"La violence dans le couple est ambiguë"<!-- --> | Atlantico.fr
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Avant la violence physique, il y a d’abord et avant tout la violence verbale.
Avant la violence physique, il y a d’abord et avant tout la violence verbale.
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Jamais deux sans trois

La ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale Roselyne Bachelot doit présenter ce mercredi un nouveau plan de lutte contre les violences faites aux femmes, le troisième depuis le début du quinquennat. L'occasion pour l'écrivain et journaliste Emmanuelle de Boysson de répondre aux questions d'Atlantico sur ce fléau, en augmentation constante ces dernières années.

Emmanuelle de Boysson

Emmanuelle de Boysson

Écrivain , Emmanuelle de Boysson est également journaliste.

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Atlantico : Pourquoi y-a-t-il de la violence dans le couple ?

Emmanuelle de Boysson : Avant la violence physique, il y a d’abord et avant tout la violence verbale. Elle peut d’ailleurs marcher dans les deux sens, il y a des femmes qui sont violentes verbalement. Cette violence est assez insidieuse, rampante, elle se manifeste par une dévalorisation de l’un comme de l’autre. Elle vient bien souvent d’une perte d’estime de l’autre, et de ce fameux problème de la vie de couple qui est un lieu clos, dans lequel se jouent et se rejouent toutes les tragédies que nous avons pu vivre dans notre enfance. Au sein de la vie de couple, nous reproduisons les relations que nous avons eues avec nos parents. Paradoxalement cette violence ne s’adresse pas forcément au partenaire, elle vient de loin, de blessures, de frustrations anciennes, de manque d’amour.

Dans un couple, l’habitude, la sensation que l’autre nous est acquis font que l’on exprime ce que l’on n’oserait jamais dire à l’extérieur, que ce soit dans le monde professionnel ou amical. Il peut y avoir des gens qui ont des relations géniales et épanouies dans leur travail et à l’extérieur, et qui sont impossibles avec leur conjoint et leurs enfants.

La violence est très ambiguë. Il peut arriver qu’il y ait une victime et un bourreau dans un couple. A partir du moment ou l’un devient victime et ne pose pas de limites, l’autre peut tout se permettre ! Je dis les choses telles qu’elles sont ! Bien sur que la personne qui subit une violence est une victime réelle. Mais il faut se poser la question : la victime aurait elle pu éviter ces excès et cette violence par un refus déterminé de l’escalade ? C’est ce que l’on appelle un jeu pervers, et l’on peut refuser de rentrer dans ce jeu.

Maintenant, il y a des femmes et bien sur beaucoup plus de femmes que d’hommes, qui n’ont pas cette force là de réagir, de résister. Pourquoi ? Par leur éducation : habituées à se soumettre, c’est toute l’histoire de la femme qui est en jeu. Par ailleurs, très souvent elles aiment leur partenaire, elles espèrent qu’il va changer, comme elles ont espéré que souvent leurs parents leur donnent un amour qui ne venait pas, ou de façon négative.

Ces femmes là, ces victimes là, sont nombreuses, beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit.

Pourquoi les hommes deviennent-ils violents physiquement parlant ?

La pire raison c’est l’acoolisme, c’est un facteur très important dans la violence. Il peut y avoir le stress dû au travail, à la condition professionnelle, il peut y avoir les enfants, et les divergences sur leur éducation. Et enfin, il y a les non-dits, le désamour.

Pourquoi les précédents plans anti-violence faite aux femmes n’ont pas suffisamment bien marché ?

Les mesures prises jusqu’ici ne suffissent manifestement pas. Il faut passer à une véritable prise de conscience, une solidarité de femmes. Paradoxalement, les femmes se croient libérées, indépendantes, en réalité, elles sont encore passives devant cette violence conjuguale, à cause de tous les paramètres ambigus de cette relation dans laquelle elles sont prises au piège. Appeler la police, appeler un numéro d’écoute, c’est plonger dans l’inconnu elles ne le font pas par peur, pour elle, pour leurs enfants, pour leur ménage aussi, qu’elles ne veulent pas détruire. Le but de ce genre de plans de communication devrait être d’aider les femmes à briser la peur.

Faut-il être plus sévère avec les hommes violents ?

Je ne pense pas. Ce n’est pas parce qu’un homme va faire de la prison que les choses changeront. Il faut changer les mentalités, faire admettre que c’est une faute envers la société et envers l’autre, et non pas réprimer à posteriori.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Giraud

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