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Angela Merkel suggère aux jeunes chômeurs européens de quitter leur pays pour trouver un emploi : la chancelière a raison sur le principe mais tort dans les faits
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Jeunes, motivés ? Partez !

La chancelière allemande appelle les 3,6 millions de jeunes chômeurs européens à quitter leur pays pour rechercher les emplois là où ils seraient disponibles dans l’Union européenne. Encore faut-il savoir où, comment et pour quels résultats.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : La Chancelière allemande suggère aux 3,6 millions de jeunes chômeurs européens de quitter leur pays pour rechercher les emplois là où ils seraient disponibles dans l’Union européenne. Elle appuie son propos sur une comparaison historique, arguant que les jeunes de l’ex-RDA ont massivement trouvé du travail en déménageant après la chute du Mur. Cette solution vous paraît-elle réaliste ?

Gilles Saint-Paul : Elle me paraît relativement irréaliste dans la mesure où l'on sait que la mobilité du travail entre pays européens est relativement faible. Il est exact cependant que l'on observe une hausse des migrations en provenance des pays les plus mal-en-point, tels que l'Espagne, depuis le début de la crise. Mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'un tel mécanisme soit suffisamment puissant pour conduire à une résorption du chômage.

Par ailleurs, aucun pays n'a une conjoncture suffisamment favorable pour attirer beaucoup de monde. Certes l'Allemagne a un taux de chômage faible mais sa croissance reste médiocre et sa bonne performance en matière d'emploi est en partie due à des accords locaux de préservation de l'emploi souvent associés à du temps partiel ou des réductions de salaires, ce qui ne rend donc pas le marché du travail allemand si attractif que cela pour les nouveaux venus.

Où se trouvent aujourd'hui les réserves d'emploi en Europe ?

Les réserves d'emploi se trouvent dans les pays à bas coûts salariaux et dont on peut espérer une croissance rapide, tels que la Pologne . Mais ces mêmes coûts salariaux ne les rendent pas très attirants pour les jeunes chômeurs des pays de l'Ouest, du moment qu'ils peuvent compter sur le soutien financier de leur famille ou des minima sociaux relativement généreux.

Les jeunes peuvent-ils vraiment plus facilement trouver un emploi en quittant leur pays pour aller vers d’autres endroits dont ils maîtrisent encore moins les codes culturels ou la langue ?

Il ne faut pas surestimer ces barrières et de nombreux jeunes s'expatrient pour chercher du travail ailleurs en Europe. Simplement le phénomène est — pour l'instant — trop faible quantitativement pour agir comme régulateur du marché du travail. Dans de nombreux pays on constate même que la mobilité régionale est particulièrement faible, comme en Espagne ou en Italie. Cependant il n'est pas à exclure que la gravité de la crise ne fasse passer un seuil au-delà duquel les flux migratoires seront nettement plus élevés, de par la force des choses. Lorsque l'Espagne, le Portugal et la Grèce sont entrés dans l'UE, leurs travailleurs immigrés sont rentrés chez eux en raison du boum économique. Ils anticipaient une convergence rapide des niveaux de vie, ce qui a effectivement eu lieu. Inversement, si le chômage de masse s'installe dans ces pays et l'activité continue de décroître, ils pourraient à nouveaux se révéler une source d'émigration massive.

Plus globalement, le marché de l'emploi européen est-il aujourd'hui suffisamment harmonisé pour valider cette hypothèse ou, au contraire, constitue-t-il un frein ? En quoi ?

Le marché du travail est loin d'être harmonisé, il existe de nombreuses réglementations spécifiques qui rendent la mobilité difficile notamment pour les travailleurs indépendants, les professions libérales, etc. Et les rigidités salariales font qu'il est difficile pour le marché du travail d'un pays donné d'absorber des nouveaux venus. Il y a une contradiction à vouloir à la fois faire partie d'un marché unique des facteurs de production et préserver les rentes de situation des travailleurs en place. D'où les incohérences et les cafouillages que l'on a observés lors de l'élargissement de l'Union Européenne vers l'Est et la mise en place de la directive Bolkestein.

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