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Retraites : on sait bien que c’est une question virtuelle en France mais un régime unique, ça fonctionnerait comment ?
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Le président du Modem François Bayrou propose pour sortir du problème des retraites l'installation d'un système de régime unique. En pleine réforme des retraites, un tableau des avantages et des inconvénients d'un tel système.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : François Bayrou, président du Modem, a déclaré sur LCI, que la seule solution pour sortir du problème des retraites était d'instaurer un régime unique de retraites, y compris pour les députés. Comment pourrait fonctionner ce régime unique : cotisation, pension ? 

Philippe Crevel : François Bayrou demande, depuis de nombreuses années, la création d’un régime unique par points reprenant ainsi une vielle antienne de l’UDF et des libéraux. La création d’un régime unique ne règle pas la question du financement des retraites. Quel que soit le mode de calcul, les dépenses de retraites augmentent car le nombre de retraités s’accroit.

Le régime unique offre de nombreux avantages. En fusionnant tous les régimes actuels, régime des salariés, des indépendants, régimes spéciaux, fonctions publiques, nous en aurions terminé du lancinant débat sur les perdants et les gagnants du système de retraite français. Nous y gagnerions en équité. Aujourd’hui, en jouant sur la confusion des chiffres, il est possible à tout à chacun d’affirmer que les pensions des fonctionnaires sont soit plus fortes ou moins fortes que celles des salariés. La fusion offrirait un cadre unique à partir duquel il serait facile d’effectuer des comparaisons.

Le régime unique, s’il ne règle pas la question du financement, serait néanmoins une source d’économies grâce à la fusion des très nombreuses caisses des régimes de base et des régimes complémentaires dont le coût de gestion figure parmi les plus élevés d’Europe.

Le passage à un régime par points permet surtout un pilotage très fin du système de retraite. En jouant sur la valeur du point à l’achat et au rachat, il est beaucoup plus facile de maintenir l’équilibre du régime. Ce système est celui des caisses complémentaires Agirc et Arrco. Chaque actif serait alors doté d’un compte unique sur lequel seraient versés les points acquis à travers le paiement des cotisations. Plus le point vaut cher, moins le cotisant en acquiert. A la différence du régime général actuel, les points sont perçus durant toute la vie professionnelle. Il ne serait plus question des 10 ou des 25 meilleures années. A la liquidation de la retraite, les points sont transformés en pension grâce à la valeur de rachat du point. Plus celui-ci baisse, moins la retraite sera forte. Le rendement est calculé en prenant en compte les valeurs d’achat et de rachat des points. Ainsi, en suivant l’évolution du point Agirc depuis 1993, son rendement a été divisé par deux afin d’éviter un dérapage des comptes de la caisse des cadres.

Il est possible au moment de la liquidation de la pension de greffer, comme en Suède, un coefficient prenant en compte l’espérance de vie. Cet ajout vise à assurer une neutralité actuarielle. Si l’espérance de vie augmente, la pension versée s’ajuste à la baisse. Les Suédois ont également prévu de lier l’évolution des pensions à celle de la croissance de la masse salariale. En 2010, ils ont ainsi diminué le montant des pensions en raison de la contraction de la masse salariale.

Dans un système par points, contrairement à certaines affirmations, il est assez facile de prendre en compte les charges familiales ou la pénibilité. En effet, il suffit de majorer le nombre de points attribués. De même, il permet d’organiser facilement la retraite progressive et l’étalement des départs à la retraite.

La logique par rapport à notre système actuel est différente. En effet, les régimes de base sont avant tout des régimes à prestations définies. Le futur retraité, s’il arrive à se retrouver dans le maquis des règles, peut évaluer le futur montant de sa pension. Dans un régime unique à points, nous passerions à un système à cotisations définies. Ce n’est qu’au moment de la liquidation que le montant de la pension est connu. Il faut avouer que sans le dire ouvertement, le Gouvernement s’il joue sur les salaires mis aux comptes qui servent de base pour le calcul des pensions transforme le régime de base en s’inspirant de la technique des régimes par points.

Il a proposé que "que les droits acquis soient préservés", ajoutant "on ne va pas brutalement abattre tout un pan de droits acquis pour des dizaines de professions, mais à partir du jour du vote de la loi, tout le monde devra être au même régime". Dans ces conditions peut-on vraiment parler de régime unique ?

L'idée d'une transition d'un système à un autre est assez logique compte tenu de la sensibilité d l'opinion publique sur la question de la retraite.Toute modification des règles de calculs des pensions génère des gagnants et des perdants.

Par définition, les gagnants sont silencieux quand les perdants hurlent à la mort. Fort à parier que ce type de réforme ne serait populaire que quelques jours. Il serait nécessaire de créer des dispositifs de lissage et d’étaler dans le temps ses effets. Les Italiens ont ainsi prévu que seuls les nouveaux entrants sur le marché du travail, à compter de 1996, serait soumis au nouveau système. Les Suédois disposaient d’un fonds de réserver pour compenser le manque à gagner de certains retraités. En France, le Fonds de réserve des retraites a été préempté pour rembourser les dettes sociales.

Sa mise en place semble-t-elle possible ? Quels sont les obstacles ?

L'obstacle pour mettre en place un régime unique par points est en premier lieu politique et syndical. Il n’y a pas, en France, de consensus sur le sujet. Seule la CFDT est véritablement pour la création d’un système unique. FO et le CGT sont résolument contre. L’attachement au système actuel est lié aux maintiens de certains droits et avantages ainsi qu’à la cogestion de certaines caisses complémentaires. Le patronat n’y est pas hostile sans en être un ardent défenseur.

Au niveau politique, la création du grand régime par points est l’apanage des partis qui sont dans l’opposition. François Hollande l’avait mis dans son programme durant sa campagne présidentielle tout comme auparavant la droite. Le passage à un régime unique suppose de nombreux développements informatiques relativement coûteux en particulier pour la fonction publique. Au niveau du privé, les rapprochements de caisses et les harmonisations organisées ces dernières années devraient, en revanche, faciliter la mutation.

La réforme systémique est un idéal qui est balayée du revers de la manche au nom de l’urgence du rééquilibrage des comptes. Si en 2010, le législateur avait prévu qu’une étude technique serait lancée cette année sur ce sujet, cette promesse restera dans les limbes. François Bayrou a certainement raison mais la question est de savoir si son engagement résisterait à l’exercice du pouvoir ? A priori, nul n’a pour le moment la réponse.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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