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Hier dimanche, le PS a été éliminé dès le premier tour des législatives partielles de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne, ancien fief de Jérôme Cahuzac.
Hier dimanche, le PS a été éliminé dès le premier tour des législatives partielles de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne, ancien fief de Jérôme Cahuzac.
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En sursis

Hier dimanche, le PS a été éliminé dès le premier tour des législatives partielles de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne, ancien fief de Jérôme Cahuzac. C'est la huitième défaite consécutive du PS dans ce type d'élection.

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Ce dimanche, le PS a été éliminé dès le premier tour des législatives partielles de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne, ancien fief de Jérôme Cahuzac. Comment analysez-vous ce résultat ? Quelles leçons faut-il en tirer ?

David Valence : Les médias insistent tous, en boucle, depuis hier, sur l'exceptionnel résultat du Front national. Ils ont raison, bien sûr, et d'autant que le candidat de Marine Le Pen, Etienne Bousquet-Cassagne, cumulait deux handicaps qui n'en sont pas être pas vraiment : son extrême jeunesse (23 ans) et une implantation hors de la circonscription. Il n'a même pas pu voter pour lui hier, car il est inscrit sur les listes électorales dans une commune qui n'est pas située dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne.

Ce résultat est pourtant à situer dans la continuité d'une progression du FN dans un département qui lui a été toujours été plutôt favorable, comparativement au reste du Sud-Ouest. Dès les années 1990, le Front national réalisait en effet d'excellents résultats dans le Lot-et-Garonne, pour des raisons qui ne peuvent être évoquées en détail ici.

Mais je suis également frappé par deux autres surprises de ce scrutin : le bon niveau relatif de la participation (45,8%) et le résultat assez décevant du candidat UMP Jean-Louis Costes (28,5%).

Dans l'ensemble, la principale leçon de ce scrutin est donc que les électeurs du Lot-et-Garonne ont envoyé un message de défiance vis-à-vis des grands partis de gouvernement. Lors des élections partielles, ceux-ci sont en principe favorisés. Or, ils ne recueillent dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne qu'un peu plus de 52% des voix...

C'est la huitième défaite consécutive du PS dans des législatives partielles et la deuxième fois que le PS ne figure même pas au second tour. Son principal partenaire EELV et même le Front de Gauche ont été également sèchement éliminés. La majorité est-elle en train d'imploser. Jusqu'à quand pourra-t-elle survivre à des élections pour lesquelles elle ne passe pas le second tour ?

Le rythme des élections partielles va se ralentir désormais, sauf si le gouvernement faisait voter une loi sur le cumul des mandats interdisant immédiatement de cumuler des mandats parlementaires et des exécutifs régionaux. En ce cas, le risque serait même sérieux pour le PS de perdre, non seulement la majorité absolue, mais peut-être même la majorité tout court. Ce serait tout de même ubuesque, de voir une alternance pour cause d'élections partielles !

Je pense donc que le gouvernement, s'il se montre ambitieux pour limiter le cumul des mandats comme il l'annonce partout et depuis longtemps, repoussera l'application de cette loi à 2017.

Les élections partielles sont des sondages grandeur nature sur l'état d'esprit des Français, quand elles ont lieu dans des circonscriptions "normales". Le résultat d'hier montrent que la droite capitalise un peu par défaut sur l'impopularité de la gauche, mais que le grand gagnant du délitement actuel de l'exécutif, c'est hélas le Front national.

Invité dans l'émission Capital ce dimanche, François Hollande a estimé que l'élimination du candidat du PS dès le premier tour au profit de celui du FN, est une "séquelle" de l'affaire Cahuzac. Qu'en est-il réellement ? Quel a été l'impact de l'affaire Cahuzac dans cette élection ?

La médiatisation de l'affaire, loin d’écœurer les électeurs, les a sans doute mobilisés. Je le répète, une participation de 45,8% est plutôt élevée pour les élections partielles. A titre d'exemple, on comptait 41,5% de participation dans la 6e circonscription de l'Hérault au 1er tour le 9 décembre 2012, ou 38,8% dans la 8e circonscription de la Gironde le 23 novembre 2008, pour d'autres élections partielles.

Le scandale provoqué par l'affaire a également "dopé" le résultat du Front national, qui se permet même le luxe de gagner près de mille voix en valeurs absolues par rapport au 1er tour des législatives de juin 2012, où la participation était sensiblement plus élevée. L'affaire Cahuzac ne profite pas, en revanche, à la droite. Son candidat perd environ 3.700 voix en valeurs absolues, et gagne à peine plus d'1% en valeurs relatives par rapport à juin 2012 (+ 1,5%).

La droite aurait donc tort de se réjouir trop vite de scandales comme ceux-là. S'ils compromettent l'image de la majorité au pouvoir, ils ne profitent pas ou peu à l'opposition de droite modérée, contrairement à ce qu'on observait à la fin des années Mitterrand.

S'agit-il d'une défaite conjoncturelle ou le FN peut-il menacer durablement le PS ? Celui-ci est-il en train de disparaître progressivement ?

Dans la perspective des élections européennes de 2014, voire des régionales et des cantonales de 2015, la poussée du Front national a de quoi inquiéter le Parti socialiste... comme elle aurait dû l'inquiéter en 2002. En résumé, la gauche est au pouvoir, et comme telle rejetée par la partie de l'opinion la plus contestataire. Au surplus, l'anti-mondialisme déculpabilisateur de Marine Le Pen a de quoi séduire une partie des électeurs de gauche déçus par François Hollande : le FN explique aujourd'hui nos difficultés par des causes extérieures, l'Europe, l'immigration, et flatte les citoyens dans leur peur du changement et de l'effort. Il a remisé ses discours ultra-libéraux pour mettre l'accent sur la nécessaire protection des Français. Il défend une politique sociale très généreuse pour les "nationaux". Tout cela a de quoi attirer des électeurs de gauche dès le 1er tour.

Imaginez que le FN soit devant le PS aux élections européennes de 2014, puis aux élections régionales de 2015 : on voit mal comment, dans ces conditions et si les listes de gauche se plaçaient seulement en 3e position, François Hollande ferait pour "garder son cap". Il serait presque contraint à la dissolution.

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