude Bartolone à l’Assemblée nationale. La cohérence du gouvernement n’est-elle pas remise en cause ? Leurs positions sont-elles compatible avec la politique deloriste de François Hollande ?

Gérard Grunberg : Il y a une certaine incohérence dans ce gouvernement c’est évident. Néanmoins un certain nombre de "nonistes" en 2005 comme Bernard Cazeneuve ou Laurent Fabius ont revu depuis leur position.

François Hollande essaye sans relâche de ménager les uns et les autres, c’est sa technique de gouvernement mais c’est lui qui détient le pouvoir et s’il à un moment ou un autre changer un de ses ministres il le fera. Il n’est pas sur une posture de clairement faire triompher une certaine ligne pro-européenne ni eurosceptique. Il fait avec et tant que les ministres ne lui cause pas de difficultés insurmontables il les garde avec lui. François Hollande préfère conserver même les plus ou moins eurosceptiques que de mener une bataille ouverte au sein de la gauche sur cette question. La position d’Arnaud Montebourg, du moins celle qui a défendu durant les primaires socialistes, n’est pas compatible avec la posture du chef de l’État. Maintenant lui-même a accepter d’être ministre d’un gouvernement qui malgré tous propose une politique que l’on pourrait qualifier de "deloriste".

Alexandre Vatimbella : Les ministres ne devraient pas jouer contre le gouvernement lors des prochaines européennes même s’ils ont été les fers de lance du non au référendum comme Laurent Fabius ou Arnaud Montebourg.

En revanche, une contestation "soft" avant les élections, "hard" après en cas de Bérézina, peut venir, par exemple, d’un Claude Bartolone qui se veut, en ce moment, comme une sorte d’électron libre au PS. Et même s’il a défendu le programme européen du PS adopté le 16 juin dernier.

Bien évidemment, la vision de l’Union européenne de toutes les personnes citées est loin de celle de Jacques Delors défendue assez largement par François Hollande. Mais ce n’est pas nouveau. Et le PS existe toujours…

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