Conférence sociale : ce qu’un coach pourrait apporter pour que les gens comprennent ce qu’ils sont en train de se dire <!-- --> | Atlantico.fr
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La deuxième conférence sociale du quinquennat s’est ouverte hier jeudi dans un climat tendu.
La deuxième conférence sociale du quinquennat s’est ouverte hier jeudi dans un climat tendu.
©Flickr

Dialogue de sourds

La deuxième conférence sociale du quinquennat s’est ouverte hier jeudi dans un climat tendu alors que le dialogue social en France est traditionnellement compliqué.

Louise-Marie Véron

Louise-Marie Véron

Louise-Marie Véron pilote le développement méthodologique de VISCONTI, société de coaching de dirigeants par des dirigeants

Pour proposer les meilleurs outils aux coachs et aux dirigeants qu’ils accompagnent, son équipe étudie constamment les bonnes pratiques issues du marché et les retours terrain prodigués par les coachs et les dirigeants accompagnés.

Louise-Marie intervient ponctuellement auprès des dirigeants en tant que consultante sur des enjeux de management, de marketing, de communication ou de business development. Elle publie régulièrement des newsletters thématiques à destination des dirigeants

Louise-Marie Véron est diplômée de Sciences Po Paris.

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Atlantico : La deuxième conférence sociale du quinquennat s’est ouverte ce jeudi dans un climat tendu. Traditionnellement, le dialogue social en France est compliqué. Comment expliquez-vous ces difficultés ? En quoi le vécu personnel, professionnel et culturel des différents protagonistes peut-il être cause d’incompréhension mutuelle ?

Louise-Marie Véron : Les difficultés du dialogue social français ont plusieurs origines. D’abord nous sommes dans un pays qui voit dans la Révolution de 1789 une sorte d’image d’Epinal politique. L’idéal contestataire des syndicats français est très lié à cette vision. D’ailleurs nous avons une culture du débat d’idées plus qu’une culture du pragmatisme à l’anglo-saxonne.

Ensuite, le syndicalisme français est traditionnellement très morcelé et relativement peu représentatif : de moins en moins de salariés adhèrent à un syndicat et les acteurs institutionnels restent multiples. Cela favorise un enracinement idéologique fort qui limite les possibilités de dialoguer. Si les représentants du patronat comme des travailleurs étaient plus unis et représentatifs, ils auraient déjà dû, en interne, instaurer une culture plus consensuelle et seraient mieux à même de dialoguer avec les autres acteurs. De plus, leur représentativité irait de pair avec une plus grande responsabilité. Et lorsqu’on se sent responsables, on ne peut s’enfermer dans une posture idéologique qui risquerait de mener à l’impasse.

Enfin, il ne peut y avoir de dialogue social sans une culture commune, un cadre de références partagé. Dans l’entreprise, quand la direction doit dialoguer avec les représentants du personnel, nous rencontrons parfois des difficultés très fortes, liées aux différences de perception des acteurs. A l’échelle d’une nation, ces différences sont exacerbées. Par exemple, comment voulez-vous qu’un syndicaliste représentant les travailleurs du monde industriel et ayant parfois en tête les parachutes dorés de certains dirigeants, comprenne la position d’une organisation patronale qui défend les petits entrepreneurs, dont ces patrons qui ne se payent pas pendant plusieurs années pour pouvoir salarier leurs collaborateurs ? Et vice-versa !

Comment créer les conditions d’un dialogue constructif et faire que le patronat et les syndicats se comprennent ?

Il faudrait déjà avoir une culture du dialogue social, et nous l’avons peu en France. Or, changer de culture en période de crise est un énorme défi. Lorsqu’un pays traverse une longue période de  difficultés économiques et de perte de confiance politique, il est très compliqué de vouloir instaurer une nouvelle culture, la résistance au changement est encore plus forte, exactement comme dans une entreprise en crise : les acteurs se mettent en mode survie, et chacun est tenté de tirer le plus possible la couverture à soi en espérant ainsi sauver quelque-chose.

Il faut donc arriver à faire entendre à tous les acteurs que leurs objectifs peuvent être convergents. Et favoriser la compréhension mutuelle par la connaissance de l’autre. En ce sens la conférence sociale est une bonne chose car elle pousse des acteurs différents à travailler ensemble, à passer du temps ensemble, et donc à mieux se comprendre.

Mais le dialogue social institutionnel ne suffit pas. Il faut avoir conscience que derrière ce type d’échanges, il existe aussi des milliards de relations non-institutionnelles qui peuvent ou pas créer un terreau favorable au dialogue social. L’Etat doit donc multiplier les moyens de faire remonter les informations de la société civile et montrer qu’il est à l’écoute.

Quel doit être le rôle de l’Etat dans ce dialogue ? Doit-il interférer ou au contraire rester en retrait dans une position d’arbitre ?

Il ne peut pas y avoir de dialogue social efficient sans un dirigeant qui se positionne comme un vrai leader et incarne la recherche du bien collectif. En tant que coach, lorsque nous accompagnons les dirigeants d’entreprise, nous constatons que certains blocages internes pourraient être évités si le dirigeant avait su se placer en leader impartial et sans tabou. Or, aujourd’hui en France, la méfiance vis-à-vis du monde politique est particulièrement forte. Il est d’autant plus important que l’Etat et en l’occurrence le gouvernement, prononce une parole très claire. L’Etat doit donc agir à travers la posture de leadership du Président.

A ce titre, il est intéressant que vous parliez d’« arbitre ». Dans l’entreprise, comme au niveau de l’Etat, on a souvent tendance à limiter le dialogue social aux négociations imposées entre les acteurs institutionnels sur des grands sujets : les syndicats affrontent les représentants patronaux dans un match passionnel. Dans un match, l’objectif c’est que son équipe gagne et que l’autre perde. Dans une négociation, l’objectif est de maximiser son gain au détriment de l’autre. D’ailleurs, dans les techniques traditionnelles de négociation, les acteurs ont tendance à demander 500 pour obtenir 350. Cette posture favorise les clivages forts.

Si l’Etat a un rôle à jouer c’est donc également de pousser à changer cette perception du dialogue social : nous ne sommes pas dans un match mais dans un échange pour mieux se comprendre et trouver des solutions optimales pour le bien commun.

Si vous pouviez prodiguer deux ou trois conseils importants aux différents acteurs, quels seraient-ils ?

Au gouvernement :

  • De pousser les rencontres entre les différents acteurs et le travail en commun, ce qu’il fait avec cette conférence sociale mais ce qu’il doit faire aussi au quotidien, plutôt que de voir les représentants séparément.
  • De témoigner, qu’en tant que leader, il est à la recherche du meilleur pour le collectif

Aux représentants patronaux et aux syndicats : de laisser de côté l’idéologie et les caricatures mutuelles pour se concentrer ensemble sur ce que nous voulons tous : faire revenir la croissance en France.

Globalement, et c’est d’ailleurs ce que nous recommandons dans les entreprises pour créer un esprit d’équipe et faire avancer collectivement : il faut que les acteurs redéfinissent ensemble un rêve, un objectif stratégique commun. Et éventuellement, se faire accompagner par des coachs extérieurs pour réconcilier le réel et des visions idéales différentes !

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