Syrie : l’Occident est-il en train de se transformer en idiot utile des islamistes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Etats-Unis ont annoncé, au prétexte que le régime de Bachar al-Assad utiliserait du gaz sarin contre les rebelles, la livraison d’armes aux milices syriennes sunnites.
Les Etats-Unis ont annoncé, au prétexte que le régime de Bachar al-Assad utiliserait du gaz sarin contre les rebelles, la livraison d’armes aux milices syriennes sunnites.
©Reuters

Pente glissante

Face à la menace islamiste-sunnite, l'Europe, les Etats-Unis et la Russie feraient mieux de s'allier, plutôt que d'aider les rebelles à renverser le régime alaouite d'Assad.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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La Syrie sera-t-elle la prochaine cible des armées de l’Otan ? Le régime de Bachar al-Assad va-t-il être balayé par les armées occidentales alliées des pétromonarchies islamistes du Golfe qui aident les rebelles syriens et exigent, comme jadis contre le régime laïque de Saddam Hussein, des Occidentaux qu’ils agissent en mercenaires des puissances sunnites ? On peut se poser la question.

Ainsi, après un premier pas franchi le 27 mai dernier par l’Union européenne - sous la pression franco-britannique - qui aboutit à un début de levée de l'embargo sur les armes à destination des rebelles syriens (en majorité islamistes), les Etats-Unis ont annoncé à leur tour, au prétexte que le régime de Bachar al-Assad utiliserait  du gaz sarin contre les rebelles, la livraison d’armes aux milices syriennes sunnites. Certes, le secrétaire d’Etat John Kerry a réaffirmé qu’il n’est question pour l’heure que d’"armes légères" et que son pays appuie toujours une solution politique, via notamment la prochaine conférence dite de "Genève 2". Mais l'usage d'armes chimiques et l'implication de plus en plus directe de l’Iran et du Hezbollah (ennemis jurés des pétromonarchies sunnites du Golfe) dans la guerre civile syrienne, qui a permis au régime de reprendre l’avantage, risque de rendre "hors de portée" cette solution politique (Genève 2). Solution voulue par Moscou et acceptée à contre-cœur très récemment par Washington, qui subit les pressions contraires tant de ses "alliés" fondamentalistes du Golfe que des Européens, adeptes d’une "politique d’apaisement" vis-à-vis de l’islamisme sunnite international, qui menace la France et la Grande-Bretagne à la fois en raison de l’intervention au Mali et de leur non-action en Syrie.

Nouvelle Guerre Froide Russie-Occident ? Le calcul suicidaire des pays de l’OTAN

Echaudé depuis la fin de la Guerre Froide par les différentes interventions militaires des pays de l’Otan en Irak, en ex-Yougoslavie et en Libye, à chaque fois au nom de motifs "humanitaires" - mais en réalité surtout pour supprimer des régimes alliés de la Russie souvent au profit d’islamistes - Moscou a mis en garde contre l'instauration d'une zone d’exclusion aérienne sur la Syrie. Cette dernière est envisagée par Washington et ses alliés franco-britanniques. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a ainsi accusé les Etats-Unis de violer le "droit international" en prévoyant de recourir à des chasseurs F-16 ou à des missiles Patriot (basés en Jordanie) qui serviraient à imposer une zone d'exclusion aérienne. Voulue par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie d’Erdogan (trois "parrains" de la récupération des révolutions arabes par les forces islamistes), l’aide militaire aérienne occidentale réduirait l’avantage de l’armée syrienne et pourrait être le prélude à un renversement de régime. A l'instar de ce qui s’est produit en Libye, où le mandat initial d’interposition des forces aériennes franco-britanniques s’est vite transformé en une guerre pour renverser le régime de Mouàmmar Kadhafi... Pour les dirigeants russes, les accusations des pays occidentaux concernant les armes chimiques relèvent donc du "mensonge" et ne servent qu’à justifier le futur renversement du régime alaouite de Damas, au détriment de la Russie, dont tous les alliés stratégiques méditerranéens, caucasiens, centre-asiatiques et arabes sont soit renversés (anciens dirigeants pro-russes de Serbie, d’Irak, et de Libye), soit encerclés (Iran, Chine, Asie centrale-Caucase-Serbie, etc) par les forces de l’Otan. Comme si la Guerre Froide n’était pas terminée et comme si la Russie demeurait l’ennemi suprême devant être "endiguée" par n’importe quel moyen, y compris l’islamisme radical. Rappelons que pendant la Guerre Froide, les ancêtres d’Al-Qaïda furent appuyés massivement par les Etats-Unis et les pays occidentaux pour affaiblir les Russes en Afghanistan…

Hélas, plutôt que de redéfinir ses intérêts stratégiques et les nouvelles menaces à l’aune de l’évolution géopolitique mondiale depuis 1989, marquée par la montée de la haine envers les peuples européens-judéo-chrétiens, qui devraient plutôt s’allier ("Russie, Europe et Etats-Unis même combat") face à la menace islamiste-sunnite, les Occidentaux perpétuent la vieille stratégie "pro-islamiste". Une stratégie tournée contre la Russie et ses alliés qui découle elle-même d’une vaste stratégie de "néo-containment" de la Russie et de ses alliés, jugés hostiles à l’empire anglo-saxon mondial. C’est dans ce contexte que le chef de la commission des Affaires étrangères à la Douma, Alexeï Pouchkov, a accusé les Etats-Unis d'avoir "fabriqué" les accusations d’utilisations d’armes chimiques en Syrie. Comme jadis la guerre contre l’Irak en 2003 a été justifiée par les accusations d’utilisation de gaz sarin contre les Kurdes et la détention d’armes de "destruction massives". L’ex-président G. W. Bush avoua plus tard que celles-ci servirent à justifier la guerre en Irak.  

Certes, cette fois-ci, l’utilisation de gaz sarin par le régime syrien est peut-être fondée. Mais il faut rappeler que les rebelles, que nous allons armer et aider à renverser le régime alaouite d’Assad, ont eux aussi commis des "crimes de guerre" et utilisé l’arme chimique. Et ils seront peut-être encore plus totalitaires que leurs prédécesseurs laïques alaouites qui, au moins, protégeaient les minorités, aujourd’hui menacées. Ensuite, le moins que l’on puisse dire est que les Occidentaux ont du culot d’accuser les Russes d’être alliés de l’Iran et du Hezbollah pro-Assad, alors que les Occidentaux ont aidé Khomeiny à lâcher jadis le Shah d’Iran, puis, en 2003, aidé Téhéran à contrôler l’Irak post-Saddam Hussein. Depuis la Guerre Froide, nos démocraties obligées agissent comme des mercenaires géostratégiques des pétromonarchies sunnites du Golfe, marraines de l’islamisme international - Arabie saoudite et Qatar en tête - et grandes persécutrices de chrétiens, tout comme leur allié pakistanais qui possède la bombe atomique… Une bombe contre laquelle ils n’ont jamais pris de mesure, contrairement au projet iranien, alors qu’elle pourrait tomber dans les mains des Talibans et Al-Qaïda… Depuis les années 1990, ces parrains moyen-orientaux de "l’Internationale islamiste" ont obtenu de leurs obligés européens et américains qu’ils les aident à renverser les derniers régimes musulmans non-encore islamistes. Les Occidentaux ont en effet aidé Erdogan à démanteler le système laïque-kémaliste turc ; ils ont aidé directement ou indirectement à renverser l’Irak laïque de Saddam Hussein, la Tunisie moderne de Ben Ali, l’Egypte de Moubarak et la Libye de Kadhafi, en guerre avec le salafisme pro-saoudien. Tous ces régimes en guerre avec Al-Qaida ou les Frères musulmans ont été remplacés par des "démocrates islamistes" sponsorisés par le Qatar et le néo-Sultan turc Erdogan. Nos alliés sunnites obscurantistes du Golfe ont également obtenu de leurs obligés euro-occidentaux qu’ils acceptent la progression sur leur sol d’un islamisme radical déterminé à empêcher l’intégration (jugée "impie") des immigrés musulmans. Si l’Occident détestait ses propres valeurs et méprisait ses propres intérêts, il n’agirait pas autrement et choisirait ce genre d’"alliés"...

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