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La bataille du Brésil : davantage une réaction à la transition économique en cours qu’une faillite d'un modèle de développement
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Vent de révolte

Le Brésil est secoué depuis quelques jours par des manifestations les plus importantes depuis 21 ans. Les manifestants dénoncent en particulier les dépenses colossales du gouvernement pour organiser la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques.

Stéphane   Monclaire

Stéphane Monclaire

Stéphane Monclaire est Maître de conférences à Paris-I Sorbonne et chercheur au Centre de recherche et de documentation sur l'Amérique latine.

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Atlantico : Ces derniers jours, nous assistons à de véritables scènes d’émeutes dans les villes brésiliennes : jets de pierres et tirs de cocktails Molotov. Quels sont les facteurs et les ressorts de la contestation brésilienne ?

Stéphane Monclaire : Les ressorts de la contestation sont essentiellement les réseaux sociaux. Comme on l’a vu en Turquie, es communications sur les réseaux sociaux invitent les foules à descendre dans la rue. Ces derniers jours on ne descend pas dans la rue au Brésil parce qu’un parti, un syndicat, appelle à manifester mais tous simplement car les relations, la famille et les amis expriment leur mécontentement pour plusieurs raisons.

Les revendications sont majoritairement ponctuelles et conjoncturels. L’élément déclencheur a été la hausse du prix des transports publics. Néanmoins il n’y a pas de corrélation importante entre les villes où les hausses des prix sont importantes et l’ampleur des manifestations. En réalité ces hausses des tarifs ont servis d’élément déclencheur. On peut distinguer d’autres facteurs de mécontentement. Le plus important est le manque de perspective économique et social de la population  brésilienne.

Tous les jours au Brésil les médias parlent de l’organisation des Jeux Olympiques et de la Coupe du Monde. Les médias, les publicités sont concentrés sur ces évènements. Par conséquent Les brésiliens sont en quelque sorte dans un état de « saturation » et on l’impression que ces évènements prennent une place surdimensionné car ces évènements deviennent l’unique horizon des pouvoirs publics brésiliens. Les facteurs qui aggravent ce phénomène est que les élections présidentielles ont également lieu en 2014. L’équipe dirigeante au pouvoir  n’a, elle aussi, pour seul horizon sa réélection en 2014 et fait très peu de projection après cette date. L’agenda politique est donc, lui aussi, bloqué à 2014. Les brésiliens ont par conséquent l’impression que le Brésil n’a pas de projet à moyen et long terme.

De plus les conquêtes sociales que les brésiliens ont connues pendant les années Lula sont considérées comme des acquis et plutôt que de s’en réjouir la population réclame d’avantage d’améliorations sociales. Le problème est que l’Etat brésilien n’a plus les budgets disponibles dans cette période de faible croissance et de marasme économique internationale. On peut observer des revendications différentes selon les villes. Par exemple à Brasilia, la capitale fédérale, les manifestants dénoncent majoritairement la corruption endémique. Il n’y a pas encore d’homogénéité, de nationalisation de la contestation. On observe pour le moment des manifestations ponctuelles nourrit par un ensemble d’insatisfaction diverses.

Par exemple il y a des attentes importantes en matière de politique d’éducation, de santé et à l’échelle d’un pays aussi vaste et peuplé que le Brésil ces politiques nécessitent des milliards et qui plus est dont les effets sont appréciables sur le moyen et long terme. Bien que le gouvernement de Dilma Roussef ai développé des politiques sociales, la population ne ressent pas les retombées de ces mesures.

Les éléments de contestation, comme la hausse des tarifs des transports publics, n’ont pourtant jamais suscité dans le passé une telle contestation. Pourquoi ?

Les politiques d’éducations menées sous le mandat du président Lula ont profondément changé le public universitaire. Les contestataires proviennent majoritairement des couches populaires qui ont accédé à la classe moyenne. Ces populations majoritairement jeunes sont sorties de la classe populaire et s’empare des outils de la citoyenneté. Ils pétitionnent, ils twettent et se réunissent. Globalement c’est une pénétration dans l’espace public de populations qui jusqu’à présent ne s’y exprimait.

On peut ajouter que mondialisation et Internet aidant, les brésiliens sont informés des évènements récents en Turquie et cela contribue à établir des répertoires d’actions, des façons d’agir pour manifester qui se répandent à travers les médias et les réseaux sociaux

Peut-on pour autant réduire ces évènements à une contestation d'ordre social-économique ?

Stéphane Monclaire : En effet car le mouvement de contestation est très peu politisé pour le moment. On a plus à faire à un agrégat de revendications diffuses que les propres manifestants ont du mal à formuler plutôt qu’a des revendications politiques précises. Peut-être qu’au fil des heures, au vue des lectures faites par les journalistes, les manifestants reprendront les analyses des journalistes ou y trouveront des éléments de justifications et donneront ainsi à leur revendication une tournure à la fois plus homogène et plus politique. Pour l’instant  le mécontentement ne se préoccupe pas de la sphère politique mais est essentiellement économique et sociale. Hormis le thème de la corruption dans le milieu politique, la contestation n’a aucune revendication politique

Doit-ont parlé d’un échec du miracle brésilien ?

Stéphane Monclaire : Il faut se méfier des visions que l’on peut avoir à l’étranger de ce qui s’est passé au Brésil depuis une vingtaine d’années. Depuis 1994, le brésil se met en ordre de marche pour avoir une croissance forte. Dans les années Lula, croissance mondiale aidant, l’Etat brésilien a mis en place des politiques sociales qui ont aidé à la fois à faire sortir des millions de personnes de la pauvreté mais aussi assuré un essor économique considérable. Depuis la prise de fonction de Dilma Roussef il y a deux ans, la croissance mondiale n’est plus au rendez-vous. L’Europe et les pays industrialisés sont dans une situation difficile, et en particulier l’Europe qui est un partenaire très important du Brésil. Le Brésil souffre de ce manque de dynamisme de l’économie mondiale. Mais il n’y a pas eu de « miracle brésilien » donc il n’y a pas l’échec d’un miracle. L’économie brésilienne est moins bien portante que ne le dis la presse internationale.

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