JFK : "Le nouveau Marianne ne doit pas être l'organe de la gauche morale, mais capter l'aspiration radicale des gens à bousculer le système tout en rendant cette aspiration constructive"<!-- --> | Atlantico.fr
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Lors de sa naissance, Marianne avait pour ambition de bousculer un paysage médiatique trop uniforme et de sortir du traditionnel clivage droite/gauche.
Lors de sa naissance, Marianne avait pour ambition de bousculer un paysage médiatique trop uniforme et de sortir du traditionnel clivage droite/gauche.
©relay

Renaissance

Touché par une grave crise, l'hebdomadaire va changer de peau. Pour son dernier numéro de "l'ancienne formule", qui sort samedi, l'hebdo a choisi un titre choc, "La situation est excellente : vers des lendemains lumineux". Il sera vendu au prix de 1 euro. Le "Nouveau Marianne" sera en vente à 3 euros à partir du 29 juin.

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn est un journaliste et essayiste.

Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne.

Il a apporté son soutien à François Bayrou pour la présidentielle de 2007 et 2012.

Il est l'auteur de La catastrophe du 6 mai 2012.

 

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Atlantico : L’hebdomadaire Marianne lance samedi 22 juin, sur vos conseils, une nouvelle formule préparée dans le plus grand secret. Le titre, comme le reste de la presse écrite, a subi une crise sévère. Comment l’expliquez-vous ?

Jean-François Kahn : Pour ce qui est de la presse en général, elle subit une crise de l'écrit que l'on observe également dans l'édition. La presse écrite est de plus en plus concurrencée par l'écran et le gratuit. Face à cette situation, elle doit se remettre en cause et accentuer sa spécificité.

Pour ce qui est des hebdos, le genre "News" est mort. Il faut réinventer un autre type d'hebdo qui serait plus qu'un journal et qui se donnerait une mission par rapport au pays. Au moment où il y a une crise de crédibilité des institutions, des partis politiques, la presse doit jouer le rôle qu'elle a joué dans les grands moments de l'Histoire. Avec Marianne, on veut relever le défi, se battre pour changer le pays et redonner de l'espérance. On veut essayé de contribuer à remobiliser les citoyens. C'est la solution pour rendre nécessaire la dimension de la presse hebdomadaire.

Lors de sa naissance, Marianne avait pour ambition de bousculer un paysage médiatique trop uniforme et de sortir du traditionnel clivage droite/gauche. Ces dernières années l'hebdo Marianne avait-il perdu sa vocation initiale ?

Marianne a souffert de s'être éloigné de sa spécificité et de sa dimension originelle, qui était de dépasser les clivages gauche/droite et d'essayer de bousculer toutes les formes de pensée unique, de pensée "panurgique". L'ensemble de la rédaction de Marianne a pris conscience de cette situation et a décidé tout à coup de secouer le cocotier et de dire : "oui c'est vrai ! On s'est laissé endormir par le succès". Il faut retrouver notre différence et en même temps se donner une mission transformatrice par rapport à la situation dans laquelle se trouve la France. Marianne doit être le journal qui se veut un laboratoire pour aller chercher des alternatives au-delà des clivages traditionnels.

Le titre s’était distingué par son antisarkozysme virulent. Après l’élection de François Hollande, l’hebdo est revenu à un ton plus consensuel. Cela explique-t-il en partie la baisse des ventes ? Le magazine a-t-il raté le virage de l'après Sarkozy ?

On ne peut pas exactement dire ça car il y a aussi eu des titres très durs sur François Hollande et le ton du journal n'est pas tendre avec le nouveau président de la République. Marianne, dans les deux premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy était le seul titre à être très critique à l'égard de l'ancien président de la République.

Ensuite l'ensemble de la presse est également devenu très critique, mais ce n'était pas le cas les deux premières années. Donc à cette époque Marianne tranchait par rapport au reste de la presse. En revanche, lorsque Marianne adopte un ton extrêmement critique à l'égard de François Hollande, le titre s'aligne sur le reste de la presse. Aujourd'hui, la situation est plus compliquée. Le problème n'est pas de critiquer Sarkozy ou Hollande, mais de trouver des solutions, d'imaginer des alternatives, de redonner de l'espoir.

Quelle sera la ligne du nouveau Marianne ? Compte tenu de la sociologie de son lectorat, à quel public le titre doit-il s'adresser ? 

Le Nouvel Obs est le journal de la gauche morale. D'autres journaux représentent une forme de droite libérale. A un moment, Marianne s'est mis à ressembler au Nouvel Obs. C'était une erreur profonde. Marianne doit au contraire accentuer sa différence. Il y a un besoin de radicalité dans le pays. Marianne doit être le journal qui refuse le système institutionnel, le journal qui fustige le face à face mortifère entre la gauche et la droite. Marianne doit être le journal qui épouse l'aspiration radicale des gens à explorer une autre voix et à construire une autre alternative. Cette aspiration peut être dangereuse, mais le rôle de Marianne est justement de la positiver et de la rendre constructive.

Concrètement, à quoi va ressembler le contenu du "nouveau Marianne" ?

Marianne va ouvrir un espace laboratoire aux réflexions pour inventer une alternative politique. Chaque semaine, des pages seront ouvertes à ceux qui veulent réfléchir et participer à l'alternative. Le journal aura une ligne plus identifiée, plus cohérente, mais intégrera également des pages pour la contradiction. Marianne essaiera également de transcender complètement l'opposition entre presse élitiste et presse populaire. Il accordera une grande importance à la fois à la rubrique "idée" et aux faits divers avec humour, émotion et sensation.

Le magazine a toujours eu des difficultés à se positionner sur internet. Allez-vous développer une nouvelle stratégie sur le web ?

Je n'ai pas travaillé sur cet aspect du projet. Néanmoins, je pense qu'il doit y avoir une articulation entre internet et le journal. Internet doit être le laboratoire de tous ces gens qui ont des propositions à faire. La version papier devra reprendre le meilleur des propositions. Le site doit être le support du débat et de la réflexion impulsée par Marianne.

Vous aviez quitté la direction de l’hebdo en 2007 il y a deux ans, attristé des réactions qui avaient accompagné "votre petite phrase" sur l’affaire DSK. S'agit-il de votre retour sur le devant de la scène ? 

Non, c'est la rédaction de Marianne qui va mettre en œuvre cette nouvelle version. Simplement, c'est la société que je préside, République communication, qui a proposé ce projet. Collectivement, l'équipe de Marianne s'en est ensuite emparée. 

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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